American reconciliation

Publié le 19 février 2009 par Hortensia

Cela fait quelques années que je me suis laissée entraîner par le flot des romans français, classiques, alternatifs ou modernes. Croyant lire un peu américain quand je lisais du Djian et me lassant des sempiternelles romances historico-amoureuses aux épopées aussi prenantes que de la vinasse californienne, écrites outre-atlantique. Je dois reconnaître, que j’avais laissé de côté tout américanisme littré à l’exception de Philip Roth duquel je tiens encore le sein en mon esprit, dans une mouvance toute kafkaïenne.

Puis, je me suis fait embauchée par une entreprise avec un CE et j’ai noté qu’à côté des DVDs il y avait aussi une bibliothèque, gratuite, qui dispose de toutes les nouveautés qu’on désire.

C’est comme ça que je me suis remise aux romans à l’écriture fluide. Quand je paie, j’en veux pour mon argent. J’achète alors (je crois alors acheter) de la lecture profonde, élaborée, corroborée si possible d’un style complexe, d’une pensée insidieuse. or, avec le CE, je n’ai plus rien à perdre, sauf mon temps dans le métro si je ne l’occupe pas. C’est ainsi que je me suis mise à Lodge.

J’ai pris ce faux risque car je suis restée sur ma faim à la lecture de quelques critiques dans les forums qui disent en gros que Lodge est un grand talent voire un génie mais que tous ses livres sont saoûlants et ne parlent toujours que de la même chose : le milieu universitaire. Est-ce là le fossé qui sépare le génie littéraire américain d’un jugement français trop conventionnel ?

J’ai lu le livre en quelques allers-retours sous-terrains, saupoudrés de quelques menues soirées. Je me suis régalée.

Lodge a une écriture qui ne s’arrête pas. L’histoire qu’il nous raconte est une grande ligne continue, absolument homogène dans sa consistence et sa couleur. Il s’emploie au fil des pages à nous mener dans des virées de droite, de gauche à nous donner presque un semblant de tournis mais il nous fait avancer sans jamais revenir sur ses pas. L’écrivain a déjà la maîtrise de la trame.

Sur les mots qu’il emploie, c’est simple, efficace. Le style est tellement plat qu’on pourrait presque penser à une mauvaise écriture. Détrompez-vous ! Le paysage est tout en relief et vous n’y verrez que du plat si vous ne vous élevez pas un tant soit peu ou si vous vous arrêtez à chaque détail.

Je passe l’histoire très vite : un vieux prof talentueux à la retraite se fait de plus en plus sourd. Il raconte cet état de surdité, tout en l’agrémentant de sa vie d’où surgit une furieuse étudiante, une famille bourgeoise et des racines prolos. L’avancée est profonde, prenante, ironique et lucide.

J’ai particulièrement aimé les petits portraits, les instantanés des rituels hypocrites tenus tant par un collègue de ce prof que par sa femme, ce qui constitue là le devant, la vitrine de sa vie.
J’ai beaucoup aimé les côtés coulisses que nous laisse découvrir le livre, constitués par la relation toute imaginée entre le prof et l’étudiante, par ses sources qui sont son père et les livres.

Je ne m’attarde pas. Updike et son Rabbit m’attendent. Ils me font déjà rire avec leur milieu enracinés dans la bourgeoisie américaine entourée de bagnoles ! Merci à Lodge pour cette réconciliation. Je me remets à croire en l’Amérique même si Obama y est aussi de loin pour quelque chose…

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