On entend, partout, de cris scandalisés sur le “retour du protectionnisme” que la crise ramènerait au rebours du dogme de la libre circulation des marchandises et des capitaux défendu par l’OMC et les chantres de feu l’ultra-libéralisme. J’ai même été interpelé par un blog ami à l’issue d’une discussion à la maison.
En ce qui me concerne, je refuse les dogmatismes protectionnistes comme libre-échangistes en “tout ou rien”. L’un comme l’autre sont, à mon avis aussi idéologiques et nocifs.
Des mesures protectionnistes (de protection de l’appareil économique national) sont un des outils de la souveraineté d’un pays et leur abandon ne figure à ma connaissance dans aucune constitution nationale hormis le fâcheux traité simplifié européen. Je pense que des stratégies de développement ou de protection d’une filière peuvent justifier des mesures, limitées dans le temps et à certains produits.
Et tout le reste n’est qu’hypocrisie et discours néo-libéral. Les mesures de sous-estimation de leur monnaie qu’opèrent les autorités chinoises sont une forme de protectionnisme. Le dumping fiscal existant entre pays européens, notamment avec des pays comme l’Irlande sont aussi du protectionnisme. L’injection de capitaux dans l’automobile française est une distorsion de la concurrence et s’assimile à du protectionnisme. Les paradis fiscaux, dont les mécanismes n’ont de raison d’être que d’attirer des capitaux, pour beaucoup gris ou carrément noirs, au détriment des autres places financières sont une autre forme de protectionnisme.
Que dire des pays qui, par divers mécanismes, baissent les salaires, ou empêchent les syndicats d’agir ? Le protectionnisme n’est qu’une des manières par laquelle on manipule une concurrence “libre et parfaite” censée permettre à la main invisible du marché de l’auto-réguler spontanément… On vient de voir ce qu’il en est..!
Et que dire de l’ouverture des marchés qui a permis de ruiner l’économie vivrière de nombreux pays d’Afrique ?
Des mesures protectionnistes, ne sont mauvaises que si elles permettent qu’une économie maintienne de mauvais produits, chers, en fermant les frontières aux autres, au bénéfice des mauvais producteurs locaux que cela permet d’enrichir tranquillement sur le dos de leurs populations nationales.
L’ouverture des frontières obligatoire et sans limite permet que des pays anti-démocratiques bridant les droits syndicaux, sans droit du travail permettent à une minorité nationale et internationale (les apporteurs de capitaux) de se goinfrer. Elle permet aussi de mettre les salariés français directement en concurrence avec des travailleurs chinois, sous-payés, surexploités et de pousser à des mesures faisant baisser le “coût du travail”, mais pas celui des profits.
Un protectionnisme limité dans le temps et à certains produits, s’il s’accompagne d’investissements massifs dans la recherche et la recherche-développement ne me semble personnellement pas scandaleux, ayant le mérite de la franchise. Rajoutons que c’est démocratiquement que ces mesures doivent être décidées, au bénéfice de la population et pas seulement des Medef locaux. Et c’est sur ce point que M. Sarkozy a d’énormes progrès à faire.
J’avais rédigé ce post quand je suis tombé, dans la soirée, sur le débat animé entre Christian St Etienne et Emmanuel Todd sur France-Inter dont rend compte Marianne, justement sur le protectionnisme. Je le rajoute au débat.
- Grandes surfaces: les prix des produits de base continuent à flanber. Le Monde . “Ces augmentations se poursuivent alors que les matières premières agricoles baissent depuis l’été 2008 et que le contexte, avec la réforme du cadre législatif en vigueur depuis janvier, est censé entraîner une baisse des prix à la consommation”. Au même moment, Total annonce des bénéfices “spectaculaires” pour 2008.
- Cocaïne, sur le blog de J. Attali.
- Sondage Sofres-Logica pour le Nouvel Observateur: “Pour 58% des Français, Nicolas Sarkozy “parle beaucoup mais ne fait pas grand-chose”. NouvelObs.
- La CPU prend (enfin) position sur les “réformes” Darcos-Pécresse. NouvelObs.
- Relance ? Par l’investissement ou par la demande ? Déchiffrages.
- La lettre des 122 chercheurs de l’Institut universitaire de France ( qui regroupe le gratin des universitaires, sélectionnés pour l’excellence de leurs recherches) à N. Sarkozy. Le texte complet là. Extrait: … “Monsieur le Président, nous n’acceptons pas les sarcasmes qui ont émaillé votre discours. Les métaphores –« immobilisme », « frilosité », « repli sur soi »‐ sont aux antipodes de notre réalité quotidienne et de la passion que nous consacrons à notre travail. Nous n’acceptons pas non plus les contre‐vérités : budgets prétendus en hausse, résultats de la recherche française prétendus en retrait de ceux d’autres pays, prétendue absence de l’évaluation de nos métiers. Nous sommes habitués aux vérifications, aux débats, aux confrontations. Chaque jour, nous devons argumenter pour défendre une idée, une découverte. Nous ne pouvons croire que notre Ministère ignore cela. Il aurait dû vous en informer ou tout au moins vous auriez dû l’écouter”…. Ce discours apparaît tous lesjours un peu plus pour ce qu’il est: la revanche hargneuse d’un inculte.
- Politique sarkozienne de santé. Le Phare.
- Les contorsions politiques de Julien Dray. Libération.