Un éditeur habituellement voué au bio, au bien-être et aux soins alternatifs a eu la bonne idée de publier sous format ludique ces « petits dictons de sagesse », ainsi qu’il est sous-titré. Il y en a 139, comme la pagination ne l’indique pas. De quoi remettre les pendules à l’heure, se retrouver les pieds sur terre, se voir tomber les écailles des yeux. Les dictons participent du bien-être, au fond, parce qu’ils résument en une formule choc la sagesse accumulée par l’expérience. Celle de la bourse est longue, agitée et précieuse à conserver.
En effet, « les gens qui savent à la fois faire une bonne analyse et rester sur leurs positions sont très rares » (118). Mais le meilleur conseille « se résume tout bêtement à vous conseiller d’acheter bon marché et de revendre plus cher » (108). Surtout, « ne vendez pas quand la sève monte aux arbres » (100) – ce dicton poétique montre qu’il faut toujours suivre la tendance… lorsqu’elle est bien établie.
« Si les conditions sont réunies, même une guerre mondiale ne peut empêcher un marché d’être haussier ou baissier » (98). « Aucune manipulation ne peut entraîner une baisse durable des actions » (131). L’explication est là : « Ce qu’on qualifie de raids baissiers n’est en réalité rien d’autre que des ventes motivées par une connaissance des conditions réelles de l’action » (129). « Le public ne réagit jamais aux nouvelles en elles-mêmes. Tout est dans le sentiment général à un moment donné » (90).C’est dire si la bourse est pétrie de psychologie ! « Les pires ennemis du spéculateur sont au nombre de quatre : l’ignorance, la cupidité, la peur et l’espoir » (66). « Le courage, (…) c’est simplement la confiance d’agir selon sa propre décision » (68). Ce que disait Warren Buffet, mais d’une façon plus familière que ce qui est repris ici : « Je n’ai jamais gagné gros avec ma tête, mais plutôt avec mon derrière, en restant assis sur mes positions » (111).
Car celui qui gagne en bourse sur la durée n’est pas un agioteur : « Le spéculateur n’est pas un investisseur. Son but n’est pas de s’assurer un rendement régulier sur son investissement avec un bon taux d’intérêt » (61). Si « le jeu ne change jamais, la nature humaine non plus » (58), il faut savoir que « les cours ne mentent jamais, mais ils ne disent pas toujours la vérité séance tenante » (54). Retenons que « lorsque la vitesse d’évolution du marché dépasse celle de l’organisation, la fin est proche » (42). Rappelons-nous : c’est ce qui est arrivé à la bulle des technologiques en 2000… Figurent les dictons les plus célèbres : « sell in May and go away, but come home on Derby day », assez bien traduit en 140. Mais pourquoi transformer le fameux « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » en triste traduction littérale de l’anglais : « les racines ne descendent pas au centre de la terre » (18) ? Est-ce par tropisme bio et écolo de l’éditeur ? Je trouve très jolie dans les mains ou sur la table pour les invités cette édition en rouge, noir et gris - comme un clin d’œil métaphysique au sang, à la mort et aux larmes. Il y a de la poésie dans ces symboles de couleur. Notons tout de même que le rouge et le noir sont l’emblème d’une grande banque française épinglée il y a quelques mois pour spéculation effrénée. Il s’agit donc d’un avertissement subliminal. De format carré, comme la sagesse qu’il affirme. Le tout dans une main.
Un bon cadeau à faire à vos amis spéculateurs ou inquiets, pour rire ou réfléchir, un bon recueil de sagesse en poche.
SOS bourse, Le Courrier du Livre, novembre 2008, 143 pages, 6,9€