IX
Voici l’heure / grise & noire, & blanche… l’
heure du Soir où lentement je descends la ville enchantée
(enneigée) vers le repos / le
bain-bleu / le calme du
lait-chaud-très-sucré, dans le gros bol orange ! Ça
serait (à ravir) le moment de la
tendresse, les gosses blonds dans les jambes & sur
le cœur, au fond du fauteuil-sous-la-lampe-ra-
dieuse-qui-chante ! l’instant de la finesse, de la : déli-
catesse & toutes les Musiques de l’effusion-du-monde !
la sérénité du foyer / de la table / & du livre,
la volupté promise du lit, vaste-comme-la-Neige !..
& la nuit de tisane-bleue, qui tombe si doucement (si)
sur nos mains, nos yeux de sable-rouge, & nos
mâchoires bien mortelles !..
Mais je rentre à mon grenier tiède & désert ; la chatte
dort
ou joue chez la voisine & le feu (lui-même) faiblit-il ?..
je vide mon gilet violet bourré de chocolat
contre la Fatigue ; les écoliers-moustiques ;
nous
avons parlé de la neige ; de la flûte ; des Eskimos &
du mariage de Poil-de-Carotte, sous des milliers
de
fleurs !..
« des pavots / des pissenlits jaunes & des clématites » —
j’ai photocopié de l’alsacien, à la poste & mes élèves
ont chanté l’Hiver en allemand, «
a-e-i, —
der.Winter.ist.da ! » la radio annonce moins 20°
à berlin-est ; il neige ; il Neige encore ; il neigera ;
ça lavera les poumons & tout le sang du
Monde : la
Terre tourne / sous.les.flocons / sous.les.étoiles /
comme la boule-à-miroirs des
salles.de.bal,
& l’ouate douce épongera, peut-être,
tous les crimes de la planète ; le sang du Chili
& la folie africaine d’Amine-Dada
Hitler noir, —
toute cette neige / ô, toute.cette.Neige :
ça nous Changera peut-être,
enfin ? DIEU / EST / BLANC ! Mozart bruine &
Rayonne, sous les lampadaires municipaux —
Voici / la gloire blanche / du monde !..
on parle parfois du paradis, mais le paradis
n’
est-il pas Soudain, derrière la Vitre
// plus sûr que
les plus forts Mirages ? LE PAYSAGE
TOMBE (même) en ENFANCE, encombré des
gravures grises en taille-douce d’erwin heyn,
jeune peintre de mon âge qui, à partir d’eckarts :
willer
rêverait (je crois) de recouvrir
tout le kochersberg avec du
papier-journal imprimé à l’italique
ancienne,
pourquoi donc pas ? —
HÉLAS les 130.000 saumons du Rhin en 1885
sont morts, depuis si
longtemps : il
ne reste plus aux 46 pêcheurs professionnels
alsaciens
qu’à ramasser de la blanchaille
(pourrie de mercure) — où / donc / dort / encore / l’Or ?..
enfin, 40 millions d’enfants à travers le monde
travaillent / à / l’usine / à la rizière
/ dans la misère
des tapisseries de la Perse-Orientale,
ô / scandale !..
Comme l’écrit Michel Leiris à 75 ans,
il faut « Pleurer bleu / rire jaune,
Rager rouge. / Aimer violet, vert, orangé ;
rêver blanc & crier noir ! »
Nix & Nox & Nex : Voici
la neige / la Nuit / & les
meurtres célèbres dans Historia
n°45,
je recopie (ici) un peu de
l’Innommable humain :
« Il y eut aussi le paysan allemand Strumpf, exécuté à
Cologne en 1589, pour avoir (mangé) 13
adolescents, dont son propre fils » — page 101 ;
Pasteur ! Gandhi ! et j’en
oublie ! vite !..
la bonté ! (la bonté !) la
Bonté !..
voici / qu’il.neige.des.framboises /
sur.la.forêt-noire
de l’AME ! — brûlons- nos cauchemars & nos Folies,
une-bonne-fois-pour-toutes ; - faisons / table rase & pure
& blanche, jusqu’à Dieu /
jusqu’au cœur
de l’Homme / jusqu’à la douceur Universelle & muette,
jusqu’au silence (gris) des CHOSES :
elles seules
ne tuent pas ! Elles / seules /
ne / tuent pas !..
Jean-Paul Klée, Requiem sur l’Europe à son lit de mort !.., Saint-Germain-des-Prés, 1983
Contribution de Jean-Pascal Dubost
Bio-bibliographie de Jean-Paul Klée
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