Entre Pierre Péan et le “french doctor” … pas l’amour fou. c’est le moins que l’on puisse dire.
La dernière phrase du livre (Le monde selon K. ) résume assez bien cet antagonisme : ” A force, il aura fait une victime de ce qui lui était le plus cher : l’image qu’il voulait donner de lui-même et à laquelle il sera, à ce train, le dernier à croire.“
Le journaliste écrivain d’investigation, charge la barque et ne se prive pas de dézinguer l’icône.
“Même si cela fait de nombreuses années qu’il a abandonné sa blouse blance, les Français -en tout cas, l’opinion que leur prêtent les instituts de sondages et le fameux baromètre annuel des personnalités les plus aimés- ne le perçoivent pas comme un politicien ordinaire, mais comme un bon French doctor. Un héros contemporain qui brave tous les dangers pour aller soulager la misère des victimes à l’autre bout du monde. Une version laîque postmoderne de l’abbé Pierre dont il se proclamait d’ailleurs volontiers l’ami.
On ne peut donc qu’hésiter à égratigner cette image pieuse, même si - comme c’est mon cas- on ne partage pas l’enthousiasme d’une grande majorité de nos concitoyens. à son endroit.“
Je ne sais si “l’hésitation” fut longue, mais la décision prise, le résultat est là : un livre décapant à l’encontre du blondin des plateaux télés, du porteur immortel de sacs de riz.
La polémique récente recherchée par Kouchner apporte d’ailleurs de l’eau au moulin de Péan. En effet les arguments choisis par BK pour sa défense sont à l’image de ce que décrit Péan tout au long du livre. On notera en passant que cette défense n’intervient qu’à propos d’une toute petite partie de l’ouvrage, presque anecdotique, et pas sur le fond et l’essentiel du bouquin.
L’essentiel c’est en effet l’analyse très documentée et précise des positions de l’actuel Ministre des affaires étrangères de la France, tout au long de son existence médiatico-politique, pas seulement en Afrique, comme certains le rapportent, mais aussi dans les balkans, en Irak, en Birmanie, au Kurdistan et à Washington… !
L’opposition récente entre un Kouchner ayant bâti sa renommée sur une opposition permanente à la raison d’Etat et les soutiens qu’il apporte maintenant à cette même “raison” n’est pas la moindre des attaques. Elle est très cruelle et largement argumentée.
Le couple BK-Ockrent, ses petitesses, son cynisme est passé au crible, “On ne va quand même pas comparer la “Reine Christine”, cette grande journaliste d’exception, si professionnelle, libre, indépendante et désinteréssée, à un vulgaire reporter de base.” L’ironie, on le voit, est terrible!
Il y a enfin la description précise des liens étroits qui unissent BK avec les “néo-cons” américains de Bush, et la phrase rapportée d’Hubert Védrine :
“Cela m’a fait rire de lire que Bernard Kouchner était allé faire une conférence à Washington pour mettre en garde les Etats-unis contre le risque de parler à l’Iran. Il ne faudrait pas qu’on soit les derniers néoconservateurs du système ! Il faudrait peut-être se projeter dans une autre politique : parler à l’Iran n’est pas plus absurde que de parler à l’URSS à l’époque où celle-ci menaçait l’occident de l’annihiler.“
En effet, au dela de la polémique engagée par BK, le livre de Pierre Péan veut nous dire : cet homme est dangereux pour la France. La polémique entretenue autour de l’ouvrage n’est absolument pas à la hauteur des sujets traités. Certes le livre est complètement à charge, mais les références y sont nombreuses, les argumentations étayées. On y découvre aussi les méandres d’une politique étrangère de la France, nouvelle, s’écartant de ses fondamentaux classiques et dont Kouchner n’est que l’emblématique porte-enseigne : Un livre qui mérite mieux que l’approche simplement polémique que l’on veut lui donner pour égarer les esprits de l’essentiel.
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