Il paraît que nous vivons dans l'ère industrielle du jetable. Pour ce faire, on a tout prévu, notamment le non réparable. Un truc pète, il faut le changer. Et si ça dure long, ça pète aussi et ça ne se répare pas. Les créateurs sont au désespoir.
Les créateurs ? Oui, ceux qui excellaient dans l'art du bout de ficelle, passaient des heures un crayon derrière l'oreille, front plissé, cherchant l'origine de la panne, la trouvant, apportant soins et remèdes. Eureka ! Ces créateurs sont au supplice. Rendus inutiles. N'savent plus quoi faire de leurs dix doigts, dépassés qu'ils sont par le progrès. Vaincus par cette logique de consommation ou le futur est devenu un présent devant lequel on salive l'oeil brillant. Boulimie de l'avoir en caisse.
Jeter, c'est le pouvoir d'acheter et de posséder à nouveau, m'indique dans une revue Christophe Schaeffer, philosophe, fondateur du réseau Collectif-Reos. Eh bien j'avions jamais pensé à ça, figurez-vous. Non que je me sente soudainement investi d'un pouvoir que je savais même pas que j'avais, de toutes façons je n'aime pas trop jeter et ce pouvoir-là me semble davantage relever de l'échec et de l'impuissance, mais plutôt que cette logique est effectivement imparablement logique. Sous cet angle, j'avais pas capté.
D'ailleurs, ce bon Christophe va plus loin. Le voilà qui explique que ce qui vaut pour les choses vaut, par mimétisme (et c'est difficile de dire le contraire)... pour les gens. Leurs émotions. Leurs sentiments. On jette l'autre quand il est obsolète, en quelque sorte. Tout de suite la suite. Cela vaut dans l'intime comme dans la vie sociale. Posséder à nouveau, vite !
Là aussi, il n'est souvent plus possible de réparer.
Le coup de panne sera bientôt visible dans un Musée ?