Lire et relire Darwin

Ce qui est admirable dans la théorie de Darwin, c’est ce petit nombre d’hypothèses pour expliquer le foisonnement de la vie. Des ressources limitées, une reproduction entraînant de minimes variations, un milieu changeant, des populations sur de longues durées : ces éléments suffisent à tracer les grandes lignes de l’histoire du vivant.

La sélection naturelle est sans doute l’hypothèse la plus puissante. Elle rend compte de l’adaptation du vivant à son milieu sans supposer ni but, ni dessein. Dans la sélection artificielle, l’éleveur choisit les variétés, de chiens ou d’oiseaux, selon des critères utilitaires et esthétiques ; dans la nature, le milieu élimine pour ainsi dire celles incapables de survivre.

Aux Galapagos, lors de périodes très sèches, on constate que les becs des pinsons sont remarquablement adaptés par leur dureté à la nourriture disponible, principalement des graines. Mais cette finalité apparente résulte simplement de la disparition, faute de nourriture, des pinsons dont le bec était trop tendre. Ne vivent donc que ceux qui le peuvent, selon les lois de la nutrition et de la reproduction, et c’est pourquoi chaque sorte de vivant paraît si bien adaptée à son milieu.

On voit que ce mécanisme de sélection permet de faire l’économie de la finalité comme cause naturelle. Il n’est plus nécessaire de supposer que cet animal a été fait pour ce pays, cette espèce pour ce climat. L’adaptation est un phénomène contingent, lié aux changements et aux variations imprévisibles des milieux et des individus.

Ainsi la nature est expliquée et connue à partir d’elle-même. Il reste sans doute encore à s’interroger sur l’origine de la vie, voire sur la présence même de mécanismes. Mais du moins la connaissance du vivant a-t-elle son domaine délimité et des hypothèses claires pour rendre raison des phénomènes. Bref, Darwin a mis la biologie dans la voie sûre de la science.