La Guadeloupe ne joue pas aux irréductibles gaulois. Au cas où l’on aurait pensé, à l’Elysée ou ailleurs, que le mouvement social ultramarin ne serait qu’amusette vite réglée par le lâcher de quelque monnaie, on se serait gouré. La Guadeloupe ne joue pas. La Martinique, la Guyane ou la Réunion non plus. Henri Salvador n’aurait pas eu assez de son rire tonitruant pour redonner le moral à ses compatriotes ultramarins. Faut rigoler, faut rigoler… Stop, on ne rit plus. Il y a eu mort d’homme et là-bas ils semblent tous avoir la mort dans l’âme depuis tout le temps que la vie est devenue hors de prix. Et on n’en savait rien en métropole. Maintenant on ne peut plus ne pas savoir et on sait aussi que le gouvernement est dans la panade ainsi que les élus de tous bords là-bas, chez nos concitoyens ultramarins. C’est que la mutinerie persiste chez ces ultramarins qui ne sont pourtant pas des marins ultras !
Vous avez remarqué aussi, comme les médias nous abreuvent d’ultramarins ? C’est que là-bas l’heure est grave, certes. Mais pourquoi ne pas dire « antillais », « guadeloupéen », « caraïbe » comme à l’ordinaire ? Peut-être est-ce pour qu’on n’y voie que du bleu en métropole, l’ultra renvoyant dans les lointains cette agitation qui pourrait être contagieuse, sait-on jamais… Précisément, « ultramarin » signifie « bleu », bleu outremer précisément et c’est bien dans ce sens que Rimbaud l’employait dans son Bateau Ivre : « (…) Quand les juillets faisaient crouler à coup de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs (…) ». Au moins cette trouvaille médiatique nous aura valu ce bel écho à Arthur le révolté…
Faudrait donc voir à pas prendre nos ultramarins pour des schtroumpfs. Ce sont des gens comme nous en métropole, ils veulent juste arriver à vivre et ils n’y arrivent plus. L’ordre républicain en prend un sacré coup et ça dérape. Et comment aurait-il pu endiguer quoi que ce soit, le fantoche secrétaire d’état qu’on a dépêché sur place, puisrappelé, puis renvoyé avec deux médiateurs en guise de bouées… On ne sait pas par quel effet d’annonce Sarkozy va s’en tirer cette fois. Là-bas, le mouvement LKP ne désarme pas et son leader vu à la télé est ferme sur les prix, toutes rides pesant sur le front et pas du genre à mâcher ses mots. Comme Buster Keaton, il ne sourit jamais. Mais Elie Domota n’a rien d’un comique, lui. On aimerait un face-à-face télévisé avec Sarkozy. Pas trop long quand même…
Blague à part, il y a encore des tas de choses qui fonctionnent dans le pays. La police a arrêté deux dangereux évadés. Le procès d’Ivan Colonna a été renvoyé et ce n’est que justice, le temps d’apprécier les éléments nouveaux à décharge. C’est la crise partout, mais on s’habitue à force. Le plein d’essence coûte à chaque fois plus cher, mais il y a encore du pain et des jeux. On vient de fêter la Saint-Valentin, on a gagné un super Loto, on a ressuscité un peu avec un XV de France encore convalescent. Bref, la France continue.