Elle a même réussi à se mettre à dos un élu UMP, Daniel Fasquelle – mais par ailleurs prof de droit – qui critique sans ambages l’esprit de la réforme et le système – absurde - de notation des enseignants-chercheurs…
Ce faisant, il est en contradiction avec sa famille politique et notamment, Benoist Apparu, jeune député ardent défenseur du décret sur les enseignants-chercheurs – bien évidemment puisqu’il fut rapporteur de la loi sur l’autonomie des universités (LRU) ! - pour qui «Ce décret est au cœur de la réforme de l’autonomie de l’Université. Quelle est l’autonomie d’une université si elle ne dispose pas de la gestion de ses ressources humaines?»…
Gestion des ressources humaines !
Bien dans la mentalité de petit boutiquier de Nicolas Sarkozy ! Introduire à la fac les méthodes de l’entreprise commerciale… Comme si l’on pouvait noter les performances des enseignants comme celles d’un VRP ! Et pourquoi pas une prime de productivité, un intéressement aux bénéfices et des stock-options ? Et pendant qu’on y est, je suggèrerais même l’usage de la pointeuse !
Le monde universitaire n’est pourtant pas totalement étranger à Benoist Apparu puisqu’il a suivi des études de droit jusqu’au DESS. Mais selon Wikipedia … de droit international «des affaires»… ceci explique sans doute cela…
J’avais beau savoir - bien avant qu’elle fût nommée à l’enseignement supérieur – qu’elle n’y connaissait strictement rien à l’université, ayant fait HEC… je ne pensais pas que Valérie Pécresse oserait aller si loin dans la «marchandisation» de l’enseignement supérieur : ce qu’elle appelle «mettre les entreprises et les universités en relation»… même si ce vieux projet hante depuis longtemps les rêves de l’UMP et du Medef.
Elle conçoit en effet l’université comme une sorte d’AFPA à peine améliorée où le Medef dicterait les programmes et les contenus en fonction des besoins des entreprises.
Or, quitte à me répéter, je dirais une fois de plus que la fonction première de l’université n’est pas de préparer à un emploi – sinon au stade du Master 2, ce que nous appelions naguère DEA ou DESS – mais bien l’enseignement approfondi des matières de base - dans chaque les discipline - en même temps que l’acquisition de l’esprit critique et au moins l’ébauche d’une formation à la recherche :
Certes, tous les étudiants ne deviennent pas des chercheurs mais savoir où et comment se documenter est essentiel non seulement au cours des études mais pour la vie entière. Cette ouverture d’esprit teintée de curiosité intellectuelle représente par ailleurs un atout essentiel dans la vie professionnelle (et la vie en général, bien évidemment).
En effet, à une époque où la plupart des salariés et des cadres doivent envisager de se reconvertir une ou plusieurs fois tout au long de leur carrière, soit dans un métier proche soit dans un secteur totalement nouveau pour eux, il est évident que plus leur formation initiale leur a inculqué comment «apprendre à apprendre» de façon intelligente et critique, mieux ils sont armés intellectuellement et pratiquement pour l’acquisition de nouveaux savoirs.
Il est évident de facto que Valérie Pécresse – pas plus que Nicolas Sarkozy, au demeurant ! - n’y connaît absolument rien en matière de «recherche» qu’elle fût scientifique ou intellectuelle…
Des sciences «dures» - médicales, physiques et chimiques pour faire court – elle ne retient que les «retombées économiques» : les brevets qui relèvent des «sciences appliquées» et non de la «recherche fondamentale» dont elle ne comprend ni la finalité ni les modalités… que nombre de découvertes pourtant essentielles doivent beaucoup sinon tout à l’intuition des chercheurs et au hasard, cela lui passe largement au-dessus de la tête.
Quant aux «recherches» menées dans les disciplines intellectuelles, il est évident qu’elle n’a cure de leur intérêt pour la communauté universitaire et l’enseignement en général : en approfondissant tel ou tel sujet – très souvent pour leur thèse – les enseignants-chercheurs ouvrent de nouvelles pistes, explorent des sujets parfois laissés à l’abandon et nourrissent le corpus intellectuel pour le bien de tous, enseignants, étudiants et même le public quand leurs travaux sont publiés.
Pour prendre le domaine que je connais le mieux – le droit – cet aller-retour constant entre la recherche théorique et la pratique est non seulement intéressant sur le plan intellectuel mais permet souvent aux praticiens du droit – avocats, juges, etc… - de faire évoluer le droit positif, soit en suggérant des réformes législatives nécessaires, soit par le biais des solutions jurisprudentielles, qu’il s’agisse du droit administratif (Conseil d’Etat) ou du droit privé (Cour de Cassation) sans oublier le droit constitutionnel (Conseil constitutionnel).
Devant la contestation grandissante qui a vu également les étudiants se solidariser avec leurs enseignants et grosso modo la moitié des Présidents d’université – alors même que contre la stricte réalité Valérie Pécresse osait affirmer : «La communauté universitaire est acquise à l’autonomie» - s’opposer à un décret qui pourtant accroissait démesurément leurs pouvoirs – au point qu’il n’était nullement exagéré de parler d’un «nouveau mandarinat» ! avec tous les risques de copinage pour la nomination des enseignants-chercheurs et le contrôle de leur activité ; sanctions à la clé ! - Valérie Pécresse était dans une impasse totale.
Sans doute Valérie Pécresse a-t-elle reçu le soutien d’Alain Renaut – philosophe spécialiste de Kant, après avoir consacré la première partie de sa carrière universitaire à Heidegger et président de la prestigieuse université de la Sorbonne.
Mais, j’ai le très net souvenir d’un article du Monde où il exposait des convictions fort proches de celles défendues par Valérie Pécresse – l’université gérée comme une entreprise, bien alignée sur la mondialisation et l’Europe ultralibérale.
Je n’ai malheureusement pas retrouvé la trace de cet article dans les archives en ligne du quotidien ni par Google – et quant à mes archives «papiers» qui envahissaient mes 45 m² - pour avoir encore un peu d’air et de surface, je m’en suis débarrassée au printemps 2007… ne conservant que quelques dossiers…
Alain Renaut était alors «à la mode» mais je cru que sa carrière ne se remettrait pas d’un mini scandale, sur fond de favoritisme à l’égard de quelques enseignantes-chercheuses et quelques petites choses pas très nettes… Là aussi, les archives du Monde sont muettes mais j’ai le très net souvenir de l’article.
Enfin, Alain Renaut, jamais à court d’idées fumeuses, ne proposait rien moins en 1998 que de fusionner les concours du Capes et de l’agrégation : «Le système le plus simple est toujours le meilleur. Apparemment pas dans l’organisation de l’éducation nationale, qui persiste et signe dans la multiplication de certaines entités ne correspondant à aucune nécessité. Produit d’une histoire oubliée, le dédoublement des concours de recrutement pour les fonctions de professeur du second degré reste une bizarrerie bien française, à peu près aussi irrationnelle que l’usage de consommer le melon en hors-d’oeuvre ou le fromage après la salade».
C’est seulement oublier que l’agrégation est un concours nettement plus difficile que le Capes qui l’est déjà suffisamment en soi. Il me semble que ce serait-là une manière – fort élitiste - d’écarter nombre d’enseignants de qualité dont certains auront toujours le loisir de préparer ultérieurement l’agrégation s’ils en éprouvent le désir et si cela correspond à leurs perspectives de carrière…
Je pense que Nicolas Sarkozy adhérait totalement au projet de Valérie Pécresse mais que déjà confronté à la grogne sociale particulièrement véhémente et ayant perdu récemment un sacré paquet de points dans les enquêtes d’opinion publique, il a sans doute voulu lâcher du lest. Avant de totalement lâcher Valérie Pécresse ?
Vous remarquerez comme moi une nouvelle mode langagière : maintenant on «démine» le terrain des réformes… langage guerrier s’il en fût ! Le champ de bataille des réformes menées tambour battant et au son du clairon est truffé de chausses-trappes et autres «tranchées» que Nicolas Sarkozy, François Fillon et son gouvernement-pétaudière ont soigneusement placés eux-mêmes !
Sans doute est-ce «la faute à Sarko» : à défaut de Voltaire et Rousseau… il ne s’en casse pas moins la binette par terre, le nez dans le ruisseau ! et de tous ses «fumigènes» - dixit les conseillers de l’Elysée ! sans doute destinés à nous enfumer… mais qui se révèlent à chaque fois – sur fond de «COUAC ! COUAC !» -de bons «pétards mouillés» !
Je constate au demeurant que le sens de la «concertation» n’est pas vertu cardinale chez Valérie Pécresse. Non seulement elle s’est obstinée au-delà du raisonnable à dire que le décret devait être et serait appliqué mais lors de l’inauguration de l’université de Strasbourg – où elle fut bien entendu accueillie par les universitaires en grève – elle a fait donner les CRS et les gaz lacrymos… Encore une fois : méthode Sarko contre les protestataires !
Pour deux raisons :
D’une part, c’est une magistrate financière (à la Cour des comptes) qui aura la même vision «comptable» de l’enseignement supérieur que Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy. Lequel a sans doute fait des études universitaires mais sans beaucoup user ses jeans sur les bancs de la fac de droit de Nanterre !
D’autre part, elle avait déjà été nommée en 2008 présidente du Comité de suivi de la loi LRU de 2007 sur l’autonomie des universités. Comme c’est sur le fondement de cette loi qu’a été concocté le décret Pécresse, je vois mal comment Claire Bazy-Malaurie n’essaiera pas de défendre «son bébé» !
Elle a beau dire qu’elle est indépendante et qu’elle cherchera à écouter tous les points de vue… Je ne veux même pas lui en faire grief tellement c’est humain ! Quand on participe à un projet, quel qu’il soit, on a beaucoup de mal à accepter de l’édulcorer ou de changer son fusil d’épaule.
Ensuite, elle est chargée de «prolonger la concertation» - comme s’il y avait eu une quelconque amorce de véritable concertation ! – et, qui plus est, pendant seulement deux mois !
Révélateur !
Toujours cette obsession des délais pré-fixes ! et des dates-butoir…Enfermer la démocratie dans ce genre de carcans revient à nier toute concertation réellement démocratique puisqu’en dernier ressort, plutôt que d’accepter de discuter jusqu’à l’aboutissement d’un compromis acceptable pour toutes les parties, la précipitation et l’obligation d’en avoir terminé à telle date met trop la pression sur les négociateurs qu’on essaie d’avoir «à l’usure» ou par des menaces de «passer en force».
Enfin ce délai de deux mois signifie, à mon avis, que Sarkozy comme le gouvernement et Pécresse, ont bien l’intention que la réforme intervienne à la rentrée universitaire 2009 comme prévu.
Toujours la même tactique : faire semblant de reculer mais c’est pour mieux sauter !
Etant donnée la masse d’articles que j’ai dépouillés au cours de la semaine dernière au sujet du conflit des enseignants-chercheurs, je n’indiquerais que les plus significatifs et intéressants, sinon je ferais concurrence à feu le catalogue de Manu-France !
Je laisse donc de côté tous ceux qui portent sur la mobilisation elle-même et les modalités – parfois originales ! – de cette mobilisation.
SOURCES
Universités : l’Elysée annonce de “nouvelles pistes”LE MONDE | 14.02.09 ©
LEMONDE.FR | 15.02.09 ©
LEMONDE.FR | 05.02.09 ©
LE MONDE | 16.02.09 ©
LEMONDE.FR | 05.02.09 ©
LEMONDE.FR | 05.02.09 ©
LEMONDE.FR | 05.02.09 ©
LEMONDE.FR | 05.02.09 ©
LEMONDE.FR | 05.02.09 ©
LE MONDE | 09.02.09 ©
LEMONDE.FR | 02.02.09 ©
Pour une fusion du Capes de philosophie avec l’agrégation
20 minutes
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