Entre Nicolas Sarkozy et la religion, c’est une longue histoire.
Promoteur de la laïcité positive, le chef de l’État n’a jamais caché son attachement à la foi en général et au catholicisme en particulier.
Retour sur les attaques répétées du Président et de son équipe contre la laïcité.
30 août 2004 :
Nicolas Sarkozy tend la main à Tom Cruise et aux scientologues Quand Nicolas Sarkozy alors ministre des Finances reçoit en grande pompe l’acteur américain à Bercy en 2004, il n’est officiellement
question que d’une discussion sur les relations franco-américaines et le cinéma… Mais très vite, il apparaît clairement que l’ambassadeur le plus célèbre de l’église de scientologie aurait voulu
rencontrer l’ex-ministre de l’Intérieur pour évoquer aussi la question du culte des scientologues. Il faut dire que Nicolas Sarkozy s'était distingué par une baisse de la surveillance des actions
de l'Église de scientologie, allant même jusqu'à mettre à l'écart un policier chargé du dossier, lors de son premier passage place Beauvau.
Novembre 2004 :
Un livre programmatique déjà inquiétant « Il y a de l’arrogance dans la certitude de la non-existence divine » Nicolas Sarkozy n’a pris personne en traître sur sa vision des religions. Déjà en
2004,à quelques jours du centenaire de la
loi de séparation de l’Église et de l’État, celui qui était alors ministre des Finances publie un livre-manifeste, La République, les religions, l’espérance. Tout au long de l’ouvrage, le
candidat déjà déclaré, assène ses premiers coups de canif aux principes fondamentaux de la République dans l’indifférence la plus totale.
Morceaux choisis:
« La vie spirituelle constitue généralement le support d’engagements humains et philosophiques que la République ne peut pas offrir, elle qui ignore le bien et le mal. » Jamais la République
n’avait été ainsi conspuée par celui qui se doit d’être le garant de son intégrité. Et gare aux athées ! « Je me suis toujours dit qu’il y avait de l’arrogance dans la certitude de la
non-existence divine. » Il sait de quoi il parle, question arrogance…
Juillet 2007 :
La ministre du logement confond ministère et officine religieuse Christine Boutin,
connue pour son opposition
farouche au Pacs et ses opinions religieuses tranchées, amis en place un cabinet conforme à ses convictions religieuses. Outre son directeur de cabinet formé à l'intégriste Cité catholique,
madame Boutin n’hésite pas à engager un prêtre comme chargé demission, au prétexte de « l’expérience des quartiers » qu’on lui prête… Deux nominations qui feront grand bruit tant elles froissent
la séparation de l’Église et de l’État.
AFP/Mychele Daniau
5 décembre 2007 :
Discours à l’Université de Mentouri à Constantine
Premier élément du fameux triptyque Constantine – Latran – Ryad, trois discours au cours desquels le président Sarkozy martèle sa conception religieuse des civilisations,
le discours devant les étudiants de l’Université de Mentouri à Constantine marque les esprits. Nicolas Sarkozy endosse alors l’habit de représentant de la religion catholique,dans une région
majoritairement musulmane.
« Si chacun d'entre nous, chrétiens,musulmans, juifs, nous allons au fond de nous-mêmes...» dit-il.
Ce « nous », au nom duquel s’exprime le Président,ce ne sont plus les Français dans leur diversité et leur unité, ni même les Européens,mais bien les chrétiens. Lors de ce discours Nicolas
Sarkozy n’est plus le Président de tous les Français mais seulement celui des chrétiens. À se demander si les juifs, musulmans, athées ou agnostiques ont encore le droit d’être Français si
leur Président refuse de parler en leur nom… Et ce n’est pas tout. En dangereux alchimiste de la politique et de la religion, le président de la République se fourvoie dans d’invraisemblables
amalgames.
Lorsqu’il clame sans pâlir que «la France ne transigera pas avec l'islamophobie. La France ne transigera pas avec l'antisémitisme. La France ne transigera pas avec le fanatisme. La France ne
transigera pas avec l'intégrisme. Elle ne transigera avec aucune forme d'extrémisme, avec aucune forme de terrorisme », le président de la République met l'antisémitisme et le racisme qui
restent, pour tous les humanistes, les maux les plus violents et les plus insupportables, le fanatisme et le terrorisme qui ne valent guère mieux, sur le même plan que la « phobie » d'une
religion. Il parlerait « d’arabophobie » qui est une forme de racisme, on pourrait comprendre, mais que vient faire ici « l’islamophobie » ?
20 décembre 2007 :
Discours de Latran
Le 20 décembre 2007 marque une vraie rupture dans la tradition laïque républicaine.
Pour la première fois, un Président français vante lesmérites d’une religion: « Un homme qui croit est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de
femmes qui espèrent. (…) Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration
fondamentale. » Comme s’il n’y avait pas de spiritualité possible pour les athées ou les agnostiques !
14 janvier 2008 :
Discours de Ryad
« Un élan de foi va tout emporter sur son passage » « Le Dieu unique
des religions du Livre. Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le coeur de chaque homme. Dieu qui n’asservit pas l’homme mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l’orgueil
démesuré et la folie des hommes. Dieu qui par-delà toutes les différences ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d’humilité et d’amour, un message de paix et de fraternité, un message
de tolérance et de respect.» Non ces quelques lignes ne sont pas tirées d’ un prêche ou d’un sermon mais bien d’un discours du chef d’État français à Ryad en Arabie Saoudite. Une fois de plus,
Nicolas Sarkozy rend poreuses les frontières de la séparation de l’État et de l’Église au point de les confondre. N’hésitant pas à se faire prédicateur annonçant que « le grand élan de piété, de
foi, va tout emporter sur son passage » ou envoyant, au passage, un « salut (…) à toute la communauté des croyants », le Président français semble ne plus rien vouloir s’interdire sur les
questions religieuses. À quand un « Que Dieu bénisse la France » pour conclure ses discours à la manière d’un président américain ?
Février 2008 :
« Les sectes sont un non problème en France »
Pour Emmanuelle Mignon, alors directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, «la lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets.Mais, en France, les sectes
sont un non-problème. » « La liste établie en 1995 est scandaleuse », ajoute-t-elle, évoquant la liste des «mouvements sectaires » élaborée par la Commission parlementaire d'enquête sur les
sectes. « Quant à la Scientologie, je ne les connais pas,mais on peut s'interroger », poursuit-elle, selon VSD. «Ou bien c'est une dangereuse organisation et on l'interdit, ou alors ils ne
représentent pas de menace particulière pour l'ordre public et ils ont le droit d'exister en paix.» Des propos «atterrants» pour Catherine Picard, ancienne députée socialiste et présidente de
l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes, pour qui « ces mouvements sont des nébuleuses totalitaires qui asservissent l'individu», soulignant
qu'il existait auparavant un «véritable consensus» droite gauche en France sur le sujet.
Février 2009 :
Les propos négationnistes ou « le petit bout de la lorgnette»
Évoquant la levée de l’excommunication de l’évêque intégriste Patrick Willamson rendu célèbre pour ses propos négationnistes, Christine Boutin, a appelé à ne pas regarder la question de la
réintégration dans l’église catholique des évêques schismatiques par « le petit bout de la lorgnette ». Une résurgence de ses racines religieuses tradionalistes qui lui a valu un rappel à l’ordre
du porte-parole du gouvernement. « Sur le fond, je pense qu’elle n’est pas négationniste», avait tenté de rassurer Patrick Devedjian…
Damien Ranger
pour L'Hebdo des Socialistes