Et ce sont ses funérailles que Yan Pei-Ming a orchestrées au Louvre (jusqu’au 18 mai). Monna Lisa a été reprise, repeinte, maculée de coulures grises, de déchirures de grisaille, de larmes de peinture, mais elle est encore là, souriant toujours. Les si énigmatiques paysages du lointain sont maintenant déportés de part et d’autre et peuplés de crânes, ossuaires grisâtres dans des contrées désenchantées. Ces crânes (de l’artiste) apparaissent et disparaissent entre les plis de la peinture, surgissant au gré du pinceau, de la brosse du peintre, comme un vide rendu visible, un néant rendu présent (mais je dois trop lire François Cheng et François Jullien ces jours-ci).
Sur les deux murs latéraux, deux tableaux de plus grand format, plus imposants : Yan Pei-Ming, gisant, les yeux clos, cadavérique, déjà mort et, en face, feu son père représenté encore en vie, les yeux ouverts, sur son lit d’agonie. Le tout baigne dans le blanc du deuil, dans la tristesse et la déliquescence de la peinture.
Est-ce que j’aime encore la peinture, me demandait-on hier ? Rarement, mais là, oui, sans nul doute. Ming est un peintre qui pousse ce médium jusqu’aux extrêmes limites, travaillant sans fin la figure, sa représentation, sa décomposition. Monumentales, tant par leur taille que par leur ambition, ses toiles s’attaquent ici au mythe même de la peinture, Joconde devenue si visible qu’on ne la regarderait plus.
Photos © André Morin. Yan Pei-Ming étant représenté par l’ADAGP, les reproductions seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.