Les protestations étudiantes font à nouveau l’actualité en France, j’entends les arguments, et je ne comprends pas bien. Sans doute parce que je ne connais pas toutes les arcanes n’étant pas du sérail et n’ayant pas lu le détail de la reforme proposée.
Image credit Sylvain Clep
Mis a part l’évaluation des enseignants chercheurs sur laquelle je ne me
prononcerai pas faute de connaissance en détail, je lis et j’entends deux
oppositions majeures : 1- donner plus d’autonomie aux universités va créer de la
concurrence entre elles, faire émerger des gagnants et des perdants et 2- ce
faisant cela va ruiner la collaboration entre universités et nuire à la qualité de
la recherche et de l’innovation.
Je crois que la première objection est une lubie, et je crois que la seconde n’est pas une fatalité.
Je m’explique.
Prétendre que les universités en France sont toutes équivalentes, ou doivent toutes l’être est une lubie. La fac de droit d’Assas, la fac d’éco de Dauphine, la fac de médecine de Montpellier, etc. Le fait est qu’il y a déjà des universités d’élite. Vouloir que toutes les universités se vaillent, c’est condamner tout le monde à la médiocrité, à la dilution des moyens, plutôt que de les adapter aux différents besoins des étudiants pour le bénéfice de tous. Á vouloir être tout pour tout le monde, nos universités finissent par n’être rien pour personne (j’ exagère bien sur).
Image credit David Monniaux
Vouloir que toutes les universités se vaillent, c’est par ailleurs un immense
mensonge qui trahit les générations a venir. Qui aura le courage de dire haut et
fort aux 400 étudiants en licence de philo à la Sorbonne où j’étais auditeur
libre, qu’il n’y a pas de marché de travail pour absorber les diplômés de philo.
Qui aura le courage de dire que la sélection est un phénomène naturel. Qui aura le
courage de dire qu’avec la mondialisation, la concurrence et la sélection sont
mondiales ?
Enfin vouloir que toutes les universités se vaillent c’est abdiquer sur la scène internationale. Nous pouvons continuer à jouer l’idéalisme et prétendre que toutes les universités doivent avoir le même niveau, pendant ce temps là les autres pays investissent dans des pôles d’excellence (c’est le cas des Etats-Unis depuis des lustres). Ne nous étonnons pas alors que nos universités ne soient pas dans les classements mondiaux des pôles d’excellence. Il ne faut pas confondre égalité des chances et absence de sélection.
Image credit Libération
Donc pour me résumer prétendre refuser la concurrence entre les universités est
une lubie destructive et mensongère.
Quant a la deuxième objection, que la concurrence des universités va nuire à la qualité de la recherche, il n’est pas obligé d’en être ainsi. Si on regarde le secteur privé, de plus en plus les entreprises sont en mode de co-pétition, à savoir un mélange de collaboration dans certains domaines et compétition dans d’ autres. Les universités vont devoir se différencier pour n’être pas en concurrence frontale. Chacune développera ses pôles d’excellence. Cela encouragera la collaboration avec les autres universités aux pôles d’excellence complémentaires. Que les pôles d’excellence collaborant ne soient pas sous le même toit n’est pas un problème avec l’aide des nouvelles technologies. Aujourd’hui les universités sont tout pour tout le monde, elles cherchent toutes à attirer les mêmes moyens pour les mêmes projets. Si au contraire elles se différencient les unes des autres, elles chercheront des partenariats différents les unes des autres, étant moins en conflit elles seront plus ouvertes a la collaboration.
Je n’ignore pas que mon billet va générer une levée de boucliers condamnant les vues simplistes. Mais je suis ravie d’ouvrir le débat.