Ma curiosité a été gonflée à bloc. Comprenez ceci. Un de mes romans préférés a été adapté au cinéma. Johnny Chien Méchant du romancier congolais Emmanuel Dongala. Enfin, je devrais Johnny Mad Dog puisque c’est le titre de la version anglaise qui a été retenu.
Produit par Mathieu Kassovitz, réalisé par Jean-Stéphane Sauvaire ce film avait retenu l’attention des journalistes dans le cadre du Prix Espoir dans la catégorie Un certain regard du festival de Cannes. Banlieusard comme chacun d’entre vous le sait, nous avons du, ma femme et moi, remonter dimanche dernier sur Paris pour trouver une salle qui le diffusait.
Que dire ? Si ce n’est que je réalise combien le texte porté à l’écran relate la condition violente des enfants soldats. La violence que l’on perçoit dans la narration de Johnny Chien Méchant est là et elle crève l’écran tant elle est insoutenable. Ce n’était personnellement pas ce que j’avais retenu de l’ouvrage d’ Emmanuel Dongala.
Ma lecture est peut-être lointaine mais ce qu’ il m’en reste c’est la personnalité déstructurée de Johnny Chien Méchant, ses monologues, sa soif d’obtenir une forme de reconnaissance, sa fascination pour les personnes lettrées, son enrôlement dans la milice justement sur la base de ce complexe.
Il me reste également la trajectoire de Laokolé, la lycéenne brillante, pleine de rêves liés à l’architecture, la construction de bâtisses, la fille courage qui lutte pour la survie de ce qui reste de sa famille.
L’opposition de ces deux personnages est difficile à saisir dans le film, le réalisateur ayant pris le parti de centrer son regard sur Johnny Mad Dog, les atrocités qu’il commet ou qu’il laisse commettre.
Laokolé sous la plume de Dongala possède l’opportunité par son savoir de s’en sortir. Il faut juste qu’elle survive à la furie des événements. Je me souviens m’être posé la question de savoir si ce n’était pas parce qu’il était lui-même enseignant que pour Dongala il était nécessaire d’offrir une certaine issue à son ouvrage. Johnny incarne l’obstacle à cette possibilité d’avenir qui peut s’offrir à Laokolé. Lui, Johnny, il n’a que l’horreur de ses méfaits comme compagnon, sa mythomanie, sa violence pour survivre.
Il me semble qu’en plaçant le cadre de l’action au Liberia, il était quasiment impossible d’aborder le film dans cette direction. Car en écrivant le texte de ce roman dans le contexte de la guerre civile congolaise, dans un pays où le taux d’alphabétisation était très important avant les années 90, Dongala semble – je l’ai compris ainsi – subrepticement penser que l’une des raisons de l’embrigadement des enfants soldats c’est la déscolarisation précoce de nombreux élèves africains. Dans le contexte libérien, cela semble être un argument difficile vue la durée de la guerre civile dans ce pays.
L’aspect le plus choquant de ce film se situe pour moi dans les images du générique de fin où le spectateur peut voir des enfants soldats devant les dépouilles réelles de leurs victimes. Et là, je me pose la question suivante : Deux poids, deux mesures? Montrer des cadavres réels et mutilés d’Africains subsahariens ne semblent poser aucun problème à notre cinéaste français alors qu’on se souvient du tollé de l’exposition des restes des 10 militaires américains en Somalie. C’est proprement scandaleux.
Pour le reste, ce film est instructif.
Cordialement,