Un vendredi 13, certains jouent au loto ou à tout autre jeu de hasard, espérant que ce jour leur porte chance et leur permette de décrocher le jackpot. D’autres, superstitieux, restent cloîtrés chez eux, pour éviter que le malheur les frappe. Et puis il y a Jason Voorhees, qui enfile un masque de hockey, affûte sa machette et s’en va trucider tous les jeunes qui gravitent autour de son domaine, la plupart du temps pour y fumer de l’herbe ou y faire l’amour de façon obscène. Et comme cette année, Vendredi 13 tombe la veille de la Saint-Valentin, autant dire que ça fait pas mal de monde à décapiter, égorger, transpercer, énucléer, et autres joyeusetés…
Marcus Nispel avait signé un remake honorable de Massacre à la tronçonneuse, bien que très loin de l’intensité du chef d’oeuvre de Tobe Hooper. Cette fois, il se vautre complètement en s’attaquant à la franchise mythique des Vendredi 13.
Son film n’est pas à proprement parler le remake du premier opus de la série créée par Sean Cuningham (1), plutôt celui du Tueur du vendredi et de Meurtres en 3D, réunis en un seul long-métrage. Mais la tentative de dépoussiérage tourne court, Nispel étant incapable de lui apporter une quelconque originalité ou ne serait-ce qu’un peu de sang-neuf.
Au contraire, on sombre dans le grand n’importe quoi, et ce, dès la longue séquence introductive. Jason, jusqu’alors, était une grande brute pas très finaude et plutôt lente. Dans cette nouvelle version, il est toujours mongolien, mais fait preuve de la même ingéniosité que le tueur de Saw pour creuser des galeries souterraines sous le camp Crystal Lake, tendre des pièges macabres retors et torturer ses victimes. Et, à moins de posséder le don d’ubiquité ou de téléportation, il faut qu’il soit subitement devenu champion du monde du 100 mètres, pour réussir à transporter aussi rapidement sa grande carcasse d’un point à un autre, avant ses proies. Puis on découvre qu’il est capable de faire des bonds de 5 mètres de haut comme Chow Yun-Fat dans Tigre & dragon, qu’il a réussi tout seul à se bricoler de l’électricité – plus fort que Mac Guyver ! – et qu’il se déplace aussi silencieusement qu’un ninja…
Bref, rien de tout cela n’est crédible. Mais cela n’a jamais été le but de ce genre de film, non plus… Le public vient voir le brave Jason débarrasser le monde d’un aréopage de jeune crétins qui ne pensent qu’à se droguer, boire, forniquer, … Et qui font exactement le contraire de ce que le bon sens préconiserait, pour se jeter de manière infaillible dans la gueule du loup et se faire charcuter de manière inventive. Mais même sur ce plan-là, Vendredi 13 version 2008 n’est pas particulièrement généreux. Deux ou trois scènes rigolotes, et c’est tout. Pour le reste, on a droit aux mêmes effets ringards et bien trop sages que dans les précédents volets. Nispel se contente de copier sans vergogne et bêtement, sans apporter aucune innovation, ni scénaristique, ni technique, et certainement pas dans le domaine de l’horreur. Même pas peur !
Je ne suis pas superstitieux – mon féroce chat noir peut en témoigner – mais je vais commencer à penser que le vendredi 13 ne porte pas spécialement chance aux cinéphiles amateurs de films d’épouvante…
Et puisqu’on parle de tueurs psychopathes, un mot sur Dead in 3 days, un petit film d’horreur autrichien qui ne sortira probablement pas en salles dans l’hexagone. Il était présenté la semaine dernière dans le cadre des Nuits fantastiques (2), une sympathique initiative du Forum des Images pour les amateurs de cinéma de genre. Alain Schlokoff (3) l’a abusivement comparé aux gialli de Dario Argento ou au Halloween, la nuit des masques de John Carpenter, alors qu’il ne s’agit en fait que d’un banal ersatz de Souviens-toi l’été dernier, à peine supérieur à la moyenne : un groupe de lycéens reçoit des textos leur annonçant que dans les trois jours qui suivent, ils seront morts. Et ça se vérifie, les jeunes gens étant massacrés les uns après les autres…
Le réalisateur réussit à insuffler de la tension au film grâce à des ficelles certes usés, mais plutôt efficaces. Dead in 3 days pâtit cependant des défauts inhérents au slasher : manque de crédibilité, réactions absurdes des personnages face au danger, révélations un peu trop prévisibles…
Comme dans le Vendredi 13 de Nispel, les effets horrifiques sont bien trop sages, à l’exception notable d’une séquence de décapitation à l’aide… d’un aquarium ! Mais, sur le plan de la mise en scène comme de l’interprétation, le film d’Andreas Prochaska, un jeune cinéaste qui a travaillé comme monteur pour Michael Haneke – notamment sur le Funny Games original, surpasse nettement le 12ème opus des massacres du tueur de Crystal Lake. Le film a d’ailleurs connu un gros succès en Autriche, et la suite est dores et déjà achevée.
N.B. : Dans les deux cas, quand j’écris que l’horreur est trop sage, c’est aux amateurs de ce genre de films que je m’adresse. Les âmes sensibles auront de toute façon compris que ces films ne sont pas pour eux…
Notes :
Vendredi 13 (2008) :
Dead in 3 days :
(1) Dans le premier épisode, c’est la mère de Jason qui commet les meurtres, vouant une haine farouche contre les moniteurs de colonie de vacances depuis que certains d’entre eux ont laissé son fils se noyer dans les eaux de Crystal Lake…
(2) Une séance par mois, au Forum des Images, à Paris, avec la présentation d’un inédit et d’un vieux film méconnu.
(3) Alain Schlokoff, journaliste à « l’Ecran Fantastique » et animateur de ces « Nuits Fantastiques »