Un certain nombre d'invités ont fait un compte-rendu sur mon repas d'anniversaire. Avec leur autorisation, je me permets de les publier, car je les trouve vraiment digne d'intérêt et donnent chacun un regard différent sur les vins ou les mets.
Commençons par Frédéric, jeune amateur bordelais dont j'aime l'approche et la sensibilité.
Gougères à la lavande et au chèvre, feuilletés aux noisettes / Cuvée Louise 1995 de Pommery***(*)
Comme Patrick, je suis tombé sous le charme des feuilletés: simple mais redoutable Le champagne a un nez sur des notes beurrées et briochées, mais en bouche c'est puissant, avec de fines bulles nerveuses, une bonne acidité mais une légère amertume en finale. Je pense à une dominante de Pinot, c'est raté. Un bon champagne d'apéritif, mais à gamme équivalente, Bollinger GA me donne plus de plaisir (vinosité notamment)
Chaud froid de pommes et copeaux de foie gras / Savagnin Privilège 2004 de JF Gavenat****
Le plat est délicat, les copeaux finement préparés (au propre comme au figuré)
Le vin a un nez sur des notes citronnées, beurrées, avec un côté légèrement oxydatif. En bouche, une belle acidité et un registre sur les agrumes (citron encore), c'est équilibré et ça finit long. Une première approche en ce qui me concerne sur ce cépage, et une intéressante découverte.
Tartare croquant de saumon, nuage d’huître, quintessence de pamplemousse / Pouilly Fumé 2000 cuvée «Silex » de Didier Dagueneau***(*)
Plat étonnant, finesse extrême du nuage d'huître, le saumon lui répond parfaitement; mais je suis moins convaincu par l'accord avec le pamplemousse (c'est très personnel, j'ai un vieux contentieux avec le pamplemousse).
Le vin a un beau nez à la fois fruité (poire, pêche blanche) et floral, en bouche ce sont des notes réglissées qui m'apparaissent, mais la tension n'est pas au rendez-vous, avec une mollesse qui endort le vin, et une longueur moyenne. Je suis parti sur un Riesling ou un Pinot sur une année difficile (1997? 2003?), et me suis évidemment planté.
Queue de langouste & gâteau de sarrazin, écume de chardonnay / Montrachet Bouchard 1985****
Nous arrivons à ce qui reste pour moi le chef-d'oeuvre gustatif du jour: la cuisson de la langouste est magnifique, sa carapace lui transmet une saveur sans pareille, et l'écume de (vieux) Chardonnay s'intègre à la perfection au crustacé. Le gâteau de sarrazin accompagne merveilleusement le tout. Du grand art. Le Montrachet a d'abord un nez fortement réduit, pas franchement agréable. Etonnant, car le vin a été ouvert 4 heures avant. Mais plusieurs minutes après, l'odeur s'estompe et laisse apercevoir de meilleures promesses. En bouche, c'est équilibré, floral, avec quelques notes salines, c'est un beau vin, même si son appellation laisse entrevoir des regrets. Mon premier Montrachet.
Filet mignon basse température sauce aux cèpes / Château Talbot 1959*****
Une viande d'une tendreté rare, avec de très beaux cèpes.
Le vin, que beaucoup n'ont pas placé en tête de la dégustation, est pour moi un moment rare. Au nez, il est évident que ce vin est ancien, très ancien même (je pense aux années 40). Il y a certes des notes de camphre et de sous-bois, mais aussi un fruit magnifique qu'on n'attend pas à ce stade de la vie du vin: cerise confite, prune, fruits rouges. C'est très beau. En bouche, c'est rond, soyeux, équilibré, avec un équilibre parfait entre le fruit et les arômes tertiaires. C'est un vin plus que vivant, qui parle, puis chante, puis vous entame possente amor mi chiama... une belle et grande émotion.
Nems d’agneau aux senteurs de garrigue / Clos des Cistes 1998****
Une viande excellemment cuite, à laquelle il ne manquait peut-être, à mon goût, qu'une sauce légère ou une émulsion pour l'accompagner.
Le Clos des Cistes a un nez de prune et de cassis, sa bouche est réglissée, soyeuse et puissante à la fois, avec une légère sensation de chaleur en fin de bouche, et une très légère dureté de tannins. Un beau vin néanmoins.
Canard à la réglisse, purée ravelotte / Sine Qua Non Midnight Oil 2001*****
Un bon canard, même si légèrement en dessous des autres viandes, et une très belle purée, aussi bien pour les yeux que pour les papilles.Le Sine Qua Non a un nez magnifique sur le cassis, les épices, la cerise, et une bouche puissante, pleine, onctueuse, avec une très légère sensation de chaleur, et une très grande longueur. Un vin magnifique, peut-être un peu en dessous du Mc Laren Vale (Shiraz) 2003 dégusté en compagnie de C
hristophe, mais tout de même très grand.Dures et jaunes : Château Chalon 1992 d’Auguste Pirou***(*)
Beaux fromages, avec une préférence pour le gruyère.
Le vin a un nez franchement oxydatif, sur la noix, la pomme blette, la bouche est équilibrée et le vin finit long. C'est bien fait, mais ce n'est pas tout à fait mon type de vin.
Sorbets figue, café et noix, sauce au PX, turon et fruits secs caramélisés : Dom PX 1971 Montilla Morilles de la bodega Toro Albala*****
Deuxième grand moment de la journée. L'assiette est un magnifique patchwork de senteurs, et un feu d'artifice de saveurs. Le vin, sur la figue, le pruneau, le café, est un catalyseur absolu: les accords sont magnifiques, chaque partie du plat répondant d'une certaine façon à la magie du vin. Tout grand.
Le temps d'un petit café, de quelques chocolats, et ce très beau moment se termine. Merci à Eric et Olivier, à leur cuisine et à leurs vins, et merci aux participants, certains connus, d'autres non: plaisir des retrouvailles autant que de la découverte.