Faut oser… «Les cons, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnaît» disait naguère Michel Audiard dans un de ces savoureux dialogues dont il avait le secret. Je ne ferais toutefois pas à Laurence Parisot l’injure de la croire conne. Bien au contraire ! Mais il lui manque cette forme d’intelligence que l’on nomme «du cœur»… Elle n’a que celle du porte-feuilles : si possible rempli «d’actions».
Or donc, épluchant dès potron-minet la presse, je tombe sur une déclaration de la «madone du Medef» au sujet du partage des profits entre les entreprises et leurs salariés proposées par Nicolas Sarkozy. Pour mémoire : 1/3 pour les actionnaires, 1/3 pour les investissements, 1/3 pour les salariés…
Le président fait “l’aumône aux plus fragiles”, selon Benoît HamonREUTERS | 18.02.09 ©
Je rappellerais au passage avoir entendu Michel Rocard – alors 1er ministre – défendre cette proposition en 1989 lors d’une trop brève «embellie» de la conjoncture économique…
On a vu comment elle fut suivie d’effets ! Depuis 20 ans la part des salaires n’a cessé de décroître alors que les profits s’envolaient jusqu’à l’absurde. Quant aux investissements, ce fut «peau de balle» le plus souvent, jusqu’à cette monstruosité chère à Serge Tchuruk : «l’entreprise sans usine»…
Ou comment créer de la valeur – et «accumuler du capital» - à partir de rien… L’invention de la machine - virtuelle : elle ne coûte rien - à générer des profits qui explique parfaitement comment l’économie financière est totalement déconnectée des contingences de «l’économie réelle»…
Il s’agit d’une sacrée «révolution» - post-industrielle !
Voilà bien une originale façon de contrer ce que Marx appellait : «loi de baisse tendancielle du taux de profit»… je vous fais grâce des équations – pourtant simples ! - qui l’expliquent : elles ont toujours rebuté l’étudiante guère matheuse que je fus…
Il suffira de préciser qu’elle reflète un accroissement de la «composition organique du capital» à savoir le «capital constant» - les machines – par rapport au «capital variable» - le travail humain, représenté par les salaires et les charges sociales - «salaire différé»…
Supprimez les machines – et même le travail lui-même : le transfert des activités par le biais des délocalisations – et vous supprimez le problème salarial… CQFD.
Il n’en reste pas moins que toutes les activités économiques ne peuvent être délocalisées… Ainsi Bouygues peut bien construire partout dans le monde, Lafarge implanter des usines en Chine ou ailleurs, etc… On construit aussi en France et en Europe et ils n’ont pas encore – sauf notamment dans la construction navale – importé massivement de la main d’œuvre des pays sous-développés.
Idem pour l’agriculture et l’agro-alimentaire - encore que ce soit de moins en moins vrai, «ouverture des marchés» et «avantages comparatifs» aidant – la distribution, grande ou petite, une bonne part des activités dites «de service», etc…
La recherche de la compétitivité maximum – comment mettre les salariés français au niveau des quasi-esclaves des pays «émergents», les fameux «BRIC» : Brésil, Russie, Inde et Chine ? – ne peut se faire qu’en comprimant salaires et charges sociales au maximum…
C’est bien l’œuvre qu’entend poursuivre Laurence Parisot à la tête du Medef. Depuis longtemps – déjà du temps d’Ernest-Antoine Seillières, j’ai toujours été persuadée que leur rêve serait de faire payer les salaires par l’Etat ! Les continuelles exonérations de charges patronales – les salariés continuant pour leur part à cotiser au maximum ! – en est un commencement d’exécution.
D’ailleurs, Nicolas Sarkozy va dans le même sens quand il envisage «d’engager des discussions avec l’Unedic pour répartir ce surcoût - indemnisation du chômage partiel égale à 75% du salaire brut au lieu de 60 % actuellement - entre entreprises, Etat et assurance-chômage»…
Quand les entreprises – je parle surtout des plus importantes, le cas des PMI et PME est souvent très différent - engrangeaient des super-profits, non seulement elles n’augmentaient pas ou le moins possible les salaires, distribuant la majeure partie des profits aux actionnaires ou augmentant la rémunération des dirigeants, mais plus encore elles essayaient par tous les moyens d’échapper au fisc et à l’impôt sur les sociétés.
Par le biais de techniques comptables – bilans «consolidés» et autres prestations plus ou moins fictives avec leurs filiales étrangères – sans oublier, trop souvent - le détour par les «paradis fiscaux»…
Mais c’est l’essence même de l’ultra-libéralisme : «privatiser les profits, nationaliser les pertes» ! J’aurais plutôt tendance à leur dire - comme la fourmi de la fable à l’impécunieuse et imprévoyante cigale : «Et bien dansez maintenant» !
Mais c’est hélas le vulgum pecus des classes laborieuses – pauvres ou moyennes – qui risque de danser longtemps encore «devant le buffet»…
Or donc, sans se démonter un seul instant, Laurence Parisot ne craint pas d’affirmer son opposition à des discussions “au niveau national” entre patronat et syndicats sur le partage des profits entre les entreprises et leurs salariés proposées par Nicolas Sarkozy.
Affirmant sans vergogne – au détriment de la réalité que connaissent les salariés – que «Des discussions ont lieu chaque année dans l’entreprise. Chaque année, quand il y a une négociation salariale annuelle, et il y en a dans quasiment toutes les entreprises, on discute du partage de la valeur ajoutée. Mais il ne saurait y avoir de discussion avec les organisations syndicales sur le sujet au niveau national» !
Tous les économistes - qu’ils fussent libéraux ou plus à gauche - constatent que la part des salaires n’a fait que décroître depuis 20 ans !
Il restera à savoir ce qu’il adviendra de l’intention affichée par Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée qui a déclaré que «l’Etat prendrait ses responsabilités» si des progrès n’étaient pas «réalisés rapidement»…
Chiche !?