Sylvain Sarrazin – Agence Science-Presse
En 2001, les talibans ruinaient une parcelle du patrimoine historique mondial en détruisant les statues de bouddhas érigées à Bamiyan, en Afghanistan. Mais les géants de pierre ne sont pas les seuls à s’être écroulés. Derrière eux, furent découvertes des grottes arborant des fresques murales qui ont ébranlé notre connaissance des origines de la peinture à l’huile. De nouvelles questions s’esquissent encore à leur sujet, tandis que les chercheurs tentent de faire sauter les derniers verrous de leur passé.
Artistes bouddhistes
Yoko Taniguchi, du National Research Institute for cultural properties du Japon, restaure actuellement ces œuvres sous la tutelle de l’UNESCO. Datées du Ve au IXe siècle, elles représentent principalement des scènes bouddhiques. À des fins d’identification historique, mais aussi pour adapter au mieux la technique de restauration, d’infimes fragments ont été transmis à l’Installation européenne de rayonnement synchrotron à Grenoble, un centre de recherche spécialement équipé pour des analyses délicates.
Les éléments de ces peintures bouddhiques se sont fait toutefois un peu prier à livrer leurs secrets, à en croire Marine Cotte, chercheuse au laboratoire du Centre de recherche et de restauration des musées de France: « D’une part, ces peintures sont composées à la fois de pigments et de liants organiques, d’autre part, il s’agit bien souvent d’une stratigraphie. » Cela signifie que plusieurs couches se superposent, rendant ardue leur analyse séparée.
Invention de la peinture à l’huile
Et face aux résultats obtenus dès les premières analyses, difficile de rester zen. En effet, les infrarouges ont détecté, parmi les liants organiques, la présence d’huile. De quoi faire grincer les dents des Européens, qui s’étaient approprié l’invention de cette technique de peinture, au XIVe siècle. « Clairement, ce procédé était utilisé ailleurs bien avant », conclut Mme Cotte. Des noix ou des graines de pavot pourraient avoir été utilisées comme base de fabrication.
Les œuvres bouddhiques retrouvées donnent encore matière à méditation. L’équipe de recherche tente désormais de révéler les techniques de composition employées, afin de savoir par exemple comment les ingrédients ont été mélangés. « On connaît la matière, on veut connaître la manière », philosophe Mme Cotte.
Autre question centrale à clarifier, les divergences de qualité entre les pigments. Les analystes ignorent encore s’il s’agit d’un acte volontaire du peintre ou d’une réaction chimique.
Si les voies du Bouddha sont impénétrables, le secret de ses représentations picturales devrait être élucidé d’ici la fin de l’année.