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L'argent pourri des banques est à nous, donc on doit payer pour eux

Publié le 17 février 2009 par Omelette Seizeoeufs

Dans mon dernier billet, j'insistais sur la gravité de la crise financière (et du coup économique), et sur l'obligation qu'avaient les États de l'absorber. Pourquoi ? Parce qu'on a laissé, pendant des décennies, les acteurs de la finance construire une bulle dont les proportions dépassent largement notre imagination. Les dettes des un justifiant celles des autres, le monde a produit un château de cartes qui est en train de s'effondrer. Les dettes cessent d'être des valeurs, mais continuent à être des dettes pour les créditeurs qui réclament ce qui est à eux mais qui n'existe plus. Car c'est ça : avec l'éclatement de la bulle, des énormes sommes d'argent qui devraient exister, ne sont aujourd'hui qu'un souvenir, surtout pour tous les créditeurs qui voudraient les retrouver.

On ne parle plus beaucoup des subprimes, tellement la situation actuelle dépasse la petite crise qui a lancé la grosse. Il paraît que les banques américaines s'acharnent encore sur les petits emprunteurs, pour récupérer quelques kopeks de plus, quitte les pousser à la faillite, récupérer des maisons qui ne valent plus rien, et à enfoncer leur économie un peu plus. Autrement dit, ces banques, même aujourd'hui, n'ont pas compris que leur intérêt (sans jeu de mots) était dans un apaisement de la situation. Mais la crise pousse chacun à agir de la sorte pour récupérer ses derniers sous et à participer à la détérioration collective. Tant pis pour les banques.

Mon billet donc a suscité au moins deux réactions assez semblable. Tout d'abord, l'excellent Monsieur Poireau a commenté ici même, pour dire :

Par extension, on peut considérer me semble-t-il que les actionnaires floués l'ont été de la même manière, se laissant bercer de douces illusions sur une rentabilité éternelle à au moins deux chiffres et retombant violemment sur le cul en découvrant la réalité.

Même question : pourquoi est-ce à l'État d'intervenir comme rembourser de tout cela ?

De même, chez Avec nos gueules, on repose à peu près la même question :

En clair, dans ce merveilleux processus de crise qui est le nôtre aujourd’hui, crise que beaucoup voyaient venir d’ailleurs, non seulement les prix montent (ce qui frappe les pauvres en premier, mais touchera vite les classes moyennes), le crédit est paralysé, les salaires stagnent, le chômage augmente, et en plus, il va falloir que l’on paie les conneries des banques avec nos revenus, puisque c’est sur eux que portent les deux impôts les plus importants, l’impôt sur le revenu et la TVA. [...] Personnellement, si je le pouvais, je laisserais crever les banques et leurs actionnaires, je te nationaliserais tout cela et je ne paierais pas ces dettes : les banquiers ont prêté n’importe comment, tant pis pour eux, qu’ils tombent, et les capitalistes qui ont passé l’argent avec. Malheureusement, c’est de l’utopie...

Eh oui, malheureusement... Mais la question est bien politique, et peut se penser en termes d'une lutte des classes (ou presque) : pourquoi faut-il que nous on paie pour eux tandis ce sont eux qui ont fait des énormes erreurs et ont triché, joué avec le feu, etc. etc. ?

Un peu plus et ma position n'aurait même plus l'air d'être de gauche.

Tout d'abord, le vrai scandale est ce qui a déjà eu lieu. Le scandale, c'était la bulle elle-même. Ceux qui se plaignaient de la "finance" passaient à l'époque pour des [utopistes][sego, "Ségolène"]. La finance a créé cette situation qui désormais la dépasse. Nous sommes aujourd'hui confrontés à la gestion des dégâts.

La véritable question droite/gauche en ce moment est entre des politiques de l'offre et de la demande. La droite propose une solution qui protège essentiellement les (grosses) entreprises qui pourront au moins survivre jusqu'à la fin de la crise. C'est inefficace, ne prend pas en compte la souffrance des gens de plus en plus exposés. Je reviendrai là dessus plus tard.

Et l'autre aspect droite/gauche dans cette histoire, c'est qu'elle montre bien que, même dans la sphère de la thune, le collectif est toujours aussi important.

Pour l'instant, je voudrais parler un peu plus du côté inévitable de l'intervention étatique. Aujourd'hui, il est accepté à peu près partout qu'il y a des ressources communes. L'air et l'eau, par exemple. Pendant des longues années, personne ne voyait pourquoi telle usine ne devait pas polluer l'air si, ce faisant, elle pouvait produire de la valeur. On a fini par comprendre, difficilement, que l'intérêt immédiat et individuel (produire en polluant) ne pouvait pas toujours primer sur l'intérêt collectif (respirer). Et seuls les États peuvent gérer de telles ressources, puisqu'il sera toujours plus rentable de ne penser qu'à soi sans penser aux autres. "Les autres" ont besoin d'une représentation quelconque pour protéger les intérêts communs.

Le "monde de la finance" a, à travers des pratiques irresponsables, gonflé artificiellement la quantité de l'argent dans le monde. Faire un mauvais prêt, c'est en quelque sorte fabriquer de l'argent puisque vous (le banquier) en donnez à quelqu'un (un pauvre, ou une banque devenue insolvable...) de l'argent là où il n'y a pas de valeur. Le système n'a fait que ça, pendant longtemps. Et on se rend compte aujourd'hui que cet argent est, malgré tout, à nous. La finance a pollué l'argent, a pollué la plupart des économies du monde. Et maintenant c'est aux États de tout nettoyer, non pas vraiment pour sauver les banques et les banquiers (enfin, si, mais c'est une autre histoire), mais parce qu'il n'y a plus d'autre choix.

Les banquiers ont bousillé notre argent, alors même que il n'était pas à nous. Mais on ne peut pas s'en passer. C'est comme ça.


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