En 1979, le nouveau régime clérical impose une chape de plomb sur la société. Mais en province, diverses mesures sociales sont prises. Peut-on dire que les campagnes ont été les principales bénéficiaires des changements de ces 30 dernières années ?
La révolution s'est d'abord faite dans les villes. Ce n'est qu'après la prise du pouvoir par les Religieux que les campagnes - délaissées par la modernisation menée par le Chah - en ont ressenti l'impact. Et plutôt positivement. En fait, tandis qu'à Téhéran, une lutte intestine se mit vite à avoir lieu entre les différents courants politiques, et que la répression se mit rapidement à sévir, les provinces ont vécu les choses différemment. Raison : dès le début, la gauche islamique s'est donné pour objectif, au nom de la « justice sociale », d'améliorer les conditions de vie des paysans des campagnes. Les terres des riches propriétaires terriens ont été saisies et redistribuées. A l'époque, on a pu voir les fonctionnaires du Ministère du Jihad pour la reconstruction, parcourir le pays, tels des boyscouts, pour faire creuser de nouvelles routes, construire des écoles, favoriser l'accès à l'électricité, l'eau courante et le gaz... La révolution a rapproché les villes des campagnes.
Aujourd'hui, peut-on parler d'une uniformisation entre les villes et les campagnes ?
Au niveau du mode de vie, oui. Bien qu'il y ait eu peu de recherches, au cours de ces dernières années, sur les zones rurales, on a pu constater une augmentation de l'alphabétisation. D'après des statistiques qui remontent à 2006, 68 % des femmes sont alphabétisées dans les campagnes. Conséquence : occupées par leurs études, les Iraniennes ont commencé à avoir moins d'enfants. Avant la révolution, le taux de fécondité dans les campagnes s'élevait à dix enfants par femme. Aujourd'hui, il est de 3 enfants par femme. ..
Aujourd'hui, de nombreux nouveaux dirigeants, comme Ahmadinejad, sont issus de ces milieux ruraux. Comment peut-on expliquer l'ascension politique de ces nouvelles figures ?
La guerre Iran-Irak (1980-88) a joué un grand rôle dans leur ascension. Au début du conflit, de nombreux jeunes des campagnes sont partis au front. Pour deux raisons : défendre les valeurs de la révolution, mais aussi voir du pays, et sortir de leur isolement provincial... Au leur retour, ils sont devenus les héros du village. Certains ont repris leurs études. Ils ont socialement gravi les échelons, sont entrés dans la politique, au niveau local, puis national. Ce sont ces gens-là qu'on retrouve aujourd'hui autour d'Ahmadinejad et qui revendiquent un rôle politique.