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Vilem Bischof, Agence France-Presse,Paris
Les dents d'un primate fossile vieux de 10 à 11 millions d'années, probablement apparenté au gorille et suggérant que les grands singes se sont séparés de l'homme plus tôt que l'on ne pensait, ont été découvertes en Éthiopie, annoncent les auteurs d'une étude publiée jeudi.
Il s'agit des premiers restes aussi anciens d'un hominoïde qui puisse être rapproché d'une espèce existante, précisent Gen Suwa, du musée de l'université de Tokyo, Berhane Asfaw, du Rift Valley Research Service à Addis Abeba, et leurs collègues japonais et éthiopiens, dans leur article paru dans la revue Nature.
Les chercheurs ont donné à ce «pré-gorille» le nom scientifique de Chororapithecus abyssinicus (littéralement «singe de Chorora», du nom du gisement géologique dont il provient, et «d'Abyssinie», ancienne appellation de l'Éthiopie).
En partant de l'examen de la taille, des formes et des microstructures d'une canine et de huit molaires de plusieurs individus, mises au jour en 2006 et 2007 dans le sud du pays Afar, à 170 km à l'est de la capitale éthiopienne, les anthropologues sont arrivés à la conclusion que le chororapithèque pourrait avoir sa place à la base du clade (branche) du gorille.
Les archives fossiles connues de la lignée humaine s'arrêtent il y a 6 à 7 millions d'années, avec Orrorin (trouvé en 2000 au Kenya) et Sahelanthropus (alias Toumaï, découvert l'année suivante au Tchad).
Les pièces plus anciennes, remontant plus particulièrement à la période de la divergence entre les ancêtres de l'homme et des grands singes (aujourd'hui représentés par les gorilles, les chimpanzés et les bonobos en Afrique et les orangs-outans en Asie), sont extrêmement pauvres.
Parmi les rares exceptions, Samburupithecus, vieux de 9,5 à 10 millions d'années et provenant également du Kenya, mais dont la place dans l'arbre généalogique reste indéterminée.
Faute d'un matériel fossile suffisant pour situer dans le temps le dernier ancêtre commun, les scientifiques se sont inspirés des «distances» génétiques entre les espèces existantes, qui font partir les gorilles du berceau commun il y a 8 millions d'années et les chimpanzés entre 5 et 6 millions d'années.
Le problème, c'est que l'interprétation des données moléculaires est très difficile, d'autant qu'elle part d'une hypothèse elle-même à vérifier, selon laquelle les orangs-outans ont été les premiers à partir voici 13 ou 14 millions d'années. Avec sa dernière découverte, l'équipe nippo-éthiopienne pense disposer d'un moyen de mieux régler cette horloge moléculaire.
«Si l'on accepte l'idée que Chororapithecus se trouve à la base du clade gorille», résument les chercheurs, «cela repousse la divergence du gorille à 10,5 millions d'années. Compte tenu des données actuellement disponibles, nous estimons donc les chiffres de 20 millions d'années pour l'orang-outan et 9 millions d'années pour le chimpanzé comme probables.»
En brandissant un nouvel argument de poids, Gen Suwa et ses collègues relancent un débat scientifique entamé il y a des décennies et devenu particulièrement animé depuis l'avènement des techniques génétiques.