William Faulkner : Le bruit et la fureur

Publié le 14 janvier 2009 par Gangoueus @lareus

Il m’a fallu près de trois ans pour terminer cet ouvrage de William Faulkner. Pourtant, je pensais être rodé à la construction élaborée des textes de cet auteur. Mais, voilà, à mi-parcours de ce roman, j’ai lamentablement jeté l’éponge. Il y avait de quoi.
Le bruit et la fureur place son action à Jefferson dans une de ces vieilles familles sudistes décadentes qu’on retrouve de manière récurrente dans l’œuvre faulknerienne. C’est le portrait d’une fratrie sur une trentaine d’années. Trois frères, une sœur. Quentin Compson l’aîné, Candace Compson, Jason Compson, Maury Compson dit " Benjy " qui est simplet. Le roman est une plongée dans l’abysse des sentiments passionnés qui unissent ou ravagent ces personnages.
Faulkner choisit la forme polyphonique et découpe en quatre chapitres ce roman, dont les trois premiers sont respectivement narrés par les différents fils Compson. Candace est au centre de leur narration. Le génie de Faulkner s’exprime par les différents outils qu’il met au service de ses différentes narrations qui sont marquées par la fêlure spécifique de chacun des personnages. L’écriture est comme possédée par la voix du personnage et elle mue au gré des chapitres. Le problème réside dans le fait qu’il faille s’adapter aux propos, voir délires de chaque personnage.
La première voix est celle d’un idiot, d’un déficient mental. Sa perception chaotique du monde qui l’entoure imprime son discours. Benjy est sourd muet et il ne s’exprime que par des cris. Mais c’est ce qu’il perçoit que Faulkner met en scène. Le cheminement de sa pensée n’étant pas forcément cohérent, le lecteur doit s’accrocher pour suivre Benjy. Si Faulkner ne raconte qu’une journée de Benjy, les pensées de ce dernier vagabondent et renvoient à des épisodes lointains et donnent de nombreuses billes pour comprendre les relations entre les éléments de la fratrie.
Idem pour la deuxième voix qui est celle de Quentin Compson, l’aîné dépressif, étudiant à Harvard qui voue pour Candace un amour incestueux qui l’enferme dans une jalousie maladive à l’endroit des prétendants de sa sœur. Cette partie du texte est peut-être la plus complexe, celle où le lecteur possède le moins de clés. On marche vraiment dans les ténèbres. J’ai craqué à ce niveau.
En lisant deux ans après mon abandon la critique de Lilly sur ce roman, je me suis dit que j’ai loupé quelque chose. Comment pouvait-elle être aussi enthousiaste pour un bouquin qui m’avait filé autant de céphalées ? Je ne suis pas masochiste, mais il devait me manquer certaines clés. Après lecture, je me suis rendu compte qu’elles étaient dans la préface de Maurice Coindreau. Mais, voilà, par principe je ne lis jamais les préfaces avant lecture d’un ouvrage. J’ai donc terminé le texte torturé de Quentin dans lequel Faulkner glisse des phrases inachevés de Candace.
Puis intervient la troisième voix, celle de Jason Compson. Si Benjy et Quentin portent pour Candace des sentiments marqués par l’amour, Jason déverse sa fureur , sa frustration et sa haine pour cette sœur qui a failli et dont pour des questions d’honneur familial, il élève la fille. Malgré, cette description vous n’êtes en présence que des personnages sans avoir les événements qui remuent leur fureur, leur détresse. A vous de vous plonger dans ce roman.
Comme souvent dans les textes de Faulkner, les noirs, les nègres y ont une place importante. La figure la plus marquante est celle de Dilsey, bonne à tout faire de la maison, sorte de gardienne d’un temple avachi par une forme de malédiction qui s’abat sur les Compson. La posture des noirs dans ce roman nous replace dans le contexte de ce Mississipi et permet de toucher la condition de ces derniers dans les années 20 avec le cas de Dilsey qui se traduit par un effacement du moi pour une inclination totale devant l’autre. Sous la plume de Faulkner en tout cas.
Un autre élément qui ne manquera pas de déstabiliser le lecteur est la chronologie des événements qui se rajoute à la complexité du texte.
Néanmoins, ce roman mérite qu’on s’y attarde et qu’on prenne la patience de le lire et éventuellement de le relire pour le saisir dans sa globalité.
Bonne lecture

William Faulkner, Le bruit et la fureur
Edition Gallimard, Collection Folio
Titre original The sound and the fury
Traduit de l’anglais par Maurice Edgar Coindreau
1ère parution 1929, 372 pages