Coucou, le revoilou
Une confession douloureuse en guise d’amuse-gueule.
On skie comme une grosse patate malhabile.
La faute à un apprentissage aussi bref que préhistorique, suivi d’un demi-siècle d’abstinence sur les pistes. C’est donc un spectacle pathétique que le Dr Slurp sur les pentes poudrées. Enfin, la moitié du temps.
Les virages à droite font à peu près illusion. Les planches sont parallèles, le croupion altier et le regard fier.
Les virages à gauche? Patatras! Le blogueur glorieux se transforme en pantin désarticulé, fraîchement truffé d’un suppositoire au wasabi. Les bras jouent au moulin à vent. Le bonnet tournicote stupidement. Les skis se croisent et se décroisent dans la plus grande pagaille. Tragique.
Ajoutez à ça un très vieux sentiment d’infériorité vestimentaire. Les autres skieurs sont toujours fringués classe et in. Fuseaux blancs. Doudounes luisantes. Lunettes fumées. Nous, jamais. Le froc baille. L’anorak flotte. L’écharpe en laine trempée ballotte dans le vent comme un pauvre étendart en déroute.
Un épouvantail grelottant.
Et quand, juché sur le télésiège battu par le blizzard polaire, on se les gèle (ou on se l’Hegel, comme disait Marx), seule la rêverie culinaire réchauffe un brin le cœur.
Il fait moins quinze. Envie de faire pipi. Un bloc de glace s’est sournoisement introduit dedans le collant, là en bas, où ça fait mal.
Mmmmm. Et si on se faisait un....¨
Paleron au gros sel, radis noir râpé et pousses de moutarde, flanqué de son bouillon, os à moelle rôti et d’une salade tiède aux légumes de saison froide?
Hein?
D’aucuns grinceront qu’il s’agit là d’un pot-au-feu qui ne dit pas son nom. Certes. Mais un pot-au-feu monocarné et déstructuré. D’un pot-au-feu sévèrement contemporain et résolument réinterprété (n’importe quoi).
Plongez un bon gros morceau de paleron (175 grammes par bouche à nourrir) dans un bouillon de bœuf frémissant, parfumé d’un bouquet garni (clous de girofle, feuilles de laurier et herbettes sèches ficelés dans du vert de poireau). Deux heures de glouglou. Ou plus selon la taille de la bête. Réservez la viande. Filtrez et dégraissez le bouillon. Remettez sur le feu. Rectifiez l'assaisonnement.
Expédiez au four les os à moelle à 200° pour vingt minutes.
Râpez un bout de radis noir. Nettoyez quelques pousses de moutarde
Epluchez et taillez en bandelettes à l’économe, puis en minces lanières au couteau, une grosse racine de persil, une grosse carotte, un gros panais, un gros navet et deux scorsonères. Plongez quatre minutes dans le bouillon dégraissé. Extrayez à l'écumoire. Gardez les légumes au tiède et le bouillon au chaud.
Mitonnez-vous une vinaigrette corsée à l’huile de colza. Touillez avec les légumes.
Balancez quelques nouilles chinoises dans le bouillon, quelques minutes. Une touche d'orientalisme, ça vous file tout de suite un brin de fooding credibility.
Final héroïque: taillez le paleron (froid, donc) en tranches sveltes. Coiffez de fleur de sel et poivre au moulin. Installez dans un coin de l’assiette, avec la salade tiède à l’autre bout, les jeunes pousses à gauche, le radis noir à gauche et l’os à moelle au milieu. Sublimement géométrique, l’assiette.
Servez le bouillon et ses nouilles à part, dans une très élégante coupelle victorienne volée chez Ikéa.
Et lapez vite une longue goulée de Jasse Castel, assemblage rouge de Montpeyroux (Languedoc, France d'en-bas, Europe alignée) à la chair pleine et au fruité exubérant autant que rafraîchissant, en déchiquetant votre abonnement de ski en confettis microscopiques. Nyark.
Bye bye