[Parution in Journal du Jeune Praticien n°343 du 16 juin 1995]
À sa découverte, le vaccin anti-variolique était considéré comme l’une des plus grandes innovations de tous les temps. Mais en ayant permis l’éradication de la variole, devenue le « fléau oublié », son succès même a rendu paradoxalement ce vaccin obsolète ! Plus généralement, les vaccins sont salués avec enthousiasme à leur apparition, mais ils deviennent ensuite banals, voire inusités, au fur et à mesure qu’ils font reculer une maladie. Ainsi, dans un sondage réalisé par le groupe Du Pont de Nemours sur « les inventions ayant le plus changé la vie au cours du XX
ème siècle » (
Les Échos, 01/02/1995), les vaccins (avec seulement 11 % des suffrages) arrivent, pour le domaine de la santé, loin derrière la pilule contraceptive (37 %). Commentaire des Échos : « Le vaccin anti-poliomyélite, sans doute une des plus belles victoires de la science du XX
ème siècle, est relégué à l’avant-dernier rang (du sondage), mais il est vrai que cette maladie a pratiquement disparu des pays occidentaux ». De façon étrange, l’utilité d’un vaccin semble donc, à terme, inversement proportionnelle à son efficacité : le vaccin sera d’autant moins précieux, à la longue, qu’il aura mieux rempli sa mission d’éradication. Et inversement, tel l’hypothétique et « messianique » vaccin anti-Sida, il est d’autant plus attendu qu’il reste encore inefficace !