Nos liturgies sont trop bavardes, non pas, évidemment, que la Parole ne doive pas y trouver sa place, mais que cette place ne doit pas devenir un monopole. Nous l'avions déjà vu la semaine dernière avec l'importance du silence dans la liturgie. Aujourd'hui, parlons de la participation du corps à la liturgie, avec les différentes attitudes et gestes demandés à des moments précis de son déroulement : signes de croix, debout, assis, à genoux, inclinations, mais aussi les processions, voire aussi - même si c'est plus discuté - la danse.
Trop souvent nos liturgies sont devenues désincarnées, comme si nous étions des anges, et les attitudes du corps se limitent à la position assise avec le danger de la passivité (cf. Bouyer : "Une assemblée assise est forcément passive"), et debout, la position à genoux étant passée à la trappe, comme si elle avait été proscrite. Or, rien que depuis Noël on ne compte plus le nombre de fois où, dans l'évangile, ceux et celles qui s'approchent de Jésus se prosternent en adoration ou en supplication pour marquer leur foi, comme c'est le cas encore aujourd'hui, avec le lépreux.
Loin d'être une attitude dégradante ou aliénante, cette attitude est l'occasion, au contraire, d'une libération, comme l'a fait remarquer Benoît XVI. En outre, quand nous nous agenouillons en entrant dans une église, ou au moment de la consécration ou encore devant le Saint-Sacrement, nous ne nous écrasons pas devant un tyran qui nous regarde avec dédain du haut de son trône, mais "devant un Dieu qui le premier s'est incliné vers l'homme comme un bon Samaritain, pour le secourir et lui redonner la vie" (Benoît XVI).
Tout cela pose donc, en plus de la participation du corps à la prière liturgique, la question du réalisme de la foi. C'est la foi qui commande, non seulement les dispositions de l'âme, mais aussi les attitudes du corps. "L'homme n'a pas d'âme, mais il est une âme, dans la mesure où celle-ci anime le corps, c'est-à-dire où le 'coeur' s'extériorise à travers lui afin d'engager des relations" (Kunzler), (cf. Evdokimov, citant saint Grégoire de Palamas : "quand la grâce pénètre dans les chambres du coeur, elle guide tous les membres et toutes les pensées").
C'est pourquoi la PGMR invite tout le monde à "être attentif aux normes de cette Présentation générale et à la pratique reçue du rite romain ainsi qu'au bien commun spirituel du peuple de Dieu, plutôt qu'à ses goûts personnels et à son propre jugement" (n. 42).
Trop souvent l'on observe dans nos assemblées liturgiques que les uns restent debout quand tout le monde devrait être à genoux, comme au moment de la consécration, et que les autres, faisant montre d'une piété déplacée, restent à genoux au moment où tout le monde aurait dû se lever. Non seulement l'importance des attitudes communes à toute l'assemblée se vérifie comme l' expression d'une unité, mais encore pour développer celle-ci :
"Les attitudes communes à observer par tous les participants sont un signe de l'unité des membres de la communauté chrétienne rassemblée dans la sainte liturgie ; en effet, elles expriment et dévelopent l'esprit et la sensibilité des participants." ( ibid.)
Il suffit d'en faire l'expérience afin d'être convaincu. Mais pour cela il faut que tout le monde s'y mette ! Or les mauvaises habitudes ne sont pas faciles à changer. C'est à une véritable conversion, communautaire autant qu'individuelle, que nous invite la liturgie.
Sans parler ici des danses liturgiques - sauf erreur la PGMR ne les mentionne pas - , relevons aussi l'importance des processions. L'idéal serait que toute l'assemblée participe à la procession d'entrée et de sortie, celle des offrandes et de la communion. Hélas, cela n'est pas toujours possible. Remarquons tout de même qu'à certaines occasions (mais pourquoi s'y limiter ?) les processions d'entrée avec participation de toute l'assemblée sont d'usage assez généralisé, comme pour la Présentation au Temple ou la Veillée pascale. Il faudrait qu'au minimum, la procession des offrandes soit une vértable procession durant laquelle des fidèles apportent les dons jusque devant l'autel.
L'apparition des bancs dans les églises (depuis le XVII° siècle seulement) ne facilite pas la participation de l'assemblée aux processions. Serait-il pensable aujourd'hui de les supprimer ? Et pourtant dans les liturgies orthodoxes c'est debout que tout le monde particpe encore aujourd'hui à des offices qui durent bien plus longtemps que les nôtres. ! Une assemblée assise, par contre, est difficile à entraîner dans la louange et l'action de grâce. Chez les protestants, l'assemblée devient un groupe d' "auditeurs" d'une instruction, chez les catholiques des "spectateurs" curieux : "même lorsqu'elle s'agenouille pour prier, c'est pour une prière privée, et non pas pour une supplication commune" (Bouyer). Quel dommage !