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Charles Dantzig, le faux capricieux

Par Albrizzi
Le poète et romancier Charles Dantzig est un funambule au pays des Lettres. Trois ans après son Dictionnaire égoïste de la littérature française, il revient avec une Encyclopédie capricieuse du tout et du rien. Une compilation de listes, près de 300, où il décline avec partialité et bonheur ses goûts et ses inappétences. Un catalogue des idées chics, qui lève le voile sur l’écrivain.
Prenons le pari : il existe autant de Charles Dantzig que de listes déclinées dans son Encyclopédie. Chez les romanciers, il y a les affabulateurs, les timides, les ennuyeux, les séducteurs, les orgueilleux. Charles Dantzig appartient aux comédiens. Fantasque, rigolo, facétieux, sensible, romantique, sérieux, ce bavard peu loquace dès qu’il s’agit de sa vie privée reste mystérieux même aux yeux de ses amis. « Il est Un mélange déroutant et en même temps irremplaçable », résume Dany de Ribas, attachée de presse aux Belles Lettres. Dandy est le mot que l’on entend le plus à son propos. Dandy ? «Le dandysme est une construction de soi », rappelle son éditeur Manuel Carcassonne, mais Charles est aussi un bosseur ». « On a l’impression que cela coule de source, il n’en est rien», commente son ancienne collaboratrice, à propos du succès de son Dictionnaire égoïste (80 000 exemplaires, prix Décembre 2005 et Grand Prix de l’essai de l’Académie française).
Dès lors, fini l’anonymat. La notoriété, « être commenté par des inconnus alors que vous ne les avez jamais rencontrés », déplore l’intéressé, « engendre la curiosité qui se nourrit de rumeurs. Quand il n’y en a pas assez, les gens se servent dans vos livres. » Au risque d’interpréter maladroitement les indices glissés ici et là. « Le propre du romancier est d’inventer. La part autobiographique se niche dans les sentiments, pas dans les personnages. » D’un revers de la main, il chasse une ineptie entendue après la sortie de Je m’appelle François, « On a prétendu que ma mère était une ancienne prostituée parce que c’est le cas pour mon personnage ! »
De son adolescence écoulée à Tarbes, il ne retient qu’un immense ennui, qu’il aura à cœur d’éviter ensuite à tout prix. Par esprit de contradiction, il refuse une carrière de médecins (sa famille en est en pleine) et l’hypokhâgne : « Ma terreur c’est que j’étais bon, alors que je voulais écrire ». Drapé de son titre de docteur en droit « une thèse sur les libertés de l’air », il gagne Paris, sa ville naturelle. « Charles a horreur de la campagne, Il prise tout ce qui est artificiel c’est-à-dire quand la nature imite l’art », tranche s’amuse l’écrivain et éditeur Charles Ficat, un de ses amis, rencontré à l’époque où ils fréquentaient le cercle de Jean-Edern Hallier. Charles passe de l’Idiot international à la Nouvelle Revue de Paris, y croise Michel Houellebecq, Olivier Frébourg, pige au Quotidien de Paris, écrit un essai sur Rémy de Gourmont, puis devient éditeur aux Belles Lettres où il redonne vie aux poètes oubliés tels Leon-Paul Fargue et traduit Wilde et Fitzgerald. Huit ans après, Grasset l’accueille pour exploiter le fonds dans la collection des Cahiers rouges. Avec délice, il déniche des inédits, réédite des épuisés (Gordimer, Jarry, Freustié) et réalise des coups, comme la publication du discours De la race en Amérique de Barack Obama, huit mois avant son élection. Chaque semaine, ce mordu de définitions donne cours à sa fantaisie dans l’émission de Rebecca Manzoni, Eclectik, sur France Inter.
Totalement séduit, le Times Literary Supplement, loue son irrévérence, quand d’autres s’agacent de son snobisme et ses airs de Narcisse. Pourtant, il n’aime pas les flagorneurs, « c’est un épidermique, français dans la langue, et anglo-saxon dans l’inspiration un peu folle à la Chesterton», renchérit son éditeur. Le journaliste Pierre Assouline le trouve « intelligent, très fin, surprenant, bien informé, souvent drôle ». Pour le directeur du Figaro littéraire, Etienne de Montety, c’est un « faux dilettante, organisé, et beaucoup plus décontracté en privé».
Devant ce florilège, à quoi bon se confier ? « Cela finit par être utilisé contre (vous) ». Il jure qu’il ne sacrifiera pas à l’exercice des mémoires, mais en confierait volontiers la rédaction à un amnésique, car « il inventerait mieux ». Après cela, si je vous dis qu’il a gagné en 1988 le tournoi universitaire de badminton d’Oxford, me croirez-vous encore ?
Article paru dans le magazine Femmes (numéro de février 2009)
"Encyclopédie capricieuse du tout et du rien", Charles Dantzig, Grasset, 800 p., 24,90 euros.

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