Conversations avec le sphinx : les paradoxes en physique

Publié le 14 février 2009 par Galaxiedesparadoxes@orange.fr
  • Auteurs : Étienne Klein
  • Date de publication : 1998
  • Les paradoxes sont trop souvent et injustement mal considérés.
    Les paradoxes contredisent généralement notre bon sens et révèlent des incohérences douloureuses pour les physiciens. A cause de ces caractéristiques, ils sont souvent regardés d’un mauvais oeil et bien difficiles à affronter.
    Des paradoxes fondamentaux ponctuent l’histoire de la physique. La physique classique mais surtout la physique quantique ont fait naître des paradoxes tous plus incongrus les uns que les autres. Grâce à eux la physique quantique notamment s’est approfondie et a consolidé son interprétation du réel.
    Des paradoxes naissent pourtant toujours des révolutions scientifiques significatives.
    Les paradoxes, parce qu’ils soulignent un point faible d’une théorie scientifique, sont toujours le point de départ d’une réflexion nouvelle. Ils stimulent la créativité en forçant l’esprit à se surpasser pour les dépasser.

    Le livre est divisé en deux parties qui se veulent complémentaires : le "physique du paradoxe" qui aborde la question des paradoxes sous un angle plutôt épistémologique. L’autre, les "paradoxes de la physique" traite de la physique proprement dite.

    Le paradoxe fait un retour fulgurant dans toutes les activités de production ou de réflexion spéculative de l’homme. Comme si, après des siècles d’apparente stagnation, la physique découvrait qu’elle ne saurait se limiter à une recherche consensuelle. Elle est paradoxale en ce qu’elle est dynamique au-delà de l’apparence d’un immobilisme scientifique. Ainsi, depuis Euclide jusqu’à l’an mille, on a expliqué (du moins en Occident) que la vision provenait d’un "rayon visuel" issu de l’oeil. Au Xe siècle, l’opticien arabe Alhazen, remplace cette notion par celle de rayons lumineux provenant des objets eux-mêmes et venant frapper l’oeil. Cette idée sembla étrange. Elle le reste psychologiquement : une vue "perçante", un regard qui "fusille" paraissent plus réels que la seule fonction de l’oeil qui consiste à être continuellement frappé par une pluie de photons…

    Le paradoxe joue sur l’ambivalence de présupposés intellectuels ou mythiques que la réalité fonctionnelle vient bousculer ou renverser. Il en est de même pour la cosmologie longtemps enracinée dans une perception mythique de l’univers. La récente théorie du Big Bang décrivant notre univers comme la postérité d’une grande émanation cosmique n’a rien gardé des explications de Ptolémée.
    La physique est authentiquement scientifique lorsqu’elle se laisse bousculer par la confrontation d’idées neuves et contradictoires. La "mémoire de l’eau" est une affaire qui réapparaît par ondes depuis 1988, traduisant des réactions "scientifiques" ou épidermiques.

    Le paradoxe est-il un facteur logique ou illogique ? D’un côté, le paradoxe est une opinion ou un argument qui va à l’encontre de l’idée commune ou de la vraisemblance. D’autre part, il peut être un fait qui heurte la raison, le bon sens ou la logique.
    Au point qu’en logique, on considère qu’une proposition est paradoxale quand elle peut être démontrée à la fois vraie et fausse.

    Le modèle du paradoxe logique le plus ancien est celui donné par le philosophe grec Eubulide (IVème siècle avant J.C.) : on demande à un menteur s’il ment lorsqu’il affirme être en train de mentir. S’il répond : "Oui, je mens", de toute évidence il ne ment pas, car si un menteur affirme qu’il ment, c’est qu’il dit la vérité. À l’inverse, s’il répond : "Non, je ne mens pas", alors il est vrai qu’il ment et, par conséquent, il est en train de mentir.

    Ainsi, tout langage ou système formel, lorsqu’il s’exprime à propos de lui-même, crée une structure comparable aux miroirs se réfléchissant à l’infini.
    Dans l’Antiquité jusqu’au seuil de notre siècle, cette question d’autoréférence a engendré des théories philosophiques tendant vers le désespoir car l’illusion d’un monde fini et immobile s’oppose à la notion de dynamique. Zénon, Sénèque, Kant ont ainsi enseigné des paradoxes qui touchent au concept d’infini en mathématiques et en philosophie qui s’appuie pourtant sur le principe d’étonnement (Platon).
    Il a fallu attendre le début du XXème siècle pour que E. Hubble mette en évidence (1929) la théorie de la fuite des galaxies contredisant la perception d’un univers éternel et immuable. Einstein accepta difficilement cette idée alors que dès 1915 ses calculs démontraient les principe de la relativité générale et la distinction "espace-temps".

    Comme l’exprimait Einstein, l’intuition et l’imagination permettent "un souffle de l’esprit" : ce qui implique qu’une image fidèle du monde ne peut naître que d’un acte d’affranchissement par rapport aux données qui nous situent et nous contraignent. La deuxième partie de l’ouvrage est centrée sur l’évolution des recherches quantiques et l’importance de la créativité pour la physique par le biais de paradoxes de plus en plus élaborés au niveau de l’abstraction.

    Enfin, la réflexion sur le temps fait partie de l’expérience primordiale de notre vie. "Il y a une flèche du temps, mais le niveau microscopique crée l’illusion qu’il n’y en a pas" (I. Prigogine). Ainsi, le concept de devenir dépasse celui de l’être et l’idée d’évolution prend le pas sur celle d’existence.
    Dépassant la banalité, le paradoxe apporte de la fraîcheur aux idées. Il est carrefour interdisciplinaire et confluence créatrice. Il mobilise et met ensemble toutes les conquêtes de l’intellect : science, histoire, épistémologie, sociologie, philosophie, humour… et il les perfectionne faisant apparaître une terre fertile.