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La cabane dans les bois (9)

Publié le 17 février 2009 par Feuilly
En sortant de l’hôtel pour prendre l’air, je suis tombé en arrêt devant la statue de Cristobal el Colon qui se trouve à l’entrée du vieux port. J’ai souri en voyant l’explorateur fixer l’horizon et tendre le doigt vers la mer, dans un geste qui résume bien tout son désir d’aller conquérir des terres nouvelles, malgré la difficulté qu’il y a à les atteindre. Je me suis dit qu’entre lui et moi il y avait comme un air de famille car finalement j’avais poursuivi mon rêve jusqu’au bout du continent et si je ne ramenais pas d’or, au moins avais-je accompli ce pour quoi j’étais parti. En plus, je revenais avec une richesse autrement plus importante puisqu’elle était tout intérieure. Alors, complètement rassuré, j’ai parcouru les Ramblas dans tous les sens puis j’ai visité la cité, avide de tout connaître. Tard dans la nuit, j’arpentais encore les ruelles louches de la vieille ville, passant d’un bar à tapas à un autre, sentant l’ambiance, percevant l’atmosphère, m’en imprégnant jusqu’à plus soif. Il était bien quatre heures du matin quand j’ai regagné mon hôtel et que je me suis endormi du sommeil du juste.
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Après, tout a été très vite. A midi j’étais dans le train pour la frontière. Un vent brûlant s’engouffrait par les fenêtres ouvertes et on voyait la Méditerranée, la mare nostrum des Romains, qui resplendissait dans son éternité. C’est sur cette mer que le fier Ulysse avait accompli tous ses voyages, devenus désormais mythiques et c’est sur ces rivages qu’il avait aimé tant de femmes et de déesses. Il suffisait de fermer les yeux et de se laisser porter par le balancement du train, tout en respirant l’odeur acre des genets ainsi que celle des oliviers et des pins, pour l’imaginer aux commandes de son navire, parcourant la mer bleue et longeant les côtes à la recherche de sa patrie pour finir par découvrir l’amour dans des ports improbables. Mais au bout du voyage, il retrouve le chemin de sa maison et rentre dans son foyer, accueilli en premier par son chien fidèle, qui est le seul à le reconnaître.
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Quand j’ai rouvert les yeux, le train se frayait un passage entre des masses de rocher. Il venait d’atteindre les Pyrénées. Il fallut franchir la frontière puis changer de convoi, l’écartement des rails étant différent d’un pays à l’autre. Ensuite, nous avons roulé sur une étroite bande de terre entre la mer et des étangs, dans un paysage irréel, un peu fantastique, tandis que dans le lointain les montagnes barraient l’horizon. Le train prit de la vitesse. Je laissais l’Espagne derrière moi, une étape était franchie. Puis nous avons continué encore et encore, pour ainsi dire sans aucun arrêt. Les villes défilaient, écrasées de soleil, avec leurs toits rouges et leurs murs ocres. Perpignan, Carcassonne, Toulouse, Montauban… C’est ainsi qu’à six heures du matin, je débarquais à Paris. Un sandwich, un métro, un TGV cette fois et j’étais déjà reparti. On a roulé longtemps puis en début d’après–midi je me suis retrouvé dans le vieux car brinquebalant que j’avais pris au départ. J’en suis descendu sur la place du village où régnait toujours le même calme impressionnant. J’ai mis mon sac sur mes épaules et j’ai continué à pied. En passant non loin du cimetière, j’ai vu que tous les habitants étaient rassemblés là. Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé que c’était la petite vieille qui était décédée, celle qui autrefois m’avait jeté un regard noir en sortant du car. On entendait le curé qui psalmodiait un chant en latin. Toutes les têtes qui étaient penchées vers la tombe se sont relevées pour me voir passer sur la route. Moi j’ai continué. Il me restait seize kilomètres à faire et je voulais arriver avant la nuit.
La cabane était toujours là et la porte a à peine grincé quand je l’ai poussée doucement. J’ai allumé un feu et je me suis fait un thé bien chaud, que j’ai bu en tenant la tasse dans le creux des mains, pour me réchauffer car il faisait un peu froid. Des volutes de vapeurs s’échappaient du breuvage, formant des spirales aux formes étranges. Je les contemplais distraitement, regardant bien au-delà. Ce que je voyais, c’étaient tous ces paysages que j’avais traversés, ces routes que j’avais empruntées, ces trains qui m’avaient entraîné au bout du monde. Dans ces nuages de vapeur apparaissaient comme des flashes l’océan déchaîné sur la côte Atlantique, les rues en pente d’Almeria, un grand bateau blanc qui quittait le quai et enfin une fille extrêmement belle qui me souriait. La boucle était bouclée et j’étais revenu à mon point de départ. Epuisé, je me suis jeté sur le lit, tandis que les flammes crépitaient dans l’âtre et qu’une bonne chaleur accueillante se répandait dans la pièce. Je me suis endormi comme cela, tout d’un bloc et ce fut un long sommeil réparateur et sans rêves. Juste avant de sombrer, il m’a semblé entendre au loin les loups qui hurlaient, mais je n’en suis même pas sûr.
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FIN
"Feuilly"

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