Certes, les coups d'éclats des humoristes radiophoniques plaisent aux auditeurs. Mais ils sont dans certains cas, un alibi bien commode de l'obséquiosité, voulue ou subie, des rédactions.
Il faut soutenir les humoristes. A l’heure du pouvoir personnel et des élites confites dans leur arrogance, ils incarneraient, paraît-il, l’âme de la résistance contre les forteresses de la « bulle ». Les Français vénéraient Coluche, ils adorent Nicolas Canteloup, l’imitateur acide d’Europe 1 et font un triomphe à Stéphane Guillon, l’insolence faite homme, selon ses amis et sa famille.
Ce dernier, après avoir exercé ses talents sous la houlette des immensses Stéphane Bern et Thierry Ardison, a décroché un nouveau contrat de sniper sans pitié sur France Inter. Habitué à viser en dessous de la ceinture, il n’a pas dérogé à la règle en préambule à l’interview qu’y donnait ce matin Dominique Strauss- Khan. Et le scénario prévisible du petit-scandale-radiophonique a parfaitement fonctionné : quelques heures plus tard, interrogé par Libération à propos du buzz déclenché par la mise en ligne de la vidéo sur « Dailymotion » , le service de presse de France Inter était aux anges : «C'est ce que l'on atteint normalement pour les chroniques de Stéphane et Didier [Porte] en cinq jours !»
Voilà de quoi rassurer tous les combattants de la liberté d’expression, déjà à l’inquiets à l’idée que les patrons d’Inter soient tentés d’ exiger du preux Stéphane qu’il ravale un peu son fiel. Sur la chaîne différente, aussi, l’audience compte.
Trois remarques.
1) Il est sûr que l’humour scato-myso et cynique de Guillon est infiniment moins nuisible à la démocratie que les parachutes dorés et les bonus géants des patrons du CAC 40, de la City et de Wall street.
2) Il est tout aussi évident que les blessures d’ego d’un DSK ou de tout autre professionnel de la politique (et quel que soit son niveau d’intégrité) soumis aux professionnels de l’impertinence nous toucheront toujours moins que les souffrances des millions de précaires virés de GM, Renault, Total ou des usines de Shenzen.
3) On peut ne vouloir absolument aucun mal à Guillon et tous les nouveaux humoristes chéris du show-bizz sans confondre pour autant leur gentil nihilisme commercial avec une quelconque forme de radicalité. Ils n’en demandent d’ailleurs pas tant, dira-t-on, trop et simplement heureux de remplir les salles et leurs comptes en banques. C’est entendu : tout travail mérite (très gros..) salaire.
Il y a en tout cas dans plusieurs rédactions, du service soi-disant public comme de l’audio-visuel privé, nombre de journalistes amèrement conscients que la liberté de ton accordée aux « bouffons » s’arrête souvent à l’orée de leur propre travail. Ceci expliquant peut-être cela... Philippe MARX - Agir ! Réagir !