Elle ira expier au parlement européen sa métamorphose en boulet politique désormais trop embarrassant pour le Prince qui, sur un caprice insensé, avait décidé de la placer là où elle se trouve. Elle devra donc se dégoter un autre budget que celui de la Justice française -l’une des plus pauvres d’Europe, soit dit en passant- pour faire exploser derechef ses frais de réception. Il lui faudra s’inventer un autre poste où elle pourra passer ses nerfs sur plus compétent qu’elle, comme elle le faisait régulièrement sur ses -nombreux- directeurs de cabinet. Elle aura à découvrir un autre moyen de faire parler d’elle et de séduire une presse qui, après l’avoir portée aux nues, la vomit désormais…
Il est plusieurs manières de quitter les ors de la République. En catimini. Avec panache. En se faisant regretter. Ou en en rajoutant dans la descente vers les abîmes de l’indigence intellectuelle.
En visite à l’École nationale de la magistrature, à Bordeaux, le 5 février dernier, Dame Dati s’était mis en tête de délivrer un beau discours aux auditeurs de justice fraîchement entrés à l’École.
Las, ce n’est pas toujours facile de faire un beau discours. Il faut bien parler, sans trop bégayer, sans trop lire son texte. Voilà qui est déjà fort délicat. Et puis il faut avoir des choses à dire. C’est encore moins facile, quand on est devenue inutile, et que la presse, même la plus servile, a décidé qu’elle se foutait désormais de la marque de vos strings et des origines de votre accouchement (ce que c’est que d’être has-been). Et puis il faut aussi quelques maximes bien senties. C’est toujours bien les maximes, une petite pensée frappée au coin du bon sens ramassée dans une forme brève et bien balancée…
Dame Dati avait donc décidé d’énoncer une forte maxime. Quelque chose entre Chamfort et La Rochefoucauld. Elle la prépara donc, puis, suivant la ligne de son script d’un doigt crispé, elle réussit péniblement à la hoqueter, en butant sur les mots, devant un public pas vraiment conquis:
L’indépendance n’est pas un dogme. Il ne suffit pas de la proclamer. Elle se mérite par la qualité de son travail. Elle se mérite par la légitimité de ses décisions.
Le texte est hélas véridique. La version vidéo, judicieusement fournie par Les mots ont un sens, vaut le détour:
Dati : "L'indépendance de la justice n'est pas un dogme"
envoyé par NapakatbraOn savait déjà combien la capacité conceptuelle de Dame Dati était étroitement limitée. Mais de là à transformer l’indépendance des juges en cadeau du pouvoir…
Reprenons le fin raisonnement de notre très certainement future intégrée “tour extérieur” au Conseil d’État, et déployons le dans toute son ampleur, more geometrico:
- l’indépendance se mérite.
- ce qui signifie donc, que, d’une manière ou d’une autre, elle est accordée par quelqu’un. Parions que ce quelqu’un est “le pouvoir”, soit le gouvernement
- par conséquent, le gouvernement accordera l’indépendance aux juges qui le méritent selon les critères qu’il aura lui-même fixés
- en répondant à des critères fixés par une autorité autre que judiciaire, les juges abandonnent néanmoins toute indépendance
- seuls les juges soumis au pouvoir pourront donc prétendre à l’indépendance
- par conséquent, on n’accordera l’indépendance qu’à ceux qui ne seront pas susceptibles d’en faire usage
Face à ce brillant épichérème, on peut choisir deux interprétations différentes.
La première consiste à considérer que Rachida Dati ne fait là que confirmer son incompétence, et que sa déclaration n’est qu’une preuve nouvelle de sa difficulté à manier plus d’un concept à la fois. Pensez-vous, dogme, indépendance, droit, devoir, mérite, cela fait quand même beaucoup d’idées à mettre bout à bout. Récidive, délinquant, peine plancher, c’est évidemment beaucoup plus facile…
La seconde interprétation est plus sombre. Elle consiste à oublier la disgrâce dont souffre Dame Dati, et à considérer qu’elle est l’interprète de la pensée du pouvoir en place, lequel a déjà maintes fois exprimé son intention de s‘essuyer les pieds sur une Justice transformée en paillasson des puissants. Si cet interprétation est la bonne, nous sommes mûrs pour la dictature. Mais soyons honnêtes: la première interprétation, celle de la nullité, et donc de la vacuité politique, reste quand même la plus vraisemblable. Par son inventivité merveilleuse, Dame Dati aura réussi à conforter son Maître dans sa décision de la débarquer.
Vous pouvez partir, maintenant, Dame Dati, et vite : même celui qui vous avait placée là ne vous regrettera pas. Et vos collègues de Strasbourg seront ravis, à leur tour, de commenter vos bourdes.
Publié par LGB, dans Le Barnum politique