Prêtre depuis 43 ans, j’ai souvent entendu, comme nombre de mes confrères, les réactions suivantes de nombreux
baptisés, à propos de la foi catholique, de leur propre foi en Dieu, en l’Eglise, dans les Sacrements.
- Je suis croyant, mais pas pratiquant, est la remarque la plus fréquente :
- Je ne vais pas à l’église, ni à la Messe le dimanche : je prie tout seul
- Car les gens vont à la Messe pour montrer leurs vêtements, pour se faire voir
- Et puis ceux qui vont à la Messe sont souvent plus mauvais que ceux qui n’y vont pas !
- Je crois en Dieu, je crois que Jésus est Fils de Dieu, mais pas en l’Eglise.
- Je crois en l’Eglise, mais pas dans les prêtres, car ce sont des hommes comme les autres.
- Et d’ailleurs ils devraient être mariés, car ils ne connaissent rien de la vie :
- C’est pourquoi je me confesse à Dieu : pourquoi irais-je raconter à quelqu’un ce que je fais, quand il fait peut-être pire que moi.
- D’ailleurs, le célibat a été imposé aux prêtres tardivement, vers le 12° siècle, et les Apôtres étaient mariés.
- Je crois en Dieu, mais je ne crois pas à l’Enfer, parce que Dieu est miséricordieux.
- Je ne crois pas au Démon ni à l’Enfer
- Je ne crois pas à la Virginité de Marie ; d’ailleurs Jésus a eu des frères, c’est dit dans l’Evangile !
- Si Dieu est bon et tout-puissant, pourquoi permet-il les guerres, les maladies, les souffrances des enfants et tout le mal qui se trouve sur la terre ?
- Je ne crois pas à l’infaillibilité du Pape
Etc. etc.
Finalement, un nombre de plus en plus grand de catholiques se forme eux-même sle contenu de leur foi : c’est comme un « menu à la carte ».
Mon intention n’est pas de répondre à toutes ces objections qui manifestent une profonde ignorance de la foi catholique. Cette ignorance est due à différents facteurs :
l’éducation chrétienne dans la famille tout d’abord ; l’éducation donnée au catéchisme également, tout particulièrement à présent avec la pénurie de prêtres, et le manque d’une formation adéquate
de catéchistes laïcs formés comme il se devrait ! Leur bonne volonté, dont on ne peut douter, ne suffit pas !
Hélas aussi, le fait que nombre de prêtres, dans les homélies, dans les sermons, ne parlent plus de la doctrine catholique, de l’Evangile, de la Parole de Dieu. Les fidèles
vivent de plus en plus dans l’ignorance de ce qui devrait leur être enseigné par les prêtres à propos de Dieu, du sens de leur vie, de leur destinée éternelle, de leur dignité d’enfants de Dieu,
appelés à vivre éternellement dans la Maison du Père qui est dans les Cieux.
Ignorance des bases de leur foi, mais aussi ignorance de ce qui constitue l’aspect concret de la vue chrétienne, la prière, les prières, les dévotions, les cérémonies
liturgiques surtout qui nous font anticiper dès à présent la liturgie céleste dans la Maison du Père. La pratique religieuse se réduit à présent, pour la plupart des fidèles qui viennent assister
à la Messe du dimanche, à 45 minutes. 45 minutes seulement pour Dieu, dans une semaine de 7 jours. Et ce qui est le Jour du Seigneur, une Journée consacrée à Dieu se réduit à trois-quarts d’heure
d’assistance à la Messe, sans trop souvent savoir même ce qu’est la Messe. Mais, les prêtres le savent-ils eux-mêmes ? A voir comment sont célébrées certaines Messes, et comment est « manipulé »
le Saint-Sacrement, il est légitime de se poser des questions.
On touche ainsi la question de la formation dans les séminaires. Un jeune prêtre, que j’ai bien connu, a eu le courage, aussitôt après son ordination, d’écrire au Supérieur de son Séminaire pour
se plaindre de la formation reçue, et notamment sur la fait que personne ne leur avait enseigné comment célébrer la Sainte Messe, comment administrer les Sacrements, comment célébrer les
différentes cérémonies liturgiques.
Me voyant revêtir les ornements sacerdotaux pour la célébration de la Messe, un autre confrère, prêtre depuis plusieurs années déjà, m’a posé la question : « Qu’est-ce que c’est ? ». Il
s’agissait de l’amict, le premier des ornements que revêt le prêtre, et dont la Pape Benoît XVI avait parlé lors de la Messe Chrismale du Jeudi Saint de 2007, en rappelant les prières récitées
pour chaque ornement.
Il ne savait pas ce que c’était ; il n’avait même pas lu l’homélie du Saint-Père.
Je tiens à citer ce texte qui rappelle que rien n’a été aboli de ce qui est la Tradition de l’Eglise, et que la célébration de la Messe est une action sacrée. Mais, là aussi, l’ignorance est
grande, totale ou presque chez les personnes consacrées.
« Le fait que nous soyons à l'autel, revêtus des ornements liturgiques, doit immédiatement rendre visible aux personnes présentes et à nous-mêmes que nous sommes là "en la personne d'un
Autre". Les habits sacerdotaux, tels qu'ils se sont développés au cours du temps, sont une profonde expression symbolique de ce que le sacerdoce signifie. Chers confrères, je voudrais donc
expliquer en ce Jeudi Saint l'essence du ministère sacerdotal en interprétant les ornements liturgiques qui, pour leur part, veulent précisément illustrer ce que signifie "se revêtir du Christ",
parler et agir "in persona Christi".
« L'acte de revêtir les vêtements sacerdotaux était autrefois accompagné par des prières qui nous aident à mieux comprendre chaque élément du ministère sacerdotal. En commençant par l'amict. Par
le passé - et aujourd'hui encore dans les ordres monastiques -, il était tout d'abord placé sur la tête, comme une sorte de capuche, devenant ainsi un symbole de la discipline des sens et de la
concentration de la pensée nécessaire pour une juste célébration de la Messe. Les pensées ne doivent pas errer ici et là derrière les préoccupations et les attentes de ma vie quotidienne; mes
sens ne doivent pas être attirés par ce qui, à l'intérieur de l'église, voudrait fortuitement attirer les yeux et les oreilles. Mon cœur doit docilement s'ouvrir à la parole de Dieu, et être
recueilli dans la prière de l'Eglise, afin que ma pensée reçoive son orientation des paroles de l'annonce et de la prière. Et le regard de mon cœur doit être tourné vers le Seigneur qui est parmi
nous: voilà ce que signifie ars celebrandi - la juste façon de célébrer. Si je suis ainsi avec le Seigneur, alors avec mon écoute, ma façon de parler et d'agir j'attire également les autres
personnes dans la communion avec Lui.
« Les textes de la prière qui interprètent l'aube et l'étole vont tous deux dans la même direction. Ils évoquent le vêtement de fête que le maître donne au fils prodigue revenu à la maison, sale
et en haillons. Lorsque nous nous approchons de la liturgie pour agir en la personne du Christ, nous nous apercevons tous combien nous sommes loin de Lui; combien il existe de saleté dans notre
vie. Lui seul peut nous donner le vêtement de fête, nous rendre digne de présider à sa table, d'être à son service. Ainsi, les prières rappellent également les paroles de l'Apocalypse selon
lequel les vêtements des 144.000 élus, non par leurs mérites, étaient dignes de Dieu. L'Apocalypse commente qu'ils avaient lavé leurs vêtements dans le sang de l'Agneau et que, de cette façon,
ils étaient devenus blancs comme la lumière (cf. Ap 7, 14). Dès l'enfance, je me suis demandé: mais lorsqu'on lave une chose dans le sang, elle ne devient certainement pas blanche! La réponse
est: le "sang de l'Agneau" est l'Amour du Christ crucifié. C'est cet amour qui rend propres nos vêtements sales; qui rend vrai notre esprit obscurci et l'illumine; qui, malgré toutes nos
ténèbres, nous transforme en "lumière du Seigneur". En revêtant l'aube, nous devrions nous rappeler: Il a souffert pour moi aussi. Ce n'est que parce que son amour est plus grand que tous mes
péchés, que je peux le représenter et être témoin de sa lumière.
« Mais avec le vêtement de lumière que le Seigneur nous a donné lors du Baptême et, de manière nouvelle, lors de l'Ordination sacerdotale (le vêtement de l’amour »), nous pouvons aussi penser au
vêtement nuptial, dont Il nous parle dans la parabole du banquet de Dieu.
« Pour finir, encore quelques mots à propos de la chasuble. La prière traditionnelle, lorsque l'on revêt la chasuble, voit représenté en celle-ci le joug du Seigneur qui, en tant que prêtres,
nous a été imposé. Et elle rappelle la parole de Jésus qui nous invite à porter son joug et à apprendre de Lui, qu’il est "doux et humble de cœur" (Mt 11, 29). Porter le joug du Seigneur signifie
tout d'abord: apprendre de Lui. Etre toujours disposés à aller à son école. De Lui, nous devons apprendre la douceur et l'humilité - l'humilité de Dieu qui se montre dans son être homme
».
L’ignorance ne touche pas simplement les simples fidèles, hélas ! A ce prêtre, comme à tant d’autres, on n’avait pas enseigné cela au Séminaire ! Et c’est probablement là, la
source et la raison de la baisse de la foi et de la pratique religieuse qui caractérise de plus en plus notre époque, plus attirée par les sirènes du bien-être, du bonheur immédiat, du bonheur
sur cette terre, que de la vie qui se poursuivra ensuite après notre passage sur cette terre, à laquelle on en arrive même à ne plus penser.
Quant à la prière personnelle, au temps consacré à cette prière, à ce moment d’intimité avec Dieu, elle est en train de disparaître chez de nombreux « fidèles ». Et pas
seulement chez les jeunes qui ne connaissent pas les prières de la vie chrétienne, mais même chez les personnes plus âgées qui ont pourtant reçu, à l’époque, une formation chrétienne complète.
C’est vrai aussi chez de nombreuses « âmes consacrées » qui s’adonnent à la « pastorale », à l’apostolat, en oubliant que la prière « est l’âme de tout apostolat ».
J’ai pu noter lors des nombreuses heures consacrées à la Confession (donc déjà d’une certaine « élite » qui se confesse encore assez régulièrement et fréquemment, du moins dans
la paroisse où j’exerce mon ministère le dimanche), que la place donnée à la prière, était en train de disparaître. Le Chapelet reste l’apanage des grands-mères, ou de quelques femmes âgées qui
se réunissent à l’église pour le réciter. Beaucoup de fidèles ne le récitent pas, ou plus, en famille, mais même en privé. La plupart des jeunes ne sait même pas ce que c’est, et ne l’a jamais
récité.
La prière du matin ? Elle a disparu. La prière du soir, quand elle est faite se résume bien souvent à un signe de croix, un Je vous salue Marie, dans les meilleurs des cas,
récité en étant déjà au lit.
Bien souvent, lors des confessions, je dois réciter avec les pénitents, l’Acte de Contrition, qu’ils ont oublié (dont beaucoup de personnes des générations plus adultes), et un
grand nombre d’enfants du catéchisme ! Hélas, c’est ainsi.
Les Actes de Foi, d’Espérance, de Charité ont complètement disparu de la prière personnelle de la plus grande majorité de nos catholiques.
Ce sont pourtant des prières fondamentales de la vie du chrétien, un résumé de sa foi, une proclamation de sa foi, de son espérance, de son amour pour Dieu et pour le prochain,
du repentir de ses péchés. Tout jeune, « in illo tempore », en ce temps-là, il y a plus de 50 ans, chacun les connaissait par cœur, et les récitait chaque jour, le matin ou le soir, le soir de
préférence, en terminant toujours pas l’Acte de Contrition.
L’Acte de Foi venait en première place : « JE CROIS ».
Et c’est pourquoi je veux proposer au lecteur un réflexion sur l’ACTE DE FOI pour l’inviter à le réciter chaque jour, en sachant ce qu’il dit, ce à quoi cela l’engage pour vivre en chrétiens en
disciples du Christ, en enfant de Dieu, et surtout à bien comprendre SUR QUI il s’appuie pour proclamer sa foi et la vivre concrètement chaque jour de sa vie, dans l’attente de voir Dieu « face à
face » quand se terminera notre pèlerinage « dans cette vallée de larmes (cf. l’antienne mariale « Salve Regina » : « in hac lacrimarum valle »).
(à suivre)
Mgr J. MASSON