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Eduardo Berti au salon 2009...

Publié le 18 février 2009 par Slal

Eduardo Berti est né à Buenos Aires en 1964. Il a publié en France Le Désordre électrique (Grasset, 1999), Madame Wake-field (Grasset, 2001 ; Babel, n° 789), et chez Actes Sud : La Vie impossible (2003), Tous les Funes (2005), et Rétrospective de Bernabé Lofeudo (2007).
Très jeune, il collabore dans les journaux les plus importants de son pays (Página 12, Clarín, La Nación), il est le fondateur de l'une des premières radios indépendantes d'Argentine et il publie deux livres journalistiques autour de la musique populaire en Amérique Latine. Il vient de créer la maison d'édition : Editorial La Compañía.
Dans les années 90, en parallèle à la réalisation de documentaires pour la télévision sur l'histoire du tango, il travaille aussi comme critique littéraire, traducteur et lecteur.
Invité du Salon 2009. À Paris du 9 au 17 mai, grâce au concours de l'Ambassade d'Argentine en France.


Pendant les années soixante-dix à Buenos Aires, un archiviste du Congrès régale tous les soirs ses garçons de l'histoire de Justino qui, loin des strass hollywoodiens, a tout d'un Rocky argentin : le regard doux et franc, le sourire candide. Son fait d'armes : l'unique victoire par K.-O. sur un adversaire qui deviendra champion national et à qui, toujours, il a refusé la revanche en raison d'une promesse faite à son épouse. Cette revanche a peut-être eu lieu, les variantes abondent, mais si le récit plaît tant c'est que l'énigme sportive se double d'une intrigue qui concerne les enfants au premier chef. L'ex-boxeur, reconverti en serrurier horloger, est au coeur d'un autre combat, amoureux celui-là, que se livrent les tantes des enfants, deux vieilles filles aigries jusqu'à la moelle qui cachent de frémissants secrets sous une irrésistible bigoterie.
Seule la vieille horloge de la famille, entretenue autrefois par Justino, pourrait combler les lacunes de l'histoire. Les garçons devenus adultes en retrouvent la clef, mais le temps grippe tous les mécanismes...
La parole collective, qui circule savamment entre les fils, densifie les symboles pour mettre au jour les rapports fraternels, l'amour et ses promesses, le paradis perdu de l'enfance et la complaisance d'une génération face à la dictature.

Eduardo Berti réinvente cet exercice de style cher aux miniaturistes et aux moralistes que sont les aphorismes. Dans chaque forme brève, ou dans le puzzle que construit l'ensemble, on peut soupçonner la promesse de récits à inventer : Il avait tant de choses à raconter qu'il envoya un perroquet voyageur.

On affirme souvent que si Bernabé Lofeudo n'avait tourné que ce film, cela aurait suffi à lui conférer une place prédominante dans l'histoire du cinéma muet argentin. On affirme souvent, aussi, qu'aucune de ses productions antérieures ne laissait prévoir le caractère d'Un été, bien qu'il soit difficile aujourd'hui de le vérifier : desdites oeuvres - brûlées ou perdues, qui pourrait le dire ? -, on conserve à peine quelques photogrammes et un plan qui ne fait pas plus de quinze secondes. Quoi qu'il en soit, il est clair que ce film détermine une coupure très nette : si les premiers travaux de Lofeudo formaient une trilogie gauchesque où l'on comptait - selon la critique - « plus de chevaux et de vaches que d'acteurs », c'est à partir d'Un été que le cinéaste se situera dans une atmosphère plus cosmopolite, et se montrera attentif à la sensibilité féminine, pour devenir un « authentique pionnier du mélodrame érotique local ».

Paisible fonctionnaire et terne époux, M. Wakefield décide un jour de s'absenter : il jette quelques affaires dans une valise, prétexte la nécessité d'un court voyage et disparaît. Les jours passent, M. Wakefield ne revient pas et Mme Wakefield découvre bientôt qu'il s'est installé... de l'autre côté de la rue ! Pensant qu'il ne tardera pas à revenir à la raison, elle attend. Et les années s'écoulent...
Cette brillante réécriture du conte de Nathaniel Hawthorne, Wakefield, se place du côté de l'épouse avec un ton cocasse et cruel, brocardant le conformisme puritain de Mme Wakefield tout en s'amusant de son exemplaire fidélité à l'incompréhensible mari.
Un volume manque dans la bibliothèque du fugueur, se peut-il que ce livre constitue le début d'une explication ?

"Tous les Funes est, au meilleur des sens, un roman littéraire, et il s'alimente de ses propres sources. Dans la tentative du professeur octogénaire de cataloguer tous les Funes de la fiction en langue espagnole, il y a une reconnaissance de ce qui est commun, d'une vision du monde partagée grâce aux mots, mais aussi de la banalité de tels travaux par ceux qui croient qu'ajouter une histoire de plus aux bibliothèques du monde pourrait nous aider à le comprendre dans toute son immense absurdité.
De tous les Funes rassemblés par Funès, le plus célèbre est sans doute celui de Borges, l'héritier (ainsi que le fait remarquer le professeur Funès) du Mr Memory de Hitchcock dans les Trente-Neuf marches, un jeune homme qui, dans sa pauvre cabane de la campagne uruguayenne, vers la fin du XIXe siècle, est condamné à se souvenir de tout, jour après jour et nuit après nuit, jusqu'à sa mort précoce à l'âge de vingt et un ans. (...)
Tous les Funes est un palais des miroirs autoréférentiel, un recensement magique qui, dans sa tentative d'inclure tous les Funes, doit à un certain moment s'inclure lui-même, filant en spirale vers l'infini, pour notre joie et notre ravissement."
Alberto Manguel (extrait de la postface)

« Tout autour des grands chefs-d'oeuvre de la littérature, on trouve des chefs-d'oeuvre modestes et merveilleux, longs d'une seule ligne parfois, poussant parfois jusqu'à une page ou deux, dans lesquels semble concentrée l'essence du récit ou de la poésie.
(...) Un recueil de textes tel que La Vie impossible implique, de la part de son auteur, une bonne dose de générosité. Les écrivains sont avares en ce qui concerne leurs histoires. Quand la romancière canadienne Marian Engel racontait une anecdote rare ou décrivait un événement curieux, elle ajoutait souvent « C'est pris ! » à l'instar des enfants qui revendiquent la possession d'un siège, d'un livre ou d'un morceau de gâteau, pour signifier que c'était son bien et qu'elle le développerait sans doute dans un roman ou un récit. Berti n'a pas de ces prétentions. Au contraire, il étale devant le lecteur un trésor de romans à l'état d'embryons, de semences de récits qui, comme si elles avaient été saisies dans l'ambre, n'ont nul besoin de se développer davantage pour nous réjouir et nous étonner. »
Alberto Manguel (Extrait de la postface)

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