Le nouveau roman de l'écrivain américain Paul Auster, "Seul dans le noir", paru chez Actes Sud, s'inscrit dans le parfait prolongement du précédent, "Dans le scriptorium", où l'auteur s'interrogeait déjà sur les responsabilités de l'Amérique face à l'Histoire...
Rappelez-vous. Dans le précédent roman, empli d'une étrangeté typiquement austérienne, un vieillard frappé d'amnésie, M. Blank, ne sait plus qui il est. Ce vieil homme fragile ne comprend pas ce qu'il fait ainsi claquemuré dans une chambre où d'étranges visiteurs se succèdent, lui reprochant tour à tour de les avoir envoyés accomplir de mystérieuses missions dont ils ne se sont jamais vraiment remis, mais dont lui n'a aucun souvenir...
Avec "Seul dans le noir", le romancier poursuit dans une veine assez semblable, toujours pour le moins déroutante. Une fois encore, le personnage principal est un vieillard, August Brill, écrivain de son état, veuf depuis peu et cohabitant avec sa fille Myriam et sa petite-fille Katya. Trois naufragés de la vie dans une même maison. A la différence de M. Blank, Brill se souvient de tout et n'arrive pratiquement plus à fermer l'oeil. Il se souvient de ses erreurs et de ses trahisons. Il juge avec sévérité le bilan de l'ère Bush, en commençant par l'élection volée de 2000 puis, bien entendu, le déclenchement de la guerre en Irak sous un prétexte bidon. En tant qu'Américain, Brill refuse de se défausser. Il préfère regarder la vérité en face, quitte à broyer du noir.
Un monde parallèle
Pour occuper ses nuits blanches, il s'invente des histoires, une manière de s'échapper à la morosité ambiante. Ainsi se projette-t-il dans un monde parallèle, où une partie de l'Amérique a choisi de faire sécession après l'élection de Bush. Un univers où le personnage croise plusieurs fantômes de son propre passé... A l'instar des poupées gigognes, Auster propose ici une histoire dans l'histoire, étonnante variation sur la relation du romancier avec ses personnages...
Dans l'interview accordée à France 5, le 15 janvier dernier (voir ci-dessous), Paul Auster admettait que son nouveau roman "répondait au précédent, un peu à la manière d'un dyptique". Dans le premier, le personnage central préfère la fuite amnésique. Dans le second, il opte pour le devoir de mémoire. Deux réactions bien humaines face à l'insoutenable.
Paul Auster dans "La Grande Librairie" du 15 janvier 2009 - France5
Emission spéciale de "La Grande Librairie", François Busnel reçoit comme invité unique : Paul Auster. le jeudi 15 janvier 2009 à 20.35.