Petit, pas plus d'un mètre soixante, trapu, la tête vissée entre les épaule, le visage rond. Il marche dans le couloir, à
grands pas, tout en regardant le sol. Une véritable allure de bouledogue ! Il parle haut, il parle fort, il n'est pas content. Il ne veut pas la recevoir, il n'a pas l'intention de discuter avec
elle du protocole d'accouchement... Il ne me faut que quelques minutes pour comprendre que c'est de moi, de nous qu'il s'agit !
Je le laisse passer une seconde fois devant la salle d'attente, une sage-femme le suit, il semble qu'elle tente de lui expliquer, mais non, rien n'y fait. « Qui a pris le rendez vous ? Qui
a-t-elle eu comme interlocuteur ? » C'est le moment que je choisis pour me présenter et demander si je dois m'adresser à quelqu'un pour être reçu par le Dr K. « Ah c'est vous ! Venez dans
mon bureau deux minutes. » À partir de là, le monsieur se défoule. « Moi, je suis un ancien élève du Pr Blanc. Pas question qu'on me dicte ma conduite dans mon bloc. Je suis le chef,
c'est moi qui décide. Ce projet de naissance, j'en jette 90% ! Pour qui vous vous prenez ? » Ben pour la mère, la patiente, mais surtout pour quelqu'un qui refuse de se voir à nouveau
dépossédée de son accouchement.
Le ton monte très rapidement. Ne me voyant plus dans le couloir, mon chéri suit les éclats de voix pour nous rejoindre avec armes et bagages. J'en suis pour tout dire soulagée car son entrée fait
diversion. Du coup, la furieuse envie de coller mon poing sur le nez de l'obstétricien s'estompe. Je sais pertinemment qu'on ne règle rien de la sorte, mais ça aurait au moins eu le mérite de
me soulager. Et j'aurais sans aucun scrupule mis cette réaction sur le dos des hormones !
Le monsieur est accompagné d'une sage-femme qui tente d'arrondir les angles, mais les dés sont déjà jetés. Il a osé dire qu'il jetait 90% de notre projet de naissance, refuse de discuter des points
que nous y abordons et se fout de ce que nous souhaitons. Il veut être seul maître a bord ! Et moi, j'ai l'audace de lui faire front, de lui dire que, lorsque je demande quelque chose, il y a des
arguments derrière, contrairement à lui qui s'oppose à tout uniquement parce que son ego démesuré a pris une claque. Je ne peux m'empêcher de lui parler de son "petit pouvoir" qu'il ne pourra donc
pas exercer sur moi, sur nous, que nous ne comptons pas lui faire confiance aveuglement. Faire confiance, je l'ai fait pour mes précédentes grossesses. Et au vu du contenu des dossiers médicaux que
je viens de récupérer, je sais jusqu'où les soignants peuvent aller sans me demander mon avis...
Ne pas parler de ce qu'ils vous font, de ce qu'ils vous injecte, c'est bien commode... Comme ça, pas la peine de vous demander votre avis, pas d'explication à donner, et surtout pas de risque de
refus. Et c'est comme cela que, seize ans plus tard, vous découvrez que vous avez accouché sous syntho alors que la péridurale n'avait pas fonctionné.
Je me permet de lui signaler que notre démarche est honnête, plus que celle de le mettre au pied du mur le jour J en lui disant que je ne veux pas de déclenchement, pas de péridurale, que je
préférerais qu'il n'ait pas recours à l'épisiotomie.
- « Savez-vous au moins ce qu'est une épisiotomie ?
- « Oui, un acte chirurgical réalisé par la sage-femme ou par l'obstétricien qui consiste à inciser latéralement le périnée sur quelques centimètres. Suite à cela, une suture est
nécessaire.
- « Ah c'est comme ça que vous voyez les choses... Eh bien il y a du boulot ! »
Et le voilà qui quitte la pièce pour quelques secondes, sans donner sa définition de l'épisiotomie. Mais où ai-je donc commis une erreur ? Ça y est, je sais ! "Acte chirurgical réalisé par les
sages-femmes ou les obstétriciens..." Aurais-je par hasard oser insinuer que les sages-femmes sont tout aussi capables que monsieur ? Honte sur moi ! Mais oui elles le sont, mais elles ont aussi
cette capacité d'écoute et de considération de l'autre, de la patiente et de son enfant que ce pauvre individu n'aura jamais, c'est certain.
Mais il n'est pas parti bien loin. Il ne veut visiblement pas que nous poursuivions la discussion avec la sage-femme en dehors de sa présence. Il reste là, entre deux portes, et finit par me dire
que si je me présente en plein travail en refusant ses prescriptions, il fait venir l'hélico... et hop, direction Gap !
« En théorie, un AVA2C est tout a fait possible. D'ailleurs si vous vous étiez présentés en ne demandant que cela, tout le monde vous aurait dit oui. Mais là, vous nous dictez la conduite à
tenir ! » Mais comment a-t-il pu interpréter notre projet de naissance comme une ligne de conduite à tenir ? Pourtant le préambule était clair, il comprenait des termes tel que outil,
dialogue, etc. Pauvre petit bonhomme, manquerait-il à ce point de confiance en lui que la moindre question venant du patient soit vécu comme un acte de défiance ou la mise en cause de ses
compétences ?
En l'espace de quelques secondes, il a perdu son statut de médecin, le mépris avec lequel il m'a traité je lui renvoie en ne lui donnant plus que du "monsieur". Nous lui expliquons que nous ferons
les kilomètres nécessaires à une prise en charge respectée de cette naissance. Je lui parle de Strasbourg, lui évoque Digne pour conclure qu'il va transmettre une copie de mon dossier à toutes les
maternités du réseau afin qu'il n'y ait pas de problèmes. Quels problèmes ? Et mon dossier, n'a-t-il pas besoin de mon autorisation pour le transmettre ?
Histoire de clore définitivement le débat, il ouvre en grand son parapluie : « De toutes façons, nous sommes une maternité de niveau 1, nous ne pouvons pas prendre en charge les grossesses à
risques ! » Cette dernière formule est bien pratique, laissant le champ libre à toutes les interprétations. Inutile de préciser que nous n'avons pas la même vision des choses; il est
d'ailleurs bien le premier, parmi les différents soignants que nous avons rencontrés jusqu'ici, à considérer ma grossesse comme étant "à risques".
Seul point d'accord, ni l'un ni l'autre ne voulons risquer de nous rencontrer à nouveau. En ce qui me concerne, rien que l'idée qu'il puisse poser une main sur moi me serre l'estomac; alors
imaginez en cours de travail...