Pas un mangeur de saucisses bios en sandales blanches, pas un designer bobo en terrasse WiFi, pas un PDG champion de l'exportation ni un Hartz IV diplômé psycho. Non, l'Allemagne 2009, c'est „Kartoffel“, „nous sommes Pape“, „on a perdu la guerre“, „des flics partout“ et „une putain de bureaucratie“. Source: le microtrottoir réalisé par Dani Levy, ouvrant le court-métrage de loin le plus jouasse de la série... et dans lequel on retrouve - soit dit en passant - le trip du gosse volant à la Ozon après une petite gorgée de „Paragermanin N6“, le remède censé permettre aux Allemands de ne pas tirer une tronche comme ça!
Le spectateur - confortablement assis dans son cinéma de la Potsdamer Platz - apprend au détour d'un court-métrage qu'en 1982, à l'occasion de la Berlinale, il fut question de débarrasser de ses populations honteuses tels junkies et prostituées les alentours de la gare de Zoo, voisine du „Zoo Palast“ où se déroulaient les festivités (cf post sur l'histoire de la Berlinale).
Dans le registre "Leitmotiv" ou "Leitkultur": les interventions musclées de ces messieurs (dames) les forces de l'ordre en uniformes.
D'une part, le court-métrage de Fatih Akin reprend en images l'interview de Murat Kurnaz donné au quotidien allemand "Sueddeutsche Zeitung" (dispo en all), lors duquel ce jeune Allemand né à Brême de parents turcs revient deux ans après sa libération de Guantanamo sur les interrogatoires et violences exercés par des soldats allemands en toute connaissance de cause de l'actuel Ministre des Affaires étrangères et candidat à la Chancellerie Frank-Walter Steinmeier (SPD), alors chef de la Chancellerie du gouvernement et coordinateur des services secrets (détails en français sur le "cas Kurnaz"). "L'histoire de Murat Kurnaz, c'est une énorme erreur du gouvernement allemand qui se fait doucement oublier", rappelle Fatih Akin aux journalistes présents à la conférence de presse. "J'ai tout simplement saisi l'occasion du projet Deutschland '09 pour rappeler l'existence du cas Kurnaz."
D'autre part, le court-métrage d'Hans Weingartner revient sur le cas "Andrej Holm", sociologue allemand de l'université Humboldt à Berlin perquisitionné fin juillet 2007, placé en garde à vue puis mis sur écoute - tout comme son entourage - pendant onze mois, le tout à défaut d'autres preuves que ses recherches sur la "gentrification" en Allemagne. "Avec ce court-métrage, je souhaite non seulement que ce scandale de l'avant-G8 ne tombe pas aux oubliettes, mais surtout, je voudrais que les spectateurs se posent la question de pourquoi les forces de l'ordre agissent ainsi", explique le réalisateur Hans Weingartner en conférence de presse. "Rapidement, il est clair pour tout le monde y compris les forces de l'ordre qu'Andrej Holm est innocent, alors pourquoi le mettre sur écoute pendant onze mois ? Le paragraphe anti-terreur 129a appliqué dans ce cas ne sert à rien d'autres qu'à rassembler des informations sur l'engagement politique de personnes citoyennes. Ce à quoi œuvrent le ministre de l’intérieur Schäuble et ses collègues au niveau européen, c'est au renversement progressif du principe démocratique de base selon lequel tant qu'on n'est pas coupable, on est innocent." Et d'illustrer la situation actuelle d'une métaphore gastronomique: "Vous mettez des grenouilles dans de l'eau bouillante, elles donnent tout pour sauter hors de la casserole. Vous les mettez dans une casserole d'eau froide dont vous augmentez peu à peu la température, elles ne réagissent pas ou trop tard."
Bref, ces treize courts-métrages à la douzaine sont à recommander pour voir comment une poignée de réalisateurs allemands peignent leur pays. Pas très jojo, mais certainement catalyseur de débats... et objet d'une future rétrospective Berlinale dans une paire d'années!
Séances Berlinale