La troupe Boyokani au Théâtre de la Tempête
Les bouts de bois de Dieu de Sembène Ousmane est un classique de la littérature africaine. Présent dans la bibliothèque familiale, j’ai un peu grandi avec ce roman. Avant de le découvrir avec les collégiens congolais qui étudiaient ce roman dans le cadre du programme de quatrième en cours de français. Je pouvais difficilement être indifférent à son adaptation au théâtre de la Tempête de Vincennes par le dramaturge congolais Hugues Serge Limbvani. Ce spectacle est programmé pour 23 représentations depuis 25 Novembre jusqu’au 20 Décembre.
Une quinzaine de comédiens, de comédiennes de talent et de musiciens ont fait revivre ce texte écrit par Sembène Ousmane en 1960 et auréolé du Grand Prix de littérature d’Afrique noire.
J’ai été tout simplement impressionné par la prestation du groupe Boyokani. Rappelons le sujet de ce roman : Une grève de cheminots du tronçon Dakar Bamako Niamey en Afrique de l’Ouest durant la période coloniale. Un conflit violent dans lequel les différents acteurs vont peu à peu s’enfoncer : l’administration coloniale qui use de tous les moyens possibles pour faire ployer les grévistes, et ces derniers qui voient leur famille dépérir et qui doivent lutter contre la fourberie de certains. La place des femmes est très intéressante dans cette pièce.
C’est une occasion très bien saisie par le metteur en scène pour replonger le spectateur dans les affres de cette époque douloureuse. Pourtant, si la question du choc des civilisations est bien présente entre monogames occidentaux et polygames ouest-africains, si les poncifs raciaux sont exprimés de manière brutale et sans aucune retenue, pouvant ainsi mettre mal à l’aise une certaine frange du public, le véritable enjeu de cette adaptation se situe au niveau de la lutte des classes qui est très bien mise en scène. Tout le reste n’est qu’une forme de manipulation visant à détourner l’attention des motifs initiaux du mouvement social : un traitement équitable de tous les cheminots.
C’est une forme de théâtre interactive que j’avais déjà découvert chez un autre dramaturge congolais, à savoir Dieudonné Niangouna avec sa pièce Banc de touche qui fut joué il y a deux ans au théâtre du Tarmac de la Villette. Les acteurs s’infiltrent et jouent certaines scènes – comme les assemblées générales - dans les allées et on a véritablement le sentiment d’être emporté par le mouvement syndical qui se joue avec nous (malgré nous?). Dans la société française où le syndicalisme est de moins en moins visible, où les acquis sociaux sont régulièrement mis à mal, cette pièce rappelle aux spectateurs par cette mise en scène interactive que la nécessité d’une unité dans le mouvement social est impérative. C’est en cela que cette pièce lie la dimension historique de la colonisation avec l’actualité de l’émergence d’un mouvement syndical face à la toute puissance d’un capitalisme sans scrupule. Vous l’aurez compris, c’est une pièce à aller voir, et il vous reste cinq représentations.
Bon spectacle !