Ma part de sorcière

Par Theclelescinqt


Découvrez Various Artists!

Plus athée (et judéo-chrétienne) que moi, il n'y a pas. Les deux font bon ménage.

J'envoie mes enfants au caté mais je crois qu'il n'y a rien après la mort. L'Eglise est pour moi une sorte de secte anti-démocratique et machiste au possible, mais j'adore les églises. J'admire le travail et la foi des hommes. Je me fais horriblement chier à la messe où parfois j'accompagne mon mari, comme dans les bonnes concessions de tout bon mariage mixte, mais quand je me sens malheureuse j'essaie d'entrer dans une église déserte. Le problème c'est qu'elles sont souvent fermées en dehors des heures de pointe.

Je ne crois pas en Dieu mais j'adore l'histoire des religions. J'ai déjà lu la Bible, du moins des passages. La Genèse est une vraie histoire de cul !  J'ai beaucoup d'amis croyants, des catholiques très fervents et sincères. Je ne leur dis rien. J'ai peur qu'ils ne comprennent pas que moi, je crois en l'humanité et en rien d'autre. Et puis les cathos bon teint ont parfois le travers de se regrouper entre eux avec signes de reconnaissance et tout et tout, startrites pour les petits petons et scoutisme pour tous. Si vous leur déclarez que vous détestez vos parents mais que vous continuez à avoir foi en l'humanité tout en plaignant beaucoup les pauvres prêtres et nonnes privés de sexe, il y a de fortes chances que vous soyez évincé de la bande à Louis-Armand et Jeanne-Emilie Chamfronfd de Saint Trucmuche (car qu'est-ce qu'il y a comme aristos là-dedans!)

Mais j'ai également de grands amis juifs, sionistes y compris, bien que je tienne la cause palestinienne dans la plus haute estime. J'ai vécu six ans avec un iranien chiite, et pendant mes études la plupart de mes potes étaient musulmans. Pas forcément plus cool que les cathos d'ailleurs. Mes histoires de topless du temps où j'étais fille au pair à Majorque ne passaient pas forcément très bien.  Pas bien du tout d'ailleurs. Et avec mon petit copain iranien j'étais priée de cesser les mini-jupes, merci.

A la cité U j'ai eu une fois un voisin sikh. Ca ne mange pas de boeuf,  ça ne boit pas d'alcool, ça laisse pousser interminablement ses cheveux et sa barbe dans un turban, à part ça c'était un jeune homme charmant dont on n'avait rien à dire. L'autre voisin communiste était plus chiant. Brillant jeune docteur en maths, il affectait de prendre le premier petit poste sous-payé venu et d'aller éplucher des patates à la fête à Arlette. Edouard, si tu avais été un vrai fils de prolo tu ne t'amuserais pas à ces conneries. Tu profiterais de ta chance.  J'ai eu une bonne copine grecque, orthodoxe. Charmante, même si au départ j'ai fait ma bourrique avec elle en lui téléphonant dès potron-minet pour la punir d'avoir mis le brain dans sa chambre jusqu'à pas d'heure. Je suis allée à un office orthodoxe, dans la belle église rue Daru à Paris. C'était interminable et je me suis fait remonter les bretelles parce que je croisais les jambes. On prie avec ses mains et non avec ses pieds, mademoiselle; ça me servira pour la prochaine séance de deux heures et demi rue Daru, tiens.

Il n'y a que les protestants que je n'ai pas pratiqués, ainsi que les mormons et les serial killers. Les témoins de Jéhovah, j'essaie de les convertir sur-le-champ. Ils roulent des billes, très impressionnés par mon discours, avant que je leur dise "Au revoir et bonne journée!" en refermant la porte.

Je crois que nous sommes un amalgame de particules chimiques qui ont eu du bol, mais j'ai fait baptiser nos enfants. Mon mari aurait été juif ou musulman je les aurais laissés se faire circoncire, pas contrariante pour un sou. Mais ce que j'aime dans la vie ce sont les sciences humaines, ce n'est donc pas pour croire qu'une divinité quelconque ait placé deux playmobils sur terre pour accomplir une oeuvre. En attendant chacun vit cette incongruité de notre conscience comme il l'entend.

Les humains sommes des primates qui avons réussi, point. Jusqu'à quand? Pour moi, la seule chose qui nous sauvera à terme c'est la recherche spatiale. Il n'y a pas à tortiller : quand nous serons 20 milliards et qu'il n'y aura plus rien pour boire et manger, sans parler de la confiance mutuelle, il faudra bien aller voir ailleurs si j'y suis, ou disparaître... C'est la vie.

C'est pourquoi quand mon Eudes me dit qu'il va faire autre chose qu'astronaute parce qu'il lui faudrait mettre des couches au décollage, je lui réponds qu'il fait sa chochotte. Je lui couperais un orteil, comme ma copine Rosanna à son mari, si on me l'envoyait dans une guerre offensive, tels les amusements initiés par le petit Bush en cours de désintox alcoolique, mais pour la recherche spatiale, je veux bien que mes fistons prennent des risques.

Et où donc est ma part de sorcière, allez-vous me dire? Il faudrait voir à ne pas faire d'annonces mensongères!

Ce qu'il y a, c'est que pour compliquer le tout je suis des Deux-Sèvres, près de la Gâtine, pays des sorcières. Dans mon "milieu" d'origine, les gens ne sont pas bien futés, ils vont voir des rebouteux et des voyantes. Un jour mon père m'a téléphoné, alors que j'étais étudiante à Poitiers : "Allo, est-ce que tu connaîtrais une voyante?

-... Euh, non....

- Ah bon, aur'voir!"

Je ne voudrais pas savoir combien mes radins de parents ont claqué en voyantes, mais à coup sûr pas mal. Ca les soutient, ça leur redonne la pêche, ça leur fait un sujet à penser pendant quinze jours et des confidences à faire aux personnes de confiance (pas à moi.) Moi, je suis athée et je ne vais ni chez les voyantes ni chez les rebouteux ou magnétiseurs. Pas de ça Lisette. Mes meilleurs amis sont la carte bancaire qui rempli le frigo, la littérature et l'Etat providence.

Pourtant, à bientôt 36 ans, il faut que je m'incline devant cette évidence : je crois bien que c'est moi, la voyante.

Inutile de m'envahir de demandes de prédictions! Je ne veux rien savoir de ça ni apprendre à m'en  servir! Je constate, c'est tout.

Je constate que depuis mes quinze ans environ je fais -rarement vérifiés, certes, mais quand même - des rêves prémonitoires. Je constate que parfois un phénomène inexplicable me sauve de peu. Et puis surtout je constate que parfois, je bénéficie d'une certitude inébranlable, que je n'ai qu'à suivre aveuglément pour obtenir l'effet attendu.

Tout d'abord il faut savoir que je suis avant tout quelqu'un de distrait et d'intuitif. Je fais les choses "comme ça", pour me rendre compte de choses très concrètes dix à quinze ans plus tard. Ou parfois beaucoup plus, comme par exemple pour la fois où le fils de ma gardienne m'a fichue dans son lit alors qu'il avait 18 ans et moi 6, qu'il a fermé les volets pour jouer au papa et à la maman, et que quelqu'un est arrivé à l'improviste, avant qu'il ait décidé de jouer vraiment. Il a fallu que mon fils aîné atteigne l'âge que j'avais pour que je souvienne de cette histoire et que je comprenne que ça n'aurait pas été si marrant, comme jeu. Du coup j'ai compris aussi pourquoi je n'avais jamais pu mettre mes enfants chez une assistante maternelle, et pourquoi je préférais me plaindre parfois souvent de ma vie de mère au foyer sur un blog tendancieux , plutôt que de travailler dans ces conditions. Toumaipassa, comme dirait mon virtuel ami Pierre-Marie.

Il y a eu également la fois où, à 7 ans, ma grand-mère m'a confié une bouillotte pour que je l'apporte à mon grand-père, malade au fond de son lit, au deuxième étage d'un ancien presbytère. Je l'ai bien calée au creux de mon épaule, et j'ai gravi le grand escalier jusqu'à la chambre rouge. J'ai remis la bouillotte à mon papy, ait reculé de deux pas, et la bouillotte a éclaté. Il a été brûlé au troisième degré, je me demande même s'il n'a pas eu une greffe de peau sur son bras. Et ce grand égoïste, ce monstre de travail qui se barrait en plein repas pour vêler les vaches, ce vétérinaire obsédé par le fric, éclatait littéralement de joie avec son bras à vif rien qu'à l'idée que c'était lui qui s'était pris l'eau bouillante, et pas moi. Je sais depuis ce que c'est que d'aimer quelqu'un, même une sale petite peste comme moi : c'est de vouloir que la bombe nous éclate à notre tronche à nous. Enfin bref j'ai encore été sauvée.

Dès 1996, j'étais étudiante à la Sorbonne, et je prenais chaque jour le RER B, à Saint-Michel pour retrouver mon petit copain iranien sus-dit, le pauvre qui m'a supportée pendant six ans.

Un soir j'arrive devant le dernier wagon de ma rame de RER, qui n'était pas blindée de monde. Et tout à coup, je me suis dit qu'il fallait que je passe un coup de fil à Réza. Pour lui dire quoi? Rien du tout. En fait je me revois devant cette rame, j'ai fait un pas; il y avait comme un flou. En ce temps-là c'étaient les débuts du portable; je n'avais qu'une carte téléphonique. Par chance, j'ai trouvé une petite cabine juste à côté de ma voie. Réza décrocha. "Je prends le RER et j'arrive!", claironnai-je.

- Oui, et quoi? me fit-il

-Eh ben je t'appelle pour te dire que je prends le RER et que j'arrive!

- Oui, c'est bien, comme tous les soirs. Tu ne devrais pas bousiller tes unités, tu pourrais en avoir besoin..."

Avoir pris une Révolution Islamique dans la gueule rendrait n'importe qui très pragmatique. Réza l'était pour deux. Un jour il m'a supplié de lui demander son avis pour chacun de mes achats qui dépasserait 50 balles, même si ce n'était pas son argent. Il savait que j'étais un panier percé.

Alors j'ai pris la rame suivante, sans penser à rien, et je suis restée avec les autres trois quarts d'heure coincée dans cette foutue carlingue. Devant nous, à Port-Royal, la rame qui ne m'avait pas convenu, le wagon même où je n'étais pas montée venait d'exploser sous le coup d'une bombe islamiste ayant haché menu plusieurs brillants thésards musulmans de mes voisins de cité U.

Mon post est bien long, je vous l'accorde, mais maintenant que je suis lancée, autant finir!

Dans les grandes lignes, il y a eu ce rêve fait en 1991; j'avais 17 ans. J'ai rêvé d'un attentat à New-York dans ses moindres détails. Dans ce rêve, la charge était placée dans le chapeau de la statue de la Liberté. J'essayais de prévenir les gens qui devaient fuir à vélo tellement tout était embouteillé. Je m'en souviens d'autant mieux que j'ai tout noté au réveil. Je suis restée une matinée à ma fenêtre, sous le coup de l'émotion. Et puis j'ai classé ce rêve comme les autres : ce n'est qu'un rêve.

Depuis je reconnais un rêve prémonitoire à sa charge émotionnelle : je me réveille littéralement "sur le cul", parfois profondément affectée. Pendant des années j'ai rêvé de meurtres, d'assassinats,...le plus vite possible chassés au réveil. Jamais je n'ai pensé que ces bêtises pouvaient être prémonitoires , jusqu'à 2001 où je me suis dit "Enfin quand même..." Puis il y a eu ce rêve, où je me voyais avec ma famille dans une montgolfière, au-dessus de "la Cappadoce". Dans ce rêve, je vivais distinctement en Turquie avec ma famille, tout en possédant "une maison en France". Et je me disais que ce n'était pas bien pratique quand même. Quelques années plus tard mon mari a été en pourparlers assez sérieux pour un poste en Turquie, avec logement de fonction, et nous aurions donc eu en même temps une maison en France. J'y ai vraiment cru. Peut-être affaire non classée d'ailleurs.

Et, mes amis, si vous me croyez et accordez foi à mes propos, nous sommes mal barrés parce que depuis 20 ans je suis littéralement obsédée nuitamment par "le premier jour de la guerre". Je me suis vue dans toutes les situations, et j'ai piloté tous les tanks de la terre (enfin, français je présume, du moins européens j'espère.) Alors que franchement je n'aime pas spécialement les films de guerre, d'action, les livres sur le sujet, que je ne suis pas une grande fan de ces récits, même historiques, je rêve régulièrement depuis de très longues années du "premier jour de la guerre". J'ai vu les bombes tomber à l'instar des parachutistes, j'ai dû me cacher pour remonter le pays de nuit, un fichu sur la tête, parfois accompagnée de mon mari, j'ai dû sauter moi-même d'avions de guerre, en me demandant comment j'allais me réceptionner, j'ai entendu cent fois la nouvelle à la radio,... Le premier jour de la guerre m'épuise... Je prie pour n'être qu'une petite écervelée qui raconte n'importe quoi, ça va me redonner la foi, tiens.

Pourtant mes rêves sont souvent aussi cons que ceux de tout le monde. Comme mes certitudes, ou un réel manque de bol parfois, même si en général j'ai beaucoup de chance.

Donc parfois je suis le fil d'une certitude irrationnelle qui s'avère parfaitement fondée, à tel point que j'aurais eu vraiment chaud aux fesses si je n'avais pas fait comme ça, rater ma vie de femme par exemple.

Ainsi, lorsque je suis partie en train avec mon supérieur hiérarchique et néanmoins futur mari, pour un grand raoût professionnel, je savais que si je prenais ce train j'allais épouser cet homme-là. Pourtant je ne lui avais jamais parlé plus de 3 minutes et il ne m'avait même pas invitée à prendre un café. Il portait une alliance mais je savais qu'il ne pouvait pas être marié. Je n'ai posé la question à personne pour ne pas attirer l'attention. En fait il était séparé depuis six mois et n'avait pas encore pris l'habitude d'avoir été viré par la femme qu'il avait épousée "devant Dieu", rappelez-vous qu'il est croyant, même si ça semble incroyable vu la nana qui lui est ensuite tombé dessus.

Cet épisode fait partie des grandes certitudes qui ont gouverné ma vie, et dont je vous ferai grâce du récit, car cet exemple est suffisamment significatif. Je savais donc que j'allais me marier avec cet homme-là pour peu que je prenne ce train, et rien n'aurait pu m'empêcher d'être à l'heure à la gare de Lyon, pas même le décès de mon autre grand-père la veille. Je lui ai parlé (comme si en plus j'étais médium!) pour lui dire qu'à mon avis, il devait préférer savoir que sa descendance allait être heureuse et nombreuse plutôt que d'avoir une petite fille de plus à son enterrement surtout qu'il ne fallait pas compter sur ma soeur pour s'occuper de ses gènes. Il a très bien compris, j'ai couru prendre mon train, et l'homme en question m'a demandée en mariage dès le lendemain, comme de juste. Depuis il bosse comme un taré pour assurer l'entretien de ses cinq beaux enfants et celui de la plus belle femme du monde; c'est dire s'il est content.

Bon voilà, j'en ai pas mal dit quand même. Alors, suis-je une sorcière? Un petit peu ou pas du tout? Rassurez-vous, parfois je ne m'écoute pas et me viande; parfois j'aimerais tellement avoir un signe et rien ne vient; parfois je ne sais qu'en penser...

Alors, ma boule de cristal, vais-je trouver le travail du siècle en septembre prochain (comme députée du Front de Libération du Parent au Foyer par exemple? Il faut quand même que je m'y mette!)

"..."

C'est bien ce que je vous disais, je ne le maîtrise pas encore bien, ce truc...