Mes chers petits amis,
une fois de plus, je vous ai laissés tout seuls quelques jours, livrés à vous-même, dans un désespoir que j'imagine sans fond, contraints que vous étiez de vous rabattre sur le blog de Morandini pour vous tenir au courant des dernières nouvelles qui agitent le tout-web2.0, ou pire, contraints de lire des livres écrits par d'obscurs tâcherons dont la prose n'égale sûrement en rien celle de ce blog impérial.
Je n'étais pas bien loin, rassurez-vous, bien que je puisse dire à peu près honnêtement que je n'ai pas du tout pensé à vous.
Non, parce que j'étais sur une île de la Loire, chez des amis, chauffé au poêle à bois à écouter tranquillement Samarabalouf en buvant du thé à la menthe ou du ptit rouge, à discuter de Jean-Pierre Brisset ou des avantages du mouton d'Ouessant et du radis noir. A aller à un festival de BD aussi, au passage, pour revoir Lelf et son Kromagnon et profiter un peu des auteurs présents que mon hôtesse avait contribué à nourrir de ses blanches mains. A marcher un peu sur les bords de la Loire, en discutant de la pénurie d'abeilles de cette année et des maladies des peupliers qui sont tous malades dans le coin, et de Riton la Manivelle qui vient au Lenin Café en plus de la librairie Goscinny où je l'ai rencontré (et de la manif où je l'ai croisé), et des inondations qui font que c'est problématique pour avoir des moutons et qui rend heureux les chats qui font des carnages avec les souris dont les radeaux de paille arrivent près de la maison, et des castors qui sont là depuis dix ans, et tout ça.
C'était bien.
Tiens, j'ai découvert en plus que j'étais capable de plein de choses, ces trois jours et quelque, par exemple, je suis capable
-de manger cinq fruizélégumes par jour (et non, le couscous c'est pas de la triche)
-de m'arrêter de manger du couscous avant que j'ai l'oesophage qui déborde par le nez
-de passer trois jours sans avoir envie d'aller sur internet (et d'y rester quand même plus de dix minutes par simple acquit de conscience, c'est fou comme malgré tout les automatismes restent)
-d'aller à un festival BD sans me ruiner (quelques oeuvres de Pépito, dont une seule pour moi, ça fait pas gras), et d'y passer sans me faire faire la moindre dédicace (le deuxième jour, soit)
-d'être reconnu par Cécily que quand même on s'est vus qu'une fois à l'occasion du Festiblog y'a deux ans (je devrais le mettre à son actif, soit. Mais même, je le prends comme une reconnaissance de ma capacité à être reconnaissable, ne serait-ce que par ma barbe et mes oryctéropes)
-de ne pas être jaloux de Lelf et de sa belle interview d'Emile Bravo
-de ne pas travailler mon chinois
-de déchiffrer des étiquettes de boîtes de thé chinois (oui, en chinois)
-d'acheter un stylo à calligraphie
-de boire du café turc jusqu'au fond de la tasse
-de ne pas regarder du tout la télé
-d'assumer complètement mon amour du sport à la télé, mon chauvinisme et mon amour de Miyazaki devant des amis qui méprisent tout ça (oui, je connais des gens qui n'aiment pas Miyazaki et je les aime)
-de louper sans regret un match du XV de France
-de trouver dans quel album Tournesol pique une colère mémorable
-de jouer du Chostakovitch à la flûte à nez après quelques essais seulement
-de ne pas me sentir un intrus chez des gens dont je mange la nourriture, ennuie le grand-père avec une flûte à nez, salis les draps, use le PQ et à qui globalement je n'apporte rien, sinon l'honneur extrême de ma présence dont je vous ai privés vous, petits malheureux.
Mais rassurez-vous, je suis re-là.