« Nous croyons connaître ceux que nous aimons.
Nos maris, nos femmes. (...) Nous croyons les connaître. Nous croyons les aimer. Mais ce que nous aimons se révèle n'être qu'une traduction approximative, notre propre traduction d'une langue mal connue. Nous tentons d'y percevoir l'original, le mari ou la femme véritables, mais nous n'y parvenons jamais. Nous avons tout vu. Mais qu'avons-nous vraiment compris ?
Un matin, nous nous réveillons. Près de nous dans le lit, ce corps familier, endormi : un inconnu d'un nouveau genre. Moi il m'est apparu en 1953. Un jour où, debout chez moi, j'ai découvert quelqu'un qui avait emprunté par pure sorcellerie les traits de mon mari. »
Et elle aura un impact encore plus fort si vous prenez le pari d'y aller à l'aveuglette. De toute façon, cette histoire vous donnera le tournis. Cela commence par un amour d'enfance, entre Pearlie et Holland, qui se consolidera par un mariage. Une vie paisible se trace devant eux : une maison confortable, en bord de mer, dans un quartier résidentiel, en Californie. Un fils, Sonny, vient saupoudrer de gazouillis ce bonheur naissant.
Pearlie n'est que dévotion pour son mari, qui souffre du coeur. Tous les jours, elle épluche le journal et supprime toutes les mauvaises nouvelles pour épargner à son époux un choc trop violent.
Même le chien Lyle ne sait pas aboyer.
Nous sommes en 1953. Une guerre s'est terminée, d'autres s'annoncent. On parle du procès du couple des Rosenberg, on prépare la population à l'exercice d'alerte aérienne.
Tout le climat est tendu, tourné vers l'attente.
Un soir, se présente à la porte du foyer de Pearlie et Holland un homme du nom de Charles Drumer. On devine que sa présence va tout secouer dans cette belle petite histoire d'un mariage, et c'est alors qu'on n'en revient pas ! Ce qu'on s'attend à lire, d'abord, n'arrive pas. C'est autre chose et cela nous laisse sans voix.
Et c'est de cette façon que s'écrit tout le roman. C'est très difficile d'en parler car il faut rester dans le flou. Car moins on en sait, mieux c'est ! Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aucune certitude n'est jamais acquise.
De plus, parce que c'est Pearlie qui nous raconte son histoire, on s'imagine à sa place et on vit, on ressent, la situation inextricable dans laquelle son histoire est embringuée. On comprend aussi que tout a un rapport avec le grand amour, le poids des convenances et le sens des sacrifices. Tous les personnages sont d'ailleurs très attachants. Ils participent à rendre l'histoire touchante, gênante, agaçante. Avec une seule question : que sait-on des gens que nous aimons ?
Le roman se veut également le cliché d'une décennie, en montrant combien la société était minée par les peurs et les préjugés. Je n'en dis pas davantage...
Sachez juste que c'est loin d'être une petite histoire convenue, c'est plus fort, c'est stupéfiant.
Editions de l'Olivier, 2009 - 273 pages - 21€
traduit de l'anglais (USA) par Suzanne V. Mayoux
# On my own - Thecocknbullkid
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