L’intrigue se déroule en 1964, dans une école catholique du Bronx. Le père Flynn (Philip Seymour Hoffman), un prêtre de la paroisse, est soupçonné par la Sœur Aloysius (Meryl Streep), directrice de l’école, d’avoir fait subir des attouchements à un garçon noir de 12 ans. Malgré ses doutes sur la moralité du prêtre, cette dernière n’arrive pas à réunir les preuves nécessaires à son renvoi. Quand la naïve sœur James (Amy Adams) vient lui raconter un évènement impliquant le père Flynn et un garçon de l’école, pour la Sœur Aloysius, c’est là la confirmation à ses soupçons qu’elle attendait pour forger définitivement son intime conviction. Entre le père Flynn et la sœur Aloysius va alors s’engager une véritable bataille, une bataille où s’affronteront aussi doute et certitudes, les leurs, ceux de l'influençable sœur James partagée entre les deux...et les nôtres.
« Doute » est le deuxième film de John Patrick Shanley et une adaptation de la pièce intitulée « Doute : A Parable » qu’il avait lui-même écrite et qui avait remporté le prix Pulitzer en 2005.
A priori, le doute est un sujet éminemment cinématographique, le cinéma étant aussi un art de la manipulation, jonglant avec la vérité, avec notre perception, avec nos certitudes. Si le sujet aurait rapidement néanmoins pu s’avérer ennuyeux, notamment grâce à une mise en scène (certes relativement théâtrale, mais qui sied ici parfaitement au sujet et au duel entre le prêtre et la soeur) essentiellement destinée à mettre en valeur le jeu des comédiens, et ce qui les oppose, et grâce à une réalisation judicieusement glaciale à l’image de l’austérité des lieux , nous sommes rapidement captivés par ce combat en huis-clos sans merci dont la vérité ne surgira pas forcément. Avec beaucoup d’austérité et de pudeur, « Doute » aborde plusieurs thèmes que l’Eglise est plutôt réticente à aborder. Ce ton aride ne donne que plus de force au propos.
Tout est fait pour ébranler nos certitudes. Le père Flynn apparaît d’abord comme un prêtre progressiste (il fume, les repas sont gais et animés etc) et altruiste et la sœur Aloysius, par opposition, comme une religieuse rigide et intolérante (les repas se font en silence, et une institutrice qui a des sucreries dans son bureau est déjà pour elle la pire des pécheresses). Quelques éléments nous laissent néanmoins penser que la revêche sœur Aloysius n’est pas aussi impitoyable qu’elle le laisse croire, notamment par l’intérêt qu’elle porte à une sœur âgée et presque aveugle. (La scène du repas est de ce point de vie très réussi, nous montrant ses deux visages, le doute commençant ainsi à s’immiscer dans l’esprit du spectateur). La sœur Aloysius s’humanise peu à peu et le père Flynn commence à ne plus nous paraître aussi irréprochable. Alors, le père Flynn est-il la victime innocente de l’intime conviction quasiment fanatique et obsessionnelle de la sœur Aloysius ou est-il réellement coupable des atrocités dont elle le soupçonne ?
Chaque geste, chaque parole, mêmes les plus simples et anodins révèlent alors leur ambiguïté et détruisent la moindre certitude à peine esquissée, démontrant les dangers et la relativité de l’intime conviction. Le spectateur est alors balloté entre les certitudes de la sœur Aloysius et les certitudes que lui inspirait tout d’abord le père Flynn.
John Patrick Shanley, signant un véritable plaidoyer contre les ravages de l’intime conviction, a ainsi choisi de ne jamais prendre parti, nous laissant sur notre faim, mais allant finalement ainsi jusqu’au bout de son idée et de son thème. Toutes les scènes qui auraient pu nous donner de véritables indices sont ainsi éludées, l’ellipse renforçant le doute. Alors que le cinéma prend de plus en plus le spectateur par la main, lui dictant ce qu’il doit voir, ce qu’il doit penser, c’est finalement plutôt agréable d’être ainsi responsabilisé, d’affronter seul ses propres doutes.
« Doute » vaut à Meryl Streep sa 15ème nomination aux Oscars. (Philip Seymour Hoffman est également cité comme meilleur acteur ainsi que Amy Adams et Viola Davis comme meilleures actrices dans un second rôle. Enfin, John Patrick Shanley est nommé pour le meilleur scénario adapté). Elle prouve ici une nouvelle fois l’énorme étendue de son jeu après « Mamma mia », un rôle aux antipodes de celui-ci, même si, en l’espèce, son jeu et le doute y auraient peut-être gagnés avec un peu plus de nuance. Philip Seymour Hoffman, quant à lui, remarquable instille juste ce qu’il faut de trouble et de troublant pour faire naître le doute dans notre esprit.
Certes, la deuxième partie n’est pas à la hauteur du début qui instaure une tension, un suspense, un climat de suspicion très prometteurs et palpitants mais pas suffisamment pour que je ne vous recommande pas ce film. Sans aucun doute.
Sandra.M