Un excellent article de Benghozi et Benhamou étudie la longue traîne dans le secteur des biens culturels, dont certains acteurs espère l'accroissement de la diversité des biens offerts et la réduction de l'effet de chart. Ils testent donc empiriquement l'idée d'un épaississement de la queue de distribution produit par le développement de l'offre numérique.
Ils découvrent un léger épaississement, mais aussi une accentuation de la concentration sur les principaux titres. Mais ils ne constatent guère de grands bouleversements dans le degré de concentration des ventes. Est-ce une remise en cause de l'argument de Chris Andersen ? En fait pas vraiment, mais ce résultat conduit à une autre réflexion beaucoup plus intéressante.
Pour le pas vraiment, il faut reprendre l'argumentation. L'intérêt de la longue traine n'est pas lié à un changement de distribution des ventes, il est lié simplement aux conditions de distribution de l'offre. Tout l'intérêt des nouveaux canaux est de réduire les coûts de distribution, décalant l'optimum de profit vers une offre plus abondante. Dans le cas extrême et improbable où les coûts marginaux sont nul, le distributeurs numérique peut offrir 10 à 100 fois le nombre de produits qu'un distributeurs classiques est en mesure d'offrir. Dans la mesure où la répartition des ventes reste la même dans les deux cas, l'avantage du premier est de réaliser un surplus de vente par rapport au premier. C'est déjà beaucoup. Et c'est l'effet principal des technologies de l'information : en baissant le coût d'exploitation d'une unité supplémentaire d'assortiment - ou de client, ce qui est équivalent si l'idée est d'augmenter la basse de clientèle en accroissant l'offre, on élargit l'offre optimale. A vrai dire l'effet de longue traîne ne peut se tester par un changement de distribution, mais plutôt par un déplacement des optimum de profit! C'est une autre histoire.
Le point intéressant réside en fait dans ce double mouvement qui est décelé par ces chercheurs : les forte ventes s'accroissent avec les ventes faibles, au détriment des ventes moyennes, indiquant de fait, une dynamique de marché particulière qui dépend de l'exposition des titres.
L'offre accrue par la baisse des coûts de distribution, c'est à dire de mise en rayon est sujette à une demande où les titres les plus vendus bénéficient à plein d'un effet d'exposition, recueillant plus de commentaires, d'avis, de recommandations. On pourrait tester le fait en corrélant le nombre de commentaires avec le niveau de vente de l'article. Cet effet d'exposition peut être amplifié par les effets de réseaux, une plus grande exposition étant multipliée par le web 2.0. Pour les titres à faibles ventes, mais à fort caractère, le phénomène peut jouer à une échelle réduite, mais de même nature. Ceux qui n'avaient pas de voix en trouvent une, et l'exposition d'articles qui n'étaient pas exposés peut recueillir les relais de groupes de fan et d'autres aficionados, dont les petites tailles sont compensés par l'activisme.
Cet argument trouve dans la formalisation des réseaux sociaux une force particulière. Notamment celle des free-scale networks développés par Barabasi , dans lesquels un principe d'attachement préférentiel , génère à la fois une certaine forme de distribution, des propriétés fractales, mais plus fondamentalement une argumentation solide pour établir une hiérarchie que l'on peut qualifier de naturelle. Pour une analyse détaillée on lira ceci.
Reste à tester l'hypothèse : celle que la distribution de type longue traîne correspond à une dynamique de réseau de communication particulière, et que la modification (incurvation) de ces distribution est corrélée au degré de hiérarchisation des réseaux.