Lettre à Elise

Par Pandora


Aujourd'hui j'ai envie de faire un petit billet pour Elise qui se reconnaitra si elle passe par là, et pour tous les nouveaux diagnostiqués qui ont l'impression que leur vie s'arrête parce que cette satanée sclérose en plaque leur est tombée dessus...

Un billet pour toi Elise qui te sens tellement mal que tu as envie de tout balancer, de tout arrêter, de tout casser. Y compris toi-même.

Je n'ai de leçon à donner à personne pour être moi aussi bien loin d'avoir tout réglé avec mon intruse mais je vais quand même essayer de te parler des cinq années, déjà, de cohabitation que je vis avec notre hôte désormais commune.

La nouvelle est un choc insurmontable, insupportable, intolérable. Mais les jours passent et le choc perd en puissance, les torrents de larmes s'assèchent, la désespérance devient tristesse. La vie continue parce qu'on n'a de toutes façons pas le choix. N'a-t-on pas signé pour le meilleur et pour le pire ?

Combien de fois ai-je rejoué la scène de l'annonce ? Combien de fois ai-je espéré que ce n'étaient pas mes clichés, pas mes plaques, pas ma maladie ? Pas ma vie ? Sans encore aujourd'hui réussir à vraiment accepter. Parce que c'est inacceptable.

Mais les journées passent et le temps fait son œuvre. La nouvelle se dilue dans l'océan de toutes les autres même si, comme un bloc de colorant dans une cuvette de toilette, l'eau en garde la couleur. Bleu outremer, vert turquoise ou blanc de larmes. Une couleur qui change selon les jours et perd en intensité avec le temps.

Restent alors la colère et les questions. Pourquoi ?

Je sais aujourd'hui qu'il n'y a pas de réponse.

Alors Elise, j'ai envie de te dire de ne pas te tromper d'adversaire.

Ce ne sont pas tes amis et les gens que tu aimes contre lesquels tu es en colère, même si rien de ce qu'ils te disent ne trouve grâce à tes yeux. Toute tentative de rapprochement de leur part ressemblera au début à de la pitié, toute non tentative sera perçue douloureusement comme de l'indifférence. Mais ceux qui resteront, ceux qui chercheront à comprendre te prouveront que ce sont de vrais amis. Tant pis pour les autres, tu t'en feras des nouveaux.

Ce ne sont pas ces gens contre lesquels tu es en colère, ceux qui essaient de t'aider à accepter un diagnostic criant d'injustice quand toi tu attends juste qu'on te dise que tu n'es pas malade.

Ce n'est pas toi et ton corps contre lesquels tu es en colère, ce handicap que tu crains plus que tout.

Non, c'est contre la sclérose en plaque et elle seule.

Savoir se faire aider, parler le plus possible à ses proches mais aussi à des professionnels, se renseigner sur la maladie sont autant de moyens d'encaisser la nouvelle pour laisser le temps faire son œuvre.

Avec la sep on peut grimper au sommet des montagnes bien plus haut que le Mont Blanc, dormir à la belle étoile, faire du catamaran le lendemain de son injection d'interféron, plonger pour nager avec les tortues, partir aider dans la brousse africaine mais aussi passer son dimanche à se lamenter sur son canapé, s'isoler dans son coin et maudire la terre entière.

Avec la sep on peut aimer, rire, jouer, voyager, découvrir, écrire mais aussi pleurer et crier, faire la gueule, refuser de prendre du bon temps et se couper de tout et de tous.

Avec la sep, on peut tout faire. J'ai fait tout cela.

J'ai pleuré et j'ai ri, je me suis lamentée et j'ai avancé.

J'ai pensé à mourir et j'ai croqué la vie, j'ai détesté et j'ai aimé.

Et bien Elise, moi, c'est croquer la vie que j'ai préféré. Sans hésitation.

Même si je dois le faire avec mon intruse, même si ce n'est pas facile tous les jours, même si je n'ai pas toujours envie, je choisis la Vie.

Pour le meilleur et pour le pire.

Ne laisse pas la sclérose en plaques t'empêcher de vivre, elle n'en vaut vraiment pas la peine.

On n'est tous qu'une petite poussière insignifiante dans le grand univers, mais même si la vie ne vaut rien que cette petite poussière, rien ne vaut la vie.

Courage Elise ;-)