« Un livre est une réalisation-improvisation, dont le coup d’envoi est absolument inattendu et dont le chemin est inventé – mais pas inventé par l’auteur, celui-ci y est pour très peu, il n’a besoin que d’être très disponible très attentif et surtout immergé – plutôt : inventé, décidé au fut et à mesure par une cascade de conséquences toutes nécessaires, c’est une conduite de langue, un mot un son-sens et lui seul en fait venir un autre, une combinaison en déclenche une autre, un épisode de mots crée la surface pour le suivant. Une pensée sérielle. Rien de machinal, il faut que la logique en soit très scrupuleuse et qu’elle épouse le réel, fidèle à en mourir. Une trame une ouverture, une action cohérente mais dont la direction est imprévisible, dont le seul scénario est son développement interne, de mot en mot un mot à mot télévisuel, et dont chaque seconde du temps est occupée par une syllabe, ou par le report ou l’absence de celle-ci. Et même, c’est la syllabe, ou son absence, qui crée le temps-espace du livre. Syllabe-être. A ce point, réel de la langue et réel du monde ne font qu’un. Une obsession majeure commande ce travail : être au contact du réel – une obsession, et toute l’angoisse d’un grand amour. Le réel, l’époque, le monde. Un désir fou un besoin fou de le toucher. Une ascèse, mène à ces quelques secondes. Seule l’écriture. Le contact donc, la vérité de ce contact, et l’expérience de la connaissance qui est indissociable de l’écriture-contact – aspiration d’une vie d’écrivain. »
Dominique Fourcade, Citizen Do, P.O.L. 2008, p. 15