Ségolène Royal a eu cette formule qui claque : "Nicolas Sarkozy vendrait des frigidaires aux esquimaux." Pourtant, cette semaine, le chef de l'Etat préféra fuir à l'étranger et abandonner son gouvernement en rase campagne plutôt que d'affronter la grogne généralisée qui frappe la Sarkofrance.
Un gouvernement ... de gaffeurs ?
Sans doute paralysé par les caprices et coups de gueule présidentiels, ou leur propre fatigue, les ministres sont à la peine. Bernard Laporte est visé par une plainte pour abus de confiance, dans une affaire d'acheteurs spoliés de leurs habitations. Bernard Kouchner est touché par de nouveaux soupçons, cette fois dans le Kurdistan irakien où l'un de ses anciens collègues a réussi à facturer très généreusement une expertise de santé publique au tout nouveau consul français, également ancien collègue de Médecins du Monde de Kouchner. Sur un autre registre, Valérie Pécresse a dû reculer sur sa réforme du statut des enseignants-chercheurs. Et Xavier Darcos a renoué jeudi avec les provocations verbales dont il est coutumier: "Les professeurs apprennent des théories générales sur l'éducation et, de temps à autre, ils vont remplacer un professeur absent. C'est pas comme ça qu'on forme des gens". Que penser d'Anne-Marie Idrac, la secrétaire d'Etat au Commerce Extérieur quand elle déclare cette semaine que "la compétitivité de la France a cessé de se dégrader" ?
Seuls Eric Besson et Roselyne Bachelot se distinguent. Le premier n'est certes pas usé. il vient d'arriver à son poste de ministre de l'identité nationale. Et il a trouvé sa place, celle du converti jusquauboutiste. Après avoir rapidement signé la circulaire qui récompense d'une régularisation les clandestins qui dénonceront leurs passeurs, le voici qui s'apprête à publier, "d'ici un mois ou deux", le décret d'application des infamants tests ADN, oubliés par Brice Hortefeux.
Roselyne Bachelot a elle présenté mardi son projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires". Sous couvert de lutter contre la désertification médicale et les déficits des hôpitaux publics, il pousse un peu plus ces derniers à se muer en entreprise profitables : les patients seront des clients, qu'importe si certaines pathologies ne sont pas rentables; le pouvoir de décision dans les hôpitaux et CHU sera concentré dans les mains de directeurs nommés en conseils en ministres, n'en déplaise au Conseil de l'Ordre des médecins. La réforme des hôpitaux est à l'image des autres "ruptures" de la Sarkozie : une sorte de néo-libéralisme autoritaire et jacobin.
Sarkozy se fiche de l'Europe
Kouchner, Jego, Pécresse, les gaffeurs ou maladroits sont ainsi légions en Sarkofrance. Mardi, le président français lui-même a avalé officiellement son chapeau. L'Elysée a été contraint de publier un communiqué, pour s'excuser auprès de Gordon Brown des déclarations présidentielles imprudentes du 5 février dernier.
Devant 15 millions de Français sur 3 chaînes, le Monarque avait fustigé l'inefficacité de la baisse de la TVA britannique et la faiblesse de l'industrie anglaise ("le Royaume Uni n'a plus d'industrie, à la différence de la France"). En France, l'industrie pèse pour 14% du PIB, contre ... 16% au Royaume Uni. En valeur absolue, nos voisins britanniques sont les sixièmes producteurs mondiaux de produits industriels devant la France. Gordon Brown avait de quoi être furax. Aussi peu de reconnaissance de la part du monarque français. Après tout, le plan de sauvetage des banques était son idée ! En septembre dernier, Sarkozy était resté tétanisé et muet pendant 11 jours durant (du 15 septembre, jour de la faillite de Lehman Brothers jusqu'au discours de Toulon le 25 suivant). Sarkozy s'est donc excusé: "Le Président de la République a rappelé toute l’estime personnelle qu’il porte à M. Gordon BROWN, et en particulier au rôle moteur qu’il a joué pour élaborer une réponse commune face à la crise que nous traversons actuellement."
Mais ce n'est pas tout. Nos voisins européens accusent désormais la France de protectionisme. Lui qui se faisait fort d'avoir sorti d'Europe des tentations isolationnistes en novembre dernier, il a surpris tout le monde en annonçant un plan de soutien de 7,5 milliards aux constructeurs d'automobiles françaises s'ils protégeaient l'emploi en France. Dès le lendemain, Peugeot PSA annonçait qu'il supprimerait quand même 6 à 7000 postes en France cette année. On avait mal compris. Sarkozy a simplement exigé que ces constructeurs ne procèdent à aucun licenciement sec. PSA se contente de procéder à des ... départs volontaires, comme l'a justifié le Secrétaire d'Etat au Chômage, Laurent Wauquiez. Pire, Volvo, co-actionnaire de Renault Trucks a annoncé mardi 10 février refuser l'aide de l'Etat français à cause de ses contreparties trop "drastiques."
Sarkozy néglige les Antilles
Le 5 février dernier, le président français avait oublié la Guadeloupe et ses 15 jours de grève générale. Yves Jego, secrétaire d'Etat à l'outre mer, a planté les négociations en quittant soudainement l'île pour retourner à Paris dimanche dernier. Dès lundi soir, il y retournait, flanqué de deux "médiateurs", un nouveau concept en Sarkofrance. Jeudi 12 février, en fin de journée, les négociations étaient rompues: le Collectif contre l'exploitation (LKP), à l'origine du mouvement affectant la Guadeloupe, a annoncé que les discussions avec les deux médiateurs désignés par le gouvernement étaient interrompues. Le LKP a été assez énervé que les deux médiateurs ne connaissent pas les points d'accord et de désaccord en arrivant sur place ... Manque de chance, Yves Jego était déjà reparti pour la métropole. Le mouvement de grève aux Antilles pose, comme d'autres, la question de la juste répartition des efforts. A force de marteler que la France soutient l'investissement (qui s'effondre quand même), les plus fragiles protestent pour leur sort: en Guadeloupe, l'un des points de désaccords majeurs est le refus de l'Etat de financer des allègements de charges sociales pour augmenter de 200 euros les salaires. On croyait que Nicolas Sarkozy était un adepte des "défiscalisations" en faveur du pouvoir d'achat ?
Sarkozy fuit au Proche Orient
Quelle mouche à a piqué le président ? Pourquoi partir au Moyen Orient cette semaine ? Quelle était l'urgence de ce voyage ? Les annonces concrètes ont été rares, et les objectifs réels de ce voyage sont restés flous: Sarkozy a évoqué des discussions en cours pour vendre quelques Rafales. Il a laissé entendre qu'il était là-bas pour aider à résoudre la crise israélo-palestinienne et les tensions avec l'Iran. S'agissait-il de faire la leçon à Obama ? Mardi, on pouvait croire que l'escale surprise en Irak du président français visait à divertir l'opinion et replacer Sarkozy sur la scène internationale. Mercredi, au Koweit puis au Sultanat d'Oman, il a même enjoint Obama d'attendre avant d'entamer des discussions avec l'Iran. En France et en Europe, les sujets d'inquiétudes ne manquaient pas. Sarkozy n'était pas là pour préparer l'opinion à la cascade de mauvaises nouvelles économiques cette semaine : + 282 000 chômeurs en 2009 (d'après l'UNEDIC), une production industrielle en chute libre en 2009, (-12%) et un PIB en récession au dernier trimestre (-1,2%). Christine Lagarde était bien seule pour avouer que la récession serait d'au moins 1% en 2009.
Pourquoi partir maintenant ? L'omniprésident aime à rappeler qu'il est sur le terrain. Chaque jour, il s'exprime à la télévision. Pendant ses 15 premiers mois de présidence, il est autant intervenu à la télévision que ses prédécesseurs Chirac et Mitterrand de 1989 à 2007 !
Sarkozy joue au faux féministe
De retour en France jeudi, Nicolas Sarkozy a voulu rattrapé les erreurs de ses "collaborateurs": Sarkozy a convoqué Valérie Pécresse et sa nouvelle médiatrice, nommée lundi dernier, pour leur demander officiellement "d'explorer de nouvelles pistes pour l’évaluation des enseignants chercheurs et l’organisation de leurs services." On appelle cela une gifle présidentielle. Puis il a repris la main médiatique sur les Antilles. L'agenda du rendez-vous social du 18 février avec les organisations syndicales s'est ainsi élargi à un sujet supplémentaire : "la répartition des richesses". Merci aux grévistes antillais ! Sarkozy n'avait sans doute pas compris le sens des manifestations précédentes. Il s'est fendu d'une "grande" annonce : la création d'un «Conseil interministériel de l’Outre-mer ». Mais attention, ne fantasmons pas. Sarkozy a bien précisé : "méfions-nous des fausses « bonnes idées » de court terme pour sortir du conflit qui, en réalité, ne feront que compromettre l’avenir de ces territoires." Yves Jego n'a d'ailleurs pas l'intention de repartir en Guadeloupe ces prochains jours. Il a même "exclu l'organisation d'une vaste consultation sur l'outre-mer et prôné des réponses pragmatiques". Ah bon ?
Diversion ultime, le chef de l'Etat veut créer un "statut du beau-parent", ficher les sites pédophiles, créer 200 000 places en crèches... et raccourcir le congé parental. La politique familiale, voici le vrai sujet de préoccupation présidentielle de vendredi, la nouvelle distraction pour agiter les esprits. Sarkozy lance une pseudo-polémique comme il en a le secret : une proposition bien conservatrice, servi par un argumentaire clivant à souhait : «un congé parental de longue durée, c'est une rupture dans un parcours professionnel, qui peut se traduire par une diminution des chances de progresser dans la carrière». Voici enfin la traduction familiale du slogan sarkozyste : "travailler plus, pour ... " quoi déjà ? C'est presque un hommage posthume à Rachida Dati, qui accouchait un jeudi pour assister à un conseil des ministres le mercredi suivant!
Gageons que ce projet sera oublié, comme les autres, dès la semaine prochaine.
Le président n'a sans doute pas lu un sondage provocateur du Nouvel Obs qui révélait que 58% des Français interrogés considèrent qu'il "parle beaucoup mais ne fait pas grand-chose".
Quand les esquimaux n'achètent plus de frigidaire...
Nicolas Sarkozy et son gouvernement préfèrent fuir, s'entêter ou divertir. La Sarkofrance toute entière ne veut pas laisser de place au débat. Elle assène ses vérités en cachant les enjeux. On nous explique que 25% des enseignants ne publient rien. On nous répète que la crise est pire ailleurs. On nous assène que la solution est de travailler plus, de normaliser la vie sociale sur les règles de l'entreprise. Le docteur et le prof doivent être rentables. L'immigré doit "rapporter". La femme doit accoucher vite pour bosser plus. Nos enfants doivent cesser de perdre leur temps avec des Princesses de Clèves et autres balivernes littéraires. Le consommateur doit pouvoir consommer 7 jours sur 7.
Pointant sur de véritables difficultés, le pouvoir et ses supporters répètent à l'envie qu'il n'existe pas d'autre alternative que leurs réformes destructrices. C'était déjà le mot d'ordre libéral et thatchérien des années 1980 : TINA, "There is No Alternative".
La France vit une situation paradoxale. Les crises étouffent habituellement les réclamations sociales. Celle-ci agite au contraire la contestation. La désobéissance pédagogique touche quelques professeurs qui contestent l'inadaptation des horaires et la réduction des durées d'enseignement habillées sous forme de soutien. Hier Rachida Dati, aujourd'hui Valérie Pécresse ou Xavier Darcos ne peuvent plus s'exprimer en public sans que des banderoles et des cris ne perturbent leurs discours. Même Nicolas Sarkozy doit faire quadriller les villes et bourgades de province qu'il visite. Saviez-vous qu'à Saint Lô, le 12 janvier dernier, il a dû prononcer son discours de voeux dans une école aux volets fermés pour échapper aux cris ?
Il est évidemment trop tôt pour prédire le succès éventuel de cette gronde.
Quand les esquimaux cesseront-ils vraiment d'acheter des frigidaires ?&alt;=rss
Magazine France
93ème semaine de Sarkofrance: Sarkozy doit solder ses frigidaires
Publié le 14 février 2009 par JuanDossiers Paperblog
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