Un serpentin de cuir dans la gueule
l'alligator s'enfonce dans le bayou,
il stagne des heures durant
devient un caillou et attend l'heure
immobile, bosselé de part en part
de concrétions calcaires,dans le marais
il attend ,l'heure du départ,l'heure de la mort,
un rai de lumière filtré par ses paupières lourdes
les yeux mis clos, il pleure,
des rus d'insectes bourdonnent dans son coeur
il cherche son souffle,une forge de bronze fissurée,
sous sa cuirasse hérissée de hallebardes
des cordes de chagrin ont rongé sa mâchoire,
il pleure des siècles de marécage où seul il a rêvé,
inerte , une statue de bois sculptée par le bourbier,
il a un grand chagrin d'amour
aussi vaste que le bras du fleuve
où les remous charrient la terre concassée,
un chagrin en marchant vite vite
qu'on prend pour un caillou du bayou,
un pont de pierre où l'on peut traverser
d'une rive à l'autre triomphant des menaces,
un caillou de bayou brillant comme un soleil vert
entre les paupières mi closes de l'été.