Interview : Claude Chevassu, prof de maths et de physique indépendant

Publié le 14 février 2009 par Didierk

Claude est prof de maths, physique-chimie et génie électrique indépendant.

Il donne des cours à Marseille, vous pouvez trouver toutes les informations sur son site Prof 13.

Claude a bien voulu répondre à mes questions.


Mise à jour : 29 octobre 2009
Claude Chevassu a décidé d’arrêter le soutien scolaire.

Vous et votre parcours en quelques mots ?

J’ai suivi les classes prépa (sup, spé M à l’époque, MP aujourd’hui), j’ai intégré l’École Navale en 1981. J’ai été officier de marine pendant quatre ans. Un an sur un navire de surface, un an sur un sous-marin à propulsion diesel électrique (un sous-marin « classique » ressemblant à celui du film « le Bateau »).
Ensuite j’ai suivi une formation d’une année scolaire, afin d’acquérir la spécialité « missiles artillerie branche SNLE » (SNLE = sous marin nucléaire lanceur d’engins) afin de m’occuper du service missiles. J’ai ensuite embarqué sur SNLE.

Pendant ces quatre ans j’ai donné des cours particuliers à de nombreuses occasions. Certaines personnes préparaient de petits examens internes à la marine nationale pour passer plus vite au grade supérieur, entrer dans l’école de spécialité de leur choix, d’autres préparaient le Brevet Supérieur (une qualification interne à la marine nationale) et avaient besoin de précisions en maths, en physique. Je pense que ma vocation pour l’enseignement est née là.
J’ai tout de suite su que le métier d’officier de marine ne me convenait pas pour tout un tas de raisons. J’ai longuement réfléchi à ma reconversion. Petit à petit le métier d’enseignant s’est imposé à moi.

Début septembre 1988, réunissant enfin un certains nombres de conditions, j’ai passé le concours de professeur de l’enseignement maritime. Il s’agit d’un petit corps de professeurs dépendant du ministère des transports (appellation de l’époque) et chargé d’enseigner dans les écoles nationales de la marine marchande. J’ai choisi cette voie plutôt que l’éducation nationale car cela me permettait d’entrer directement dans l’enseignement supérieur d’une part et du point de vue administratif, ma carrière continuait sans rupture.

J’ai débuté à l’école nationale de la marine marchande de Nantes où j’ai enseigné pendant 11 ans. Je me suis très vite spécialisé en physique appliquée et génie électrique à la fois par goût et parce que très peu de mes collègues souhaitent enseigner cette matière.

Au début de ma carrière, j’assurais également des cours de navigation et j’étais très intéressé par la navigation astronomique. C’était une belle matière, il y avait de beaux problèmes à résoudre, certains assez complexes, et tout cela débouchait sur du concret : trouver sa position sur l’océan.
Mais petit à petit, avec le développement des systèmes de navigation par satellites (G.P.S., Galileo) les horaires consacrés à la « nav astro » ont fondu. Enseigner la navigation a perdu tout intérêt à mes yeux puisqu’il n’y avait plus grand-chose de compliqué à enseigner. J’ai plongé complètement dans le génie électrique.

En 1996, le ministère a décidé de concentrer la formation des officiers de première classe de la marine marchande uniquement sur les écoles de Marseille et du Havre – Sainte Adresse. C’est ainsi que l’école de Nantes a perdu 3 classes d’officier de première classe. Cela s’est fait progressivement à partir de 1997. Les professeurs étant devenus un peu trop nombreux sur le site de Nantes par rapport aux écoles de Marseille et du Havre, il a été décidé d’équilibrer les effectifs. C’est ainsi que j’ai été muté à Marseille pour la rentrée de septembre 1999.

En moyenne, j’ai eu des classes d’une trentaine d’élèves, mais j’ai aussi enseigné en amphi (une centaine d’élèves). Évidemment, il est difficile de faire de l’enseignement personnalisé dans ces conditions. Cela n’empêche pas de faire un cours vivant, interactif où les élèves posent des questions. Mais il n’est pas question de deviner les difficultés précises de tel ou tel et d’essayer d’y apporter remède. C’est de l’enseignement de masse. Cela fonctionne pas trop mal, cela répond à une certaine logique économique : il ne faut pas que la formation des élèves coûte trop cher.

En 2005, j’ai été sollicité très fortement par un ami pour donner des cours particuliers de maths et de physique à son fils qui était en terminale S. J’ai retrouvé là ce qui a fait naître ma vocation. Avec le cours particulier, on fait du « sur mesure », c’est très satisfaisant, surtout quand ça colle bien avec l’élève, qu’il met bien en application ce que je lui dis et que les progrès sont au rendez vous.

Ces retrouvailles avec les cours particuliers m’ont donné envie de continuer l’aventure. J’ai donc cherché des élèves et, parallèlement, je me suis fait embaucher également par deux grandes enseignes pour voir.

Depuis juin 2008, j’ai cessé de travailler pour ces grandes enseignes. Le salaire qui est versé au professeur représente en gros le tiers du prix demandé à la famille pour chaque heure de cours. Je sais bien que ces entreprises ont des frais, mais mon « art » ne doit pas servir à rémunérer des actionnaires ou à financer le budget publicité démentiel de ces sociétés…

J’essaie donc de trouver mes élèves tout seul. C’est un peu dans ce but que j’ai créé un site internet, Prof 13. Un collègue, prof de maths à la retraite, m’a sollicité et je l’ai embarqué dans l’aventure Prof 13.
Nous travaillons à deux mais de manière passablement indépendante tout de même.

Il serait hypocrite de ma part passer sous silence l’aspect financier. Depuis les années 1980 tous les salariés, qu’ils appartiennent au secteur privé ou public ont subi les effets de la baisse d’une dizaine de points de la part des salaires dans la valeur ajoutée alors que l’inflation allait toujours bon train (n’en déplaise à certains statisticiens de l’INSEE). Bref les sous que je gagne en plus de mon salaire de professeur sont vraiment les bienvenus.

Vous avez travaillé pour des organismes de soutien scolaire, qu’en pensez-vous ?

Je ne supporte pas l’exploitation que ces grandes enseignes font subir aux professeurs qu’elles emploient. Rémunérer un professeur expérimenté 15 ou 16 euros de l’heure pour un cours avec un élève de terminale alors qu’il est demandé 35 quand ce n’est pas plus de 40 euros à la famille, c’est à la limite du grand banditisme !
Mais il est vrai qu’on ne bâtit pas des fortunes en étant honnête…

Il en découle qu’il serait très étonnant que ces grandes enseignes arrivent à recruter et surtout à conserver beaucoup de professeurs chevronnés.
Mais vous avez déjà écrit une série d’excellents billets sur le sujet.

Comment vivez-vous la concurrence des organismes de soutien scolaire ?

Ce n’est pas trop un problème. J’arrive à recruter le nombre d’élèves que je souhaite malgré la publicité phénoménale des grandes enseignes.

Comment faites-vous pour trouver des élèves ?

En passant des petites annonces sur Internet dans Kijiji et Vivastreet pour citer ce qui fonctionne le mieux.

En ayant développé le site internet Prof 13 qui ne se contente pas de donner des informations sur les deux professeurs de Prof 13 mais qui donne également une méthode de travail expliquée par le menu, un certain nombre de réflexions sur l’intérêt de prendre des cours particuliers, etc.
Le site est assez bien référencé maintenant (grâce aux conseils de Arnaud Glorion et de vous-même, Didier Kropp, je vous remercie à nouveau) et il est assez simple de nous trouver si l’on tape « cours particulier de maths ou de physique à Marseille » dans un moteur de recherche. Mais j’ai l’impression que le référencement a toujours tendance à se dégrader avec le temps.

Malgré tout nous ne sommes pas (Henri Martino-Gauchi et moi) aussi visibles que nous le souhaiterions ce qui est peut-être aussi bien puisque nous ne pourrions pas répondre à toutes les demandes.

Que faudrait-il améliorer selon vous dans le système des CESU ?

1. Il faudrait donner la possibilité de rémunérer en CESU les cours qui se passent au domicile du professeur. Le professeur peut ne pas avoir envie de se déplacer pour disposer de ses nombreux livres, d’un ordinateur permettant d’illustrer plus clairement certaines choses (tracé de courbes, logiciels de simulation en électricité, en optique, etc.). Sans parler du temps de gagné pour le professeur. C’est toujours un service à la personne, il n’y a pas de raison de ne pas pouvoir utiliser les CESU. Est-ce que la sécu cesse de vous rembourser si vous allez chez votre médecin au lieu de lui demander de passer chez vous ? D’ailleurs la majorité des médecins consulte uniquement dans leur cabinet.

2. Il faudrait simplifier le système des CESU préfinancés en supprimant le bordereau de remise à donner avec les coupons. On ne demande pas de tels documents lorsque l’on remet un chèque emploi service. Il faudrait aussi pouvoir libeller soit même la somme, ce n’est pas toujours facile de faire des comptes ronds avec des coupons de 15 euros et uniquement de 15 euros.

Avez-vous des projets à court, moyen ou long terme ?

Nous pensons monter un stage de prérentrée pour les classes prépas scientifiques pour la fin août 2009. Mon collègue Henri Martino-Gauchi s’occuperait des maths et moi de la partie physique-chimie.
Un des principaux buts serait d’essayer de donner une bonne méthode de travail aux élèves afin qu’ils partent tout de suite du bon pied.

Quelle(s) question(s) auriez-vous aimé que je vous pose, et quelles en sont les réponses ?

Qu’est qui selon vous fait un bon prof ?

Je dirais que c’est un savant mélange entre d’une part un côté altruiste : l’envie d’expliquer de faire comprendre, l’empathie avec l’élève pour percevoir ses problèmes et y remédier et, d’autre part, un côté égoïste : l’envie d’apprendre de nouvelles choses mais pour soi et comme il n’y a pas de meilleur moyen d’apprendre quelque chose que de l’enseigner, autant être le meilleur professeur possible, ainsi on réalisera le meilleur apprentissage possible pour soi.

Il faut y ajouter l’expérience. Comme dans de nombreux métiers, l’expérience est capitale. Je me souviens avoir rencontré un professeur proche de la retraite qui pensait qu’il n’y avait pas grand-chose qui le distinguait d’un tout jeune confrère. Mais énormément de choses lui ai-je répliqué. Nous avons forgé des analogies pour mieux faire comprendre, des exemples, des exercices types rodés par le temps. Nous possédons du recul par rapport à ce que nous enseignons, nous savons distinguer ce qui est vraiment utile de ce qui l’est moins. Nous pouvons établir des ponts entre différentes matières, la notion de continuité en maths peut s’illustrer avec des exemples tirés de la physique, comme la continuité du courant électrique dans une inductance aux bornes de laquelle la tension varie.

Nous avons affiné nos méthodes. Nous avons réfléchi aux « à côté » des matières que nous enseignons, par exemple à la méthode de travail la plus efficace et à la manière de l’expliquer aux élèves (ce qui ne garantit pas qu’ils l’appliquent pour autant !).

En s’intéressant à son métier, à force de « descendre de vélo pour se regarder pédaler », on s’améliore. Lors d’un cours, je m’arrête souvent (les élèves ne s’en aperçoivent pas) pour me demander si la manière dont je fais passer les choses est bien la bonne, comment les élèves réagissent, etc. Ce sont des réflexions que je n’avais pas trop le loisir d’avoir (pendant le cours) lorsque j’étais jeune professeur. J’étais trop accaparé par ce que je faisais sur l’instant. Comme le jeune conducteur qui ne peut pas s’abstraire de sa conduite alors que le conducteur plus ancien effectue le même parcours en pensant à mille et une choses bien étrangères aux véhicules qui l’entourent, à l’état de la route, aux bruits de la voiture, etc.

Je pense que le professeur est un artisan qui améliore constamment son art. Le jeune professeur est une pierre précieuse brute, pleine de promesses, mais assez terne. Le « vieux professeur » s’est taillé et poli avec le temps, il brille de mille feux.

Bon, personnellement, je ne suis pas du tout sûr d’en être là, j’ai encore pas mal de progrès à accomplir.

Vous trouverez plus d’informations sur Prof 13.

Pour contacter Claude Chevassu :