Les socialistes aux côtés des outre-marins
Depuis plus d'un mois, un mouvement social d'une rare ampleur touche la Guadeloupe. Un mouvement qui s'étend progressivement à toutes les Antilles et à la Réunion. Alors que le gouvernement piétine pour satisfaire les garanties légitimes des dom-tom en matière de pouvoir d'achat, deux délégations socialistes se sont rendues le week-end derniers aux Antilles et à la Réunion pour rencontrer toutes les forces vives de ces territoires.Le départ, dimanche 8 février, d’Yves Jégo, secrétaire d’État à l’Outre-Mer a créé l’émoi et l’incompréhension dans l’île. Il s’était installé en Guadeloupe il y a une semaine pour trouver des solutions à une grève générale entamée le 20 janvier. L’île est à nouveau paralysée et le mécontentement s’étend jusqu’en Martinique et à la Réunion qui se sont également mises en grève. Les revendications sont les mêmes : hausse du pouvoir d’achat et baisse du coût de la vie. Éric Jalton, député socialiste de Guadeloupe,maire des Abymes, fait le point sur la situation guadeloupéenne.
Quelles étaient les revendications des Guadeloupéens ?
Un collectif s’est créé, il y a quelques mois, pour réfléchir à un mouvement de mobilisation populaire sur les problèmes criants en Guadeloupe. Une liste de 146 revendications a été établie. Le pouvoir d’achat était au coeur de ces revendications. Nous demandions également une augmentation de 200 euros des salaires dans le privé, l’augmentation des petites retraites et des minima sociaux pourlespersonnes handicapées. Nous dénoncions les marges bénéficiaires abusives réalisées par la filière importation- distribution et le monopole de la SARA sur la distribution du carburant. La mainmise d’une caste sur l’économie de la Guadeloupe était aussi au menu. Le 20 janvier a débuté une grève générale. Sur les 450000 habitants de l’île, plus de 65000 ont manifesté dans les rues de Pointe-à-Pitre. Une trentaine de mesures demandaient des réponses immédiates, le reste engageait une réflexion plus en profondeur.
Quelles ont été les avancées enregistrées avec la venue d’Yves Jégo, le secrétaire d’État à l’Outre-mer ?
Le secrétaire d’État a tardé à venir. Il y a eu beaucoup d’atermoiements. Pendant plus d’une dizaine de jours, on a tergiversé sur le lieu de négociation et les méthodes à appliquer. Yves Jégo s’est finalement déplacé, et a imposé sa méthode de négociation. Il a d’abord fait profil bas. Puis il a critiqué le comportement des patrons. Il a un peu fait son cinéma. Il a embrassé les thèses du collectif sur la SARA, a demandé une enquête sur les bailleurs sociaux. Nous avons aussi obtenu l’augmentation de 200 euros des salaires pour le privé. Mais il y a toujours une inconnue quant au financement de cette augmentation. M. Jégo a surpris agréablement, avant de partir précipitamment.
Comment interpréter ce départ ?
Les lobbys békés (les descendants des premiers colons) ont bien fonctionné du côté du gouvernement. Jégo a été rappelé par le Premier ministre. Ils ont dû trouver Jégo trop enclin à répondre dans le sens du collectif. Nous étions en route pour un entretien à 18 h, le préfet nous a appelés à 17 h 30 pour nous prévenir que le secrétaire d’État était en partance pour Paris. Arrivés à la préfecture, le directeur de cabinet nous a donné les détails du départ d’Yves Jégo à travers un grillage. C’est assez inconvenant dans la manière de faire. La grève va-t-elle reprendre de plus belle ? Suite à cette réaction du gouvernement, tout le monde s’est remis en grève avec le soutien de la région et du département. Les gens ont fait le plein d’essence, alors ils peuvent tenir. C’est la veillée d’armes, l’État et le haut patronat sont dans la ligne de mire. Il paraît qu’Yves Jégo va revenir, nous l’attendons de pied ferme.
Propos recueillis par Stéphanie Platat