ARTHUR H, Marie Claire website, II-09

Publié le 18 février 2009 par Caroline Rochet

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Rencontre avec la bombe H 
   Février 2009




Il écrit, compose et interprète des chansons divines, la torridité de sa voix explose sans problème l'échelle de Richter, et en plus, il est drôle. Artiste inclassable, nègre blanc, poète joyeux, l'homme qui danse avec Madonna et joue aux cow-boys avec Mathieu Chedid étonne et envoûte depuis vingt ans déjà. Actuellement en tournée*, Arthur H s’est posé quelques instants pour nous ouvrir son monde étrange, s’avouant au passage fidèle lecteur de Marie Claire – qu’il pique à sa chérie. Rencontre  avec l’homme avec un grand H.


Avec ton dernier album, tu as voulu changer de style, quitter ton univers un peu obscur et onirique pour faire une musique plus énergique, dansante, et des concerts explosifs. Ce nouvel Arthur H te plaît ?
Oui, c'est une expérience vraiment passionnante. J'avais déjà fait des shows assez délirants, mais je me sentais parfois coincé dans mon personnage, derrière mon piano ... J'ai eu besoin de me lâcher. Et comme à la base je suis quelqu'un d'assez calme et solitaire, ce n'était pas évident de devenir Johnny Halliday du jour au lendemain ! Je ne suis pas devenu Michael Jackson non plus, puisque je ne suis pas exactement un grand danseur (rires), mais plutôt une sorte de petit Mick Jagger : j'arpente la scène, je saute partout, et surtout je m'affirme à la guitare de manière complètement différente. C'est un plaisir inouï.
 

Et comment réagit ton public ?
Très bien, et c'est ça qui est bon ! Dans cette tournée, je reçois beaucoup d'énergie, les gens me disent que je leur en donne aussi, ils m'écrivent que le concert les a reboostés ... C'est vraiment génial. Avant, je réprimais tout ça, j'étais très cérébral. Cette "libération" me donne un plaisir immense : le partage avec les autres me nourrit.

Ca a des répercussions sur ta vie personnelle ?
Dans ce métier, tu atteins parfois une grande intensité d'être. Même avant de rentrer sur scène, je me sens plein de vie, d'amour, dans une espèce de plénitude hyper agréable ... J'arrive chargé à bloc, et je partage tout ça avec les gens. Mais évidemment, il y a un vrai décalage avec la vie quotidienne : quand tu te réveilles le matin, tu n'es pas immédiatement cet être empli d'un amour dingue ... !

Tu préfères la scène ou le studio ?
J'adore les deux. Je trouve ça tellement joli d'enregistrer une musique dans l'intimité, et penser qu'après elle va voyager, rencontrer des gens ... Même un disque français atterrit parfois dans des endroits complètement invraisemblables de la planète. Mais faire un album est beaucoup plus difficile qu'une tournée : en concert, tu dois juste te lâcher, et même les imperfections et les plantages peuvent avoir leur intérêt scénique. En revanche, sur un disque, il y a une pression, un besoin de perfection, qui peuvent te bloquer. Sans compter que le studio coûte cher, donc la pression est doublée par le timing !
 



Tes chansons, elles naissent d'abord par la musique ou par les mots ?
Il n'y a pas de règles. Ce qui vient en premier, c'est l'inspiration, le désir, des vibrations qui sont soit des notes, soit des mots. C'est un état que je qualifierais de féminin, une certaine réceptivité, une excitation, qui font que quoiqu'il arrive je vais créer quelque chose. Il est vrai que la plupart du temps ça commence par la musique : je m'installe au piano, je fais tourner des accords, je rentre dans ma petite transe ... et les mots viennent après. Mais parfois c'est l'inverse : pour "L'Abondanse" par exemple, j'étais sur la plage d'une île grecque, j'ai écrit un texte, et l'ai mis en musique seulement ensuite.

On a du mal à catégoriser ta musique, qui est nourrie de plein de styles différents. Ca t'agace quand on essaie de mettre des mots dessus ?
Ce qui m'a surtout énervé, c'est quand on m'a collé l'étiquette "jazz" au début de ma carrière. D'abord parce que c'était faux, ensuite parce que ce n'était même pas le beau jazz dans toute sa splendeur, mais plutôt les clichés - genre le mec derrière son piano avec sa bouteille de whisky ... ! En plus, ça limitait le côté moderne de ma musique. Après, je me suis barré dans un truc plus électro, trip-hop, très mélangé ... C'est difficile de définir mon style. Seul le temps dira si j'en ai un, et comment le définir !
 

On te compare souvent à Gainsbourg. Ca te fait quoi ?
Evidemment, ça me fait plaisir ! Je ne me compare pas à son immense talent. Mais je suis vraiment un enfant de Gainsbourg, dans le sens où c'est lui qui m'a donné envie de faire de la musique en français, alors que toutes mes autres inspirations étaient anglo-américaines. C'était le maître de la musique poétique, moderne et rock, avec un rapport intime à la musique noire. Peut-être que nous avons un côté similaire dans l'audace, la poésie, la sensualité ... Et puis, quand j'ai un (rare) coup de blues sur l'accueil fait à mes chansons, je pense à des disques comme Melody Nelson, extrêmement intéressants, et qui pourtant n'ont pas excité les gens, n'ont pas été compris. Rétrospectivement, c'est hallucinant ! Mais quand on tente une musique originale, c'est peut-être normal que ça mette du temps à plaire.

Tu as fait quelques très beaux duos (Lhasa, M, Feist ...). Tu aimerais en faire d'autres ?
Je viens d'en faire un avec Régine, un truc un peu bastringue, canaille, super rigolo. On m'a dit que Souad Massi aimerait chanter avec moi, j'aimerais beaucoup aussi. Et puis j'adorerais travailler avec de très grands chanteurs, comme Christophe ou Alain Bashung.
 

Lequel de tes albums te touche le plus, rétrospectivement ?
Comme la plupart des artistes, je n'écoute jamais mes disques. Les deux derniers sont encore trop frais pour que j'en ai un avis objectif, mais sinon, il y en a un ou deux dont je suis assez fier : "Négresse Blanche" et "Pour Madame X" ont de la gueule, je les trouve assez modernes, originaux, poétiques, assez légers aussi.  "Trouble Fête" a marqué un tournant, vers le hip hop et l'onirique. Le préféré du public reste "Adieu Tristesse", je crois. Cet album raconte le passage d'un état douloureux à un état où l'on se sent mieux, libéré. Il touche les gens émotionnellement.
 

Tu écoutes quoi en ce moment ?
Je me suis fait une petite compil sur mon iPod avec des morceaux assez électro et émotionnels. Ca a une tonalité planante, dansante, lyrique, très sensuelle. Du Beck, Björk, Gnarls Barckley que j'adore, Radiohead, et un morceau de Madonna génial : "Paradise (Not for me)".


Dans tes chansons, comme dans tes concerts, tu racontes beaucoup d'histoires, tu nous fais voyager ... Un chanteur, c'est d’abord un conteur ?
Un chanteur français, oui ! En anglais, tu peux jouer avec le son des mots, sans forcément raconter quelque chose. Mais en français, c'est plus compliqué de dire des choses simples. Et puis j'adore raconter des histoires, c'est un vrai sens de l'émerveillement que j'ai attrapé tout petit. Quand tu es enfant, tu rentres totalement à l'intérieur de la fiction, tu oublies que le monde existe autour ... C'est une sensation très agréable, rendue possible par les bonnes musiques, les bons films ou les bons livres. Je fais partie des anti-réalistes, comme Stevenson : je pense que l'imagination est plus proche de la réalité que le naturalisme. Le réel, c'est étrange et indéfini. C'est pour ça qu'on a besoin de l'art, de l'amour, du sexe : pour relâcher la pression ! ... Dis donc, c'est très sérieux ton interview, moi qui aime raconter des conneries, je suis un peu frustré ... ! (rires)
 

Ne t'inquiète pas, ça vient... Tu ne te poses pas en chanteur engagé, mais dans tes chansons ou tes discours sur scène, tu donnes ton opinion, parles de la société, des politiques ... Serais-tu le nouveau Florent Bruel ?
(rires) Les chanteurs "engagés", comme Pagny, Bruel ou même Renaud, me poussent très sérieusement à me désengager complètement. Je trouve qu'il y a dans cette attitude un esprit de sérieux qui frise le ridicule, un côté moralisateur ... Ca pèse, c'est lourd, et ça n'a aucun intérêt. Bien sûr que le monde va mal et que les gens souffrent et qu'il faut en parler, mais les artistes ont un autre rôle : ils doivent justement fluidifier les choses, partager le désir de se tenir debout ensemble, et non pas dire : "Ca c'est bien, ça c'est mal, et eux ils sont méchants" ! Même Bob Dylan, dont les chansons engagées restaient d'ailleurs très poétiques, a fini par laisser tomber quand il a vu dans quelle impasse ça le menait.

Tu as 7 albums et 20 ans de carrière derrière toi, et pourtant tu restes ultra proche des gens. Le succès, ça ne fait pas péter les plombs ?
Tu ne peux pas faire ce métier sans etre un peu mégalo et narcissique, mais il faut savoir placer le curseur là où il faut. Je suis quelqu'un d'assez solitaire, qui pourrait vivre sans voir beaucoup de monde. Du coup, j'ai d'autant plus de plaisir à rencontrer des gens, dire un mot à chacun quand je signe des autographes, parler dans un rapport vraiment amical, tenir un blog, répondre aux messages ... Je pense que je ne changerai jamais là-dessus. Je tiens ça de mon père (Jacques Higelin, NDLR). On est à l'aise dans n'importe quel milieu, branché ou populaire.
 

Et les fans féminines, tu gères ça comment ?
Quand tu fais une musique chaude, sensuelle, et que tu as une voix un peu grave, sensible, il y a quelque chose qui se passe, forcément. Ca doit arriver à pas mal de chanteurs. Mais je ne cherche pas à séduire. Bon, et puis le problème du mec sur scène, c'est qu'il vibre super haut pendant deux heures, dans une communion physique avec le public, mais après, il se retrouve tout seul dans sa loge et à l'hôtel, c'est quand même assez flippant ! (rires) Souvent, après un show, j'ai vraiment envie de faire l'amour, l'énergie du concert me chauffe à blanc, mais je ne vais pas faire mon Claude François et ramasser des aventures dans la foule grâce à un rabatteur ! Ca manque de magie, de galanterie, de rencontre ... Et puis de toutes façons, j'adore ma copine et je lui suis fidèle.

Dans ton concert, tu endosses l'habit de H-man, un superhéros dont le superpouvoir est de faire l'amour aux femmes avec son "regard spermique", et qui a mis Rachida Dati enceinte. Vas-tu reconnaître l'enfant ?
Pour l'instant, j'attends de voir comment se passent les élections européennes, si elle arrive a bien se recadrer, à avoir une vie cohérente et harmonieuse. Je préfère ne pas apporter des difficultés à sa vie qui n'en manque pas ... Et de toutes façons, le problème, c'est que le science actuelle n'a pas les moyens d'analyser le fonctionnement du regard spermique, donc il n'y a pas de preuve matérielle : on pourrait me prendre pour un illuminé ! (rires)
 

Ta tournée se termine en juillet. Il se passe quoi, après ?
Je vais me reposer un peu, mais réfléchis déjà au prochain album. J'ai envie de rejouer tout seul au piano, de chanter mes chansons de manière très épurée. J'ai aussi envie d'un disque très électro, et d'orchestre symphonique avec des cordes ... Et puis je vais bientôt sortir un best-of à l'étranger, qui s'appellera "Love, delight and ecstasy" et comportera une quinzaine de chansons.
 

Y a-t-il une question qu'on ne t'a jamais posée en interview et que tu aimerais que je te pose ?
... On ne m'a jamais demandé si j'étais vaginale ou clitoridienne. Mais j'avoue que je n'ai pas encore la réponse.
 

*Toutes les dates de sa tournée en France et à l’étranger sur www.arthurh.net
Photo Laurent Seroussi