Pour ceux qui ne la vive pas au quotidien, l’obésité est souvent perçue comme un problème bien spécifique qui ne concerne que les personnes qui en souffrent, une réalité abstraite qu’on croise parfois sur sa route, qui nous intrigue, nous fait rire, nous dégoutte, parfois nous attire, souvent nous indiffère.
On l’attribue au laisser-aller, à la gourmandise, aux fast-foods qui fleurissent un peu partout sur la planète. Les idées les plus communes et les clichés suffisent à nous éloigner de cette réalité pourtant bien plus complexe et qui mériterait que l’on s’y intéresse de plus près.
Car l’obésité est un problème qui dépasse de loin la simple sphère médicale, et qui questionne l’ensemble de notre société, de ses progrès, ses excès, ses lacunes, et ses contradictions, ainsi que l’évolution spectaculaire de nos modes de vie et de production.
L’obésité questionne notre rapport à la nourriture et plus globalement à la terre qui nous fait vivre. Modes de production industriels, exode rural et transformation des aliments nous déconnectent chaque jour un peu plus de la réalité de ce que nous mangeons.
L’obésité questionne les logiques économiques qui poussent certaines entreprises alimentaires à privilégier les productions à bas coût au détriment de la qualité des aliments.
L’obésité questionne nos modes de vie actuels, sédentaires, motorisés et individualisés. Avec l’éclatement de la structure familiale, l’idée du repas communautaire tend à disparaitre au profit des repas tout préparés consommés devant un écran de télévision ou d’ordinateur.
L’obésité questionne la construction des normes sociales ainsi que notre rapport aux autres et à la différence. L’autre est celui qui sort de la norme, qui dérange et que l’on exclut. Alors que le culte de la minceur est érigée en standard universel en occident, l’obèse doit se battre au quotidien contre l’intolérance, les humiliations et les discriminations sociales (accès à l’enseignement supérieur, à l’emploi, à la promotion professionnelle, …). A l’inverse, dans les pays qui ne sont pas encore libérés de la menace de la faim, l’obésité est un signe de distinction sociale et de bonne santé.
L’obésité questionne les rapports que nous entretenons avec notre propre corps et la manière dont il porte les stigmates de nos émotions, de nos angoisses et de notre mal être.
L’obésité enfin questionne le fonctionnement biologique de notre corps. Elle est le moteur de nombreuses recherches scientifiques visant à comprendre l’impact de nos gènes et les mécanismes de stockage et d’absorption des aliments.
En ça, l’obésité est un sujet passionnant, une réalité qui touche à l’intime et à la collectivité. Et un problème dont on ne viendra pas à bout à simple renfort de campagnes de sensibilisation pour une alimentation équilibrée et la pratique d’une activité physique régulière.