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Sony Labou Tansi : Les sept solitudes de Lorsa Lopez

Publié le 15 février 2009 par Gangoueus @lareus

Dire que Sony Labou Tansi est un auteur qui a influencé et continue d’influencer les lettres africaines n’a rien de surprenant. Pire cela revient à enfoncer des portes ouvertes. Les références à Sony Labou tansi dans leur texte d’auteurs majeurs de la nouvelle génération comme Sami Tchak ou Florent Couao-Zotti ou encore les hommages exprimés à l’endroit de son aîné d’Alain Mabanckou sur son site, mieux dans son écriture, sont là pour souligner la puissance d’un auteur fascinant, engagé, décalé.
J’ai personnellement connu Sony Labou Tansi comme un metteur en scène de génie avant de découvrir le politicien passionné, voir sous un certain angle, extrémiste si l’expression peut décrire avec justesse le sentiment qui fut le mien au moment de la Conférence nationale. L’excursion dans ce domaine publique n’a pas été très longue, mais marquée par le feu des convictions qui n’ont pas toujours été correctement transmises, qui n’ont pas été comprises. Je ne souhaite pas parler de politique ici, mais réaliser combien on peut mieux comprendre l’action d’un homme publique quand on a eu accès à ses textes. La compréhension ne signifiant pas l’adhésion mais au moins une forme de dialogue…
Vous l’avez compris, je pénètre petit à petit l’œuvre romanesque de Sony Labou Tansi. Un œuvre flamboyante, étonnante, agaçante parce qu’elle n’use pas des codes habituelles des lettres que je lis. Dans le commentaire de lecture de l’Anté-peuple, je soulignais déjà la dimension du dramaturge dans son écriture, la manière avec laquelle il plante son décor, les dialogues cinglants qui pourraient immédiatement faire réagir le public d’une salle de théâtre…
Dans Les sept solitudes de Lorsa Lopez, on retrouve ces ingrédients assaisonnés d’une petite poignée de sel qui donne la saveur à son texte. Cependant, on a l’impression que l’auteur a comme besoin de sélectionner son public. Dès les premières pages, le lecteur tombe sur une histoire abracadabrante de monstre étrange nommé Yogo Lobotolo Yambi. C’est une parenthèse qui aura son sens dans la suite mais qui peut perturber voir rebuter le lecteur. Plus sérieusement, Lorsa Lopez assassine sauvagement sa compagne. Au vu et au su de toute la communauté de la Côte. Crime passionnel d’Estina Benta par un homme dont la réputation, l’intégrité n’étaient pas à démontrer. Personne n’intervient sur le coup. La police de Nsanga Norda, la capitale, tarde à venir constater le forfait. 47 ans d’attente, est-ce sérieux ? Et pourtant … La caricature, noircir, surligner, re-surligner une anomalie constitue une normalité chez cet auteur congolais. On voit alors les femmes s’organiser autour d’Estina Bronzario afin que ce genre de crime gratuit ne se reproduise…
Comme dans une pièce de théâtre, Sony Labou Tansi place un décor sommaire. Il y a Nsanga Norda, la capitale, où tout se décide, où les hommes n’ont pas de valeurs, sont corrompus jusqu’à la moelle épinière. A des antipodes des gens de la Côte qui méprisent profondément Nsanga Norda. Les gens de la Côte sont les héritiers de la lignée des Fondateurs qui par Estina Bronzario tentent d’exister, voir de résister … à quoi ? Les crimes se poursuivent. Commis par des éléments internes ou externes à la communauté. Il n’y a pas vraiment de trame dans ce texte. Juste des personnages qui résistent, à l’instar d’Estina Bronzario. Des femmes surtout. Elles réagissent à l’infamie.
J’ai apprécié ce texte original. Ma meilleure lecture de Sony pour le moment. Un texte engagé, encore frais qui interpelle la société civile africaine quant à son devoir de réagir face aux dictatures corrompues qui écrasent le continent. Un roman écrit par un auteur disparu mais qui n’a jamais pris l’option de l’exil. Un texte qui souligne la révolte d’un écrivain face à un système inique et qui, même si le Congo n’est pas forcément identifiable dans les sept solitudes de Lorsa Lopez, donne une explication à son engagement politique quelques années plus tard.
Ecoutons Estina Bronzario :

Qui ne savait pas qu’on allait tuer Salmano Ruenta et Elmano Zola ? Qui ne sait pas qu’ils vont tuer Sarngata Nola ? Ils nous en veulent à cause des relations privilégiées que nous avons avec la vérité. Et comme ils sont niais, ils croient n’avoir pas de comptes à rendre à la vérité en nous tuant. Mais moi, je sais que la vérité ne fera d’eux qu’une bouchée. C’est des gens sans âme, après tout. Quel est leur mérite hormis le génie imbécile de fabriquer la popote.


Page 143, édition du Seuil, Collection Points


Bonne lecture,
Sony Labou Tansi, Les sept solitudes de Lorsa Lopez
Edition du Seuil, collection Points
1ère parution 1985, 201 pages
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