La France face à la folie pénale…

Publié le 24 août 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

EDITORIAL RELATIO par Daniel RIOT : La France a la chance (peu commune)  d’avoir à la tête de son Etat un Président qui a plusieurs idées par jour.

Le problème, c’est qu’il les rend souvent publiques sans les avoir mûries : l’effet d’annonce importe souvent plus que l’évaluations des  effets possibles de l’annonce…

La difficulté, c’est que son goût (appréciable) du « nouveau », de la « réforme », de la « rupture » et de la chasse aux « tabous » s’inscrit souvent dans des réflexes plus que dans des réflexions. C’est particulièrement net, visible, et hélas spectaculaire en matière de Justice, de police, de sécurité.

Quand un faits divers surgit ou revient à la surface, sa réponse est (presque) toujours la même : « il faut une nouvelle loi contre (ou pour) » ou « il faut changer la loi ». Comme si l’inflation législative et règlementaire qui sévit en France depuis tant d’années avait débouché sur plus de sûreté, plus de justice, plus d’harmonie dans ce « vivre ensemble » si complexe.

Trouvaille du jour, prise sur un coup de tête, transmise à la Garde des Sceaux par un coup de fil et annoncé comme un coup de pub :il faut étudier la possibilité de juger tous les auteurs (présumés) de crimes, y compris les fous, c’est-à-dire des gens déclarés « irresponsables pénalement »

 « Le procès, cela permet de faire le deuil », souligne-t-il avec une pensée émue pour les victimes (qui mériteraient effectivement plus d’aide et de considération si l’on donnait à la Justice les moyens d’appliquer les textes…en vigueur).

Qu’on se le dise : un procès n’est pas qu’une mise en scène pour tenter d’établir la véracité des faits et trancher sur la culpabilité des coupables, c’est aussi une séance de thérapie. Psychiatrie et justice… Trop de colloques ont évité la question clef : le juge doit  d’abord être un psychiatre.

Et il serait temps de réviser le vocabulaire : «Je ne suis pas sûr que le mot non-lieu soit parfaitement compréhensible pour un mari dont on a égorgé la femme ou par une soeur dont on a décapité le frère » a soupiré cet ancien avocat (d’affaires)…

Un aveu toute de même qu’il importe de retenir dans une perspective d’avenir (et d’autres « idées » du même genre : « L'irresponsabilité, ce n'est pas un sujet pour un ministre de l'Intérieur ou un président de la République, ce n'est pas à nous de la prononcer », a-t-il nuancé. Ouf ! nous n’en reviendrons pas à Saint-Louis sous son chêne… Mais le chef de l’Etat doit tout de même veiller «  à ce que les victimes aient le droit à un procès où le criminel, où les experts, où chacun devra exprimer sa conviction ».

Notez au passage le choix des mots : l’accusé devient le criminel. Notez aussi l’incongruité qu’il peut y avoir dans le fait de demander à un fou d’exprimer sa conviction...

Oh ! Cette idée n’est pas nouvelle… Certains « cercles » la défendent depuis longtemps. En taisant soigneusement le fait qu’en l’état, la déclaration d’irresponsabilité n’est pas faite sur un caprice, une expertise douteuse ou un coup de dés… Mais dans certains « cercles », on veut aussi remettre en question la « présomption d’innocence ».  Ou le droit de chacun à un « procès équitable ».  Ou la restauration des pratiques d’une « justice expéditive ».  Ou la détection par la sélection au berceau des « anormaux » potentiels. Ou la criminalisation des démences.

L’Europe a fait en la matière toutes les expériences, y compris les pires. D’ailleurs, aux yeux de certains "cercles", qu’est-ce qu’un criminel, sinon un fou dont la folie n’a été reconnue?…Et tous les fous ne sont-ils pas d’une façon ou d’une autre, des « furieux » à enfermer ou à éliminer ? On aurait envie d’en plaisanter : L’absurde est une philosophie pleine d’humour…noir. Mais c’est le type de sujets sur lesquels il vaut mieux ne pas plaisanter.

« Absurde et inutile » : ce sont les premiers mots utilisés par bien des pénalistes pour commenter l’une des « idées du jour » du Super-Président qui commence, après 100 jours seulement, à inquiéter bien de nos partenaires européens… ?

Avocate pénaliste au barreau de Paris, Nathalie Schmelck déclare au très respectueux Figaro : « Ce serait une refonte totale de notre système pénal, qui repose sur un certain nombre de piliers, dont celui de la responsabilité pénale, ancré depuis plusieurs siècles, et qui détermine qu’on n’est pas responsable en cas d’abolition du discernement ».

Elle ajoute : « C’est absurde de faire comparaître un fou à un procès qu’il ne comprendra pas. Ce que veulent les victimes, c’est avant tout connaître la vérité, les circonstances du crime. Cette vérité est généralement connue dès l’instruction. A l’audience, on n’apprend pas grand-chose de plus, sauf lorsque le prévenu finit par reconnaître ses actes, ce qui n’est pas souvent le cas pour un malade mental. Généralement, lors d’un procès, on juge un acte, mais aussi une personne. Mais dans le cas d’un déséquilibré, on ne jugerait plus que l’acte, puisque la personne ne comprendrait pas de quoi on l’accuse. La vertu pédagogique de l’audience disparaîtrait ».

Une affaire de ce bon sens qui n’est évidemment pas la chose que voulait voir Descartes…

Mais, heureusement, en cette matière comme en d’autres, les valeurs européennes servent de boucliers, de filets  de sécurité. Plus que jamais, si le Conseil de l’Europe n’existait pas, il faudrait l’inventer… Le seul problème du Conseil (qui explique l’insuffisance de ses moyens), c’est que  tous les détenteurs du pouvoir ou plutôt de pouvoirs  d’Etat croient toujours bien faire et penser et agir pour le bien. Toujours ces chemins pavés de bonnes intentions… Mais ne dramatisons pas : Sarkozy appelle Rachida Dati à  « mener une réflexion ». Comme dans un « Think thank », en quelque sorte…

Daniel RIOT

REPERES:

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L'IRRESPONSABILIE DANS LA LOI >>>>>>>

LE MALAISE DES PSYCHIATRES >>>>>>

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